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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/250286357 A.-M. Thiesse, La création des identités nationales Article in Politix · January 1999 DOI: 10.3406/polix.1999.1816 CITATION 1 READS 1,037 1 author: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: Interco-SSH : International Cooperation in the SSH View project Literary agents: the sociology of a profession View project Gisèle Sapiro École des Hautes Études en Sciences Sociales 164 PUBLICATIONS 1,403 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Gisèle Sapiro on 24 March 2016. The user has requested enhancement of the downloaded file. Politix A.-M. Thiesse, La création des identités nationales Gisèle Sapiro Citer ce document / Cite this document : Sapiro Gisèle. A.-M. Thiesse, La création des identités nationales. In: Politix, vol. 12, n°48, Quatrième trimestre 1999. pp. 187-190. doi : 10.3406/polix.1999.1816 http://www.persee.fr/doc/polix_0295-2319_1999_num_12_48_1816 Document généré le 17/10/2015 Lectures contextes sociohistoriques contraignants. Pour parler comme P. Bourdieu, dont les apports décisifs en matière de sociologie de l'action sont curieusement absents dans le livre, les stratégies des acteurs mobilisés sont alors moins rationnelles que raisonnables. À ce titre, l'auteur écrit qu'«enraciner les calculs dans leur substrat social paraît en définitive une façon simple d'éviter les débats scolastiques quant à la définition adéquate du concept d'intérêt» (p. 155) ; ce qui, en soi, n'est pas d'une radicale nouveauté : beaucoup de travaux d'orientation constructiviste, s'inscrivant d'ailleurs bien souvent dans l'héritage de la sociologie de P. Bourdieu, se sont efforcés depuis longtemps de dépasser une conception de la notion d'intérêt trop longtemps enfermée dans le dualisme déterminisme- mécanisme/liberté-rationalité. La focalisation sur la littérature anglo- saxonne relative à la théorie de la mobilisation peut parfois conduire, selon l'expression d'E. Neveu, à une «coûteuse amnésie des acquis antérieurs». On peut signaler aussi que J. Siméant ne fait aucune référence à un auteur qui, pourtant, a construit un cadre théorique très proche de celui qu'elle utilise pour appréhender les mouvements de sans-papiers, auteur qui n'est autre quTErhard Friedberg. Réfutant la dichotomie entre action collective et organisation, s'interrogeant sur le poids des contextes d'action dans les calculs individuels, attentif aux ressources nécessaires à l'engagement dans les structures organisées, l'analyse stratégique de Friedberg (Le pouvoir et la règle, dynamiques de l'action organisée, Paris, Seuil, 1993) paraît en définitive «coller» presque parfaitement à celle de J. Siméant. N'écrit-il pas, lui aussi, que les comportements peuvent être «analysés comme les produits d'un choix raisonné des individus, c'est-à-dire en dernière analyse comme un reflet de ce qui, dans leur situation telle qu'ils la perçoivent, leur paraît raisonnable, bref comme un reflet de leurs rationalités limités et contingentes» («L'analyse sociologique des organisations», Pour, n°328, 1988, p. 8) ? Quoi qu'il en soi, par son souci de penser les conditions sociales de possibilité des mouvements d'étrangers en situation irrégulière, de les réinsérer dans des réseaux structurés d'interdépendance, de mettre au jour les stratégies et les calculs, tant individuels que collectifs, se déployant dans ces systèmes d'action contraignants toujours spatio-temporellement situés et, enfin, par sa préoccupation constante d'être attentif à l'action collective en train de se faire, nul doute que l'ouvrage de J. Siméant constitue un incontestable apport au renouvellement des débats et des problématiques dans le champ des travaux consacrés à l'étude des mobilisations. Emmanuel Pierru Université de Picardie CURAPP THIESSE (Anne-Marie), La création des identités nationales. Europe XVIIIe-XXe siècles, Paris, Seuil, coll. «L'Univers historique», 1999, 302 pages. LA nation est, on le savait, une fiction bien fondée. Non pas du fait de ses fondements historiques, mais en raison de «l'adhésion collective à cette fiction» (p. 14), adhésion qui ne naît pas d'un sentiment spontané mais d'un long travail d'inculcation, sur lequel Anne-Marie Thiesse, spécialiste de la littérature populaire et du régionalisme, s'est déjà 187 Lectures penchée dans un précédent ouvrage (Ils apprenaient la France, Paris, Éditions de la MSH, 1997). C'est au travail de fabrication de la fiction, d'«invention de la tradition» selon l'expression d'Eric Hobsbawm, qu'elle s'attelle dans ce nouveau livre. Cette grande saga a pour cadre l'Europe, pour trame la compétition en vue de la proclamation des nations depuis la fin du XVIIIe siècle, et pour héros des dénicheurs d'antiquités nationales, des bardes réincarnés, des poètes épiques, des philologues érudits, des ethnographes avant la lettre, des peintres et des musiciens. Elle déboute bien des préjugés, y compris du sens commun savant. L'auteur cherche à restituer à la fois l'arbitraire et le volontarisme qui ont présidé à la construction des identités nationales. Celles-ci ne sont conçues ni comme des entités naturelles fondées sur la langue, comme le voulait un de leurs pères, Herder, puisque ce n'est souvent qu'une fois la nation proclamée qu'on décide de la doter d'une langue, ni comme un produit de processus socio-économiques, comme l'analysait encore récemment Benedict Anderson (L'Imaginaire national, Paris, La Découverte, 1996), qui voit dans l'association entre protestantisme et capitalisme d'imprimerie en quête de nouveaux marchés l'un des principaux moteurs de l'émergence des identités nationales, à travers la création de nouveaux lectorats en langues vernaculaires. A.