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HAL Id: halshs-00804580 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00804580 Submitted on 29 May 2014 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Oeuvres complètes et œuvres qu’on prête : à propos des Opera omnia de Hildegarde de Bingen (1098-1179) Laurence Moulinier To cite this version: Laurence Moulinier. Oeuvres complètes et œuvres qu’on prête : à propos des Opera omnia de Hildegarde de Bingen (1098-1179). Béatrice Didier, Jacques Neefs et Stéphane Rolet. Composer, rassembler, penser les ” œuvres complètes ”, Presses universitaires de Vincennes, pp.165-186, 2012. <halshs-00804580> 1 Œuvres complètes et œuvres qu’on prête : à propos des Opera omnia de Hildegarde de Bingen (1098-1179) Laurence MOULINIER Université de Lyon II A la toute fin de l‟année 2007 est paru dans la prestigieuse collection « Corpus christianorum continuatio medievalis » des éditions Brepols un volume collectif intitulé Hildegardis Bingensis Opera minora1, et s‟inscrivant à son tour dans une autre série, celle des écrits de Hildegarde de Bingen (1098-1179), inaugurée il y a 30 ans par la publication de son Scivias2. La célèbre abbesse des bords du Rhin fut en effet une visionnaire prolixe, qui laissa des ouvrages de nature diverse : outre une riche correspondance et trois livres de visions, on lui doit un traité de science naturelle, une “ langue inconnue ”, un “ alphabet inconnu ”, un drame liturgique et des compositions lyriques. Elle écrivit aussi la vie des saints patrons des deux monastères rhénans où elle vécut, le Disibodenberg et le Rupertsberg, et des textes didactiques ou exégétiques, comme la règle bénédictine commentée pour une communauté de chanoines réguliers, 38 questions sur l‟Ecriture glosées pour les Cisterciens de Villers-en- Brabant, ou le Credo d‟Athanase expliqué à ses propres sœurs. Le volume d‟Opera minora de la nonne rassemble cinq écrits dont trois avaient été déjà publiés ensemble à deux reprises3, mais est malheureusement dépourvu d‟une introduction générale expliquant les tenants et aboutissants de l‟entreprise, ou justifiant que certains textes n‟y figurent pas : ce tome d‟« œuvres mineures » aura-t-il lui-même une suite regroupant d‟autres brefs écrits tenus pour l‟heure à l‟écart de l‟entreprise, comme la Vie de saint Rupert ou la Vie de saint Disibod ? On comprend en tout cas implicitement que si ce volume voit le jour, c‟est que leurs auteurs, ou l‟éditeur, peu importe, considèrent que les « grands textes » de Hildegarde sont désormais disponibles et que les textes ici proposés sont d‟une autre envergure. C‟est donc une hiérarchisation des œuvres de la géniale moniale qui est ainsi entérinée, et sur laquelle je voudrais m‟arrêter. L‟idée de publier les œuvres complètes de Hildegarde germa au milieu du XIXe siècle dans l‟esprit de l‟abbé Migne qui, comme on le sait, fut à la tête, avec ses Patrologies, d‟une vaste entreprise éditoriale visant à donner au public, parfois à n‟importe quel prix, une bibiothèque universelle des auteurs chrétiens4. L‟abbesse de Bingen se vit consacrer un volume entier, et l‟édition des écrits rassemblés dans le tome 197 jouit notamment de la collaboration de Charles-Victor Daremberg, qui dirigeait alors la bibliothèque Mazarine5, et 1 Hildegardis Bingensis Opera minora, éd. Peter Dronke, Christopher P. Evans, Hugh Feiss, Beverly Mayne Kienzle, Carolyn A. Muessig, Barbara Newman, Turnhout, Brepols, 2007 (Corpus Christianorum Continuatio Medievalis, 226). 2 Hildegardis Bingensis Scivias, éd. Adelgundis Führkötter, Angela Carlevaris, 1978 (CCCM, XLIII, XLIIIA). Ont paru ensuite, dans l‟ordre : Hildegardis Bingensis Liber vite meritorum, éd. Angela Carlevaris, 1995 (CCCM 90) ; Hildegardis Bingensis Epistolarium, éd. Lieven Van Acker, Turnhout, Pars I (I-XC), 1991 (CCCM 91); Pars II (XCI-CCLr), 1993 (CCCM 91A) ; Pars III (CCLI-CCCXC), éd. Lieven Van Acker et Monika Klaes-Hachmöller, 2001 ; Hildegardis Bingensis Liber divinorum operum, éd. Albert Derolez, Peter Dronke, 1996 (CCCM 92). A cette série se relie la Vita sanctae Hildegardis, éd. Monika Klaes, parue en 1993 (CCCM 126). 3 De Regula sancti Benedicti, Explanatio symboli sancti Athanasii et Expositiones Evangeliorum, publiés ensemble d‟abord dans la Maxima Bibliotheca Patrum puis dans la Patrologie latine. 4 Voir R. Howard Bloch, « Du bon et du bon marché : ou la fabuleuse exploitation industrielle des Pères de l„Eglise par l‟abbé Mogne », dans L’Hostellerie de Pensée. Etudes sur l’art littéraire au Moyen Age offertes à Daniel Poirion par ses anciens élèves, dir. Michel Zink et Danielle Bohler, Paris, Presses de l‟Université de Paris-Sorbonne, 1995, p. 59-74, et Id., Le plagiaire de Dieu. La fabuleuse industrie de l’abbé Migne, Paris, Seuil, 1996. 5 Médecin lui-même et grand érudit, Charles-Victor Daremberg (1817-1872) laissa entre autres un Etat de la médecine entre Homère et Hippocrate et participa avec Edmond Saglio à la rédaction du Dictionnaire des antiquités grecques et romaines. 2 du savant allemand Friedrich Anton Reuss6, mais plus encore du patronage du Bénédictin Jean-Baptiste Pitra7. Disposait-on pour autant, à partir de 1855, des œuvres complètes de l‟abbesse ? L‟entreprise de Migne suscita des compléments d‟importance, à commencer par les Analecta sacra de Pitra parus en 1882 qui comblèrent une lacune de taille en publiant pour la première fois de larges extraits du Liber vite meritorum jusqu‟alors boudé par l‟imprimerie et en donnant aussi l‟édition princeps de la Symphonia, rebaptisée Carmina (les chants étaient édités comme de la prose, sans la musique8). Significativement, le volume d‟écrits de la sainte réunis par Pitra portait pour titre « Nova sanctae Hildegardis opera » et pointait donc, notamment avec deux séries de lettres intitulées « nova et altera series » et « novae epistolae », l‟incomplétude du tome 197 de la Patrologie latine. Ajoutons enfin qu‟il faisait accéder pour la première fois aux presses, bien que par quelques extraits seulement, le Speculum futurorum de Gebeno d‟Eberbach, principal fauteur de pseudo-hildegardiana sur lequel nous reviendrons. Les Opera omnia Hildegardis de Migne suscitèrent également l‟émulation, si l‟on songe au projet éditorial avorté du chanoine Damoiseau qui, encouragé par le cardinal Pitra, lança une édition « nouvelle et correcte » des écrits de Hildegarde dont une édition partielle du Scivias fut le seul résultat tangible, sans qu‟on sache pourquoi son entreprise tourna court9. Mais en tout état de cause, les Opera omnia de Migne n‟en avaient pas moins innové par deux aspects : était publié pour la première fois, d‟après un manuscrit de la Bibliothèque impériale, une version du traité de science naturelle de Hildegarde jusqu‟alors connu par une édition, très différente, de la Renaissance10, et pour la première fois aussi, une femme se voyait consacré tout un volume de la Patrologie. Sa contemporaine et amie Elisabeth de Schönau (1129-1164), étroitement logée dans le volume 195 consacré à Aelred de Rievaulx, n‟eut pas cette chance, alors que c‟est avec elle que Hildegarde avait fait son entrée dans le monde de l‟imprimé. Elle accéda en effet aux presses grâce à Jacques Lefèvre d‟Etaples qui, à la suite d‟un voyage au Rupertsberg en 1509, donna en 1513 à Paris l‟édition princeps du Scivias, première oeuvre visionnaire de la nonne, dans un recueil qui réunissait les écrits de six mystiques, trois hommes et trois femmes, dont Elisabeth et son Livre des voies de Dieu11. Voir à ce sujet Danielle Gourevitch, "St Hildegard (1098-1179) and Migne‟s Patrologia Latina, a note on the edition of Hildegard‟s Subtilitates by Reuss and Daremberg", Korot, 10, 1993-1994, p. 19-24. 6 Le titre est : Sanctae Hildegardis abbatissae opera omnia, Ad optimum librorum fidem edita. Physicae textum primus integra publici iuris fecit Car[olus] Daremberg. Prolegomenis et notis illustr. F. A. Reuss, accurante J[acques]-P[aul] Migne, Patrologiae cursus completus, Series latina, 197, Paris, Garnier, 1855. 7 Voir Danielle Gourevitch, "St Hildegard (1098-1179) and Migne‟s Patrologia Latina… », p. 21-22. 8 Carmina, dans Analecta sacra Spicilegio Solesmensi parata, éd. Joannes Baptista Pitra, t. VIII, Nova sanctae Hildegardis opera, Monte Cassino, Typis Sacri Montis Casinensis, 1882, p. 441-447 ; voir à ce sujet Opera minora… , p. 357. 9 Voir le Proemium, p. VII-XV, dans Novae editionis operum omnium S. Hildegardis experimentum. Omnibus studiosis divinae sacrorum librorum linguae sacri altaris ministris propositum, éd. Augustin Damoiseau, S. Petri Arenarii (Saint- Pierre d'Arena), ex officina Hospitii Salesiani S. Vincentii, 1893 ; le Scivias édité aux p. 1-272 constituait l‟experimentum destiné à évaluer le nombre de souscripteurs possibles. Voir à ce sujet Michael Embach, « Beobachtungen zur Überlieferungsgeschichte Hildegards von Bingen im späten Mittelalter und in der frühen Neuzeit. Mit einem Blick auf die Editio princeps des Scivias », dans Rainer Berndt (dir.), Im Angesicht Gottes suche der Mensch sich selbst, Hildegard von Bingen (1098-1179), Berlin, Akademie Verlag, 2001, p. 401-459, et Id., Die Schriften Hildegards von Bingen. Studien zu ihrer Überlieferung und Rezeption im Mittelalter und in der Frühen Neuzeit, Berlin, Akademie Verlag, 2003. 10 Voir Laurence Moulinier, Le manuscrit perdu à Strasbourg. Enquête sur l'œuvre scientifique de Hildegarde, Paris/Saint- uploads/Litterature/ a-propos-des-opera-omnia-de-hildegarde-de-bingen.pdf

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