-M. Thiesse ne conteste pas la validité de cette dernière thèse, mais, dit-elle, elle ne suffit pas à elle seule à expliquer tous les cas de figures. L'auteur remet par ailleurs en cause certaines oppositions préconstruites, entre le régional et le national, comme elle l'avait déjà entrepris dans son précédent livre, et surtout entre le national et l'international. En effet, loin de se faire au détriment de l'identité européenne, la construction des identités nationales contribue largement à sa redéfinition, car chaque découverte, chaque épopée nationale exhumée par exemple, est considérée comme venant enrichir le patrimoine européen. La raison principale en est que les acteurs de la construction des identités nationales forment une communauté cosmopolite, pour qui Herder et les frères Grimm constituent les références majeures. Ce cosmopolitisme intellectuel est une dimension essentielle de l'histoire de la formation et de la rapide diffusion du modèle national en Europe, avant son exportation par le biais de la colonisation. Le mouvement est né de la lutte contre le classicisme, qui est aussi une lutte contre l'hégémonie culturelle française. Il prend corps dans le cadre d'une révolution esthétique opposant le «naturel» à «l'artificiel», le «populaire» au «savant», les «chaumières» aux «salons», le «barbare» à la culture gréco-latine. À l'épopée homérique, on oppose désormais l'épopée nordique, celle d'Ossian, «reconstituée» par l'écossais James Macpherson à partir de poèmes gaéliques, et qui connaît un large succès dans les milieux intellectuels européens. «Le génie de Macpherson, aidé par des experts en la matière, a été de prendre en compte dans son œuvre les tendances esthétiques les plus neuves et de les attribuer à un antique aède» (p. 28). Celui de Herder, admirateur d'Ossian, sera de donner aux entreprises de contestation du modèle français dominant une portée universelle en les fondant dans une philosophie de l'histoire qui identifie «l'esprit» d'un peuple à sa langue. Du succès de cette révolution culturelle témoignent notamment la réappropriation du celtisme par la France (au profit de la Bretagne) et la tentative d'annexion d'Ossian, avec la publication en 1839 du Barzaz Breiz de La Villemarqué. Ce mouvement sert des objectifs politiques, le celtisme étant décrété véritable origine du peuple contre les conquérants Franks dont les aristocrates se vantaient d'être les descendants. À la différence du Kalevala et du Kalevipoueg, épopées fondatrices des identités nationales finnoise et estonienne, l'épopée nordique dans sa version bretonne ne parviendra cependant pas à s'imposer 188 Lectures durablement parmi les monuments fondateurs de la nation française, La Chanson de Roland en tenant déjà lieu. Si les nations comme la France, déjà dotées d'une langue et d'une littérature écrite vivante, entreprennent alors de diffuser cette langue par la voie de l'enseignement, en Allemagne les écrivains du Sturm und Drang et du romantisme se donnent pour tâche de l'illustrer, afin de convaincre les élites que l'allemand peut, comme le français, être une langue de culture. Ailleurs, c'est la langue elle-même qu'il faut rénover, voire forger comme dans les pays slaves ou en Finlande (où l'on impose une langue populaire, le finnois, à côté du suédois, langue des élites), puis normaliser, à l'aide d'associations créées à cet effet, avant de la diffuser au moyen d'une production littéraire et théâtrale. Le choix du dialecte devient parfois un enjeu politique, comme en Norvège où la gauche oppose le parler paysan du landsmaal au dano-norvégien (riksmaal) parlé dans la capitale, au nom de «l'authenticité» du premier contre l'origine «étrangère» du second. Tandis que l'épopée est le genre qui sert l'entreprise d'identification des ancêtres et d'illustration des vertus nationales originelles, le roman va quant à lui fournir la trame narrative de l'histoire nationale. Une fois de plus, l'Ecosse donne le ton avec un roman anonyme paru en 1814, Waverley. Son auteur, Walter Scott, impose ainsi un modèle qui résout la question du lien entre origines et présent et qui a surtout des vertus didactiques évidentes, puisqu'il permet de déployer, en toile de fond d'une intrigue romanesque, une profusion de descriptions de coutumes, de costumes, d'habitats et d'habitudes culinaires des temps anciens. Au théâtre, Shakespeare fournit, par le truchement uploads/Litterature/ a-m-thiesse-la-creation-des-identites-nationales.pdf
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- Publié le Jui 25, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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