1 www.comptoirlitteraire.com André Durand présente ‘’L’avalée des avalés’’ (196
1 www.comptoirlitteraire.com André Durand présente ‘’L’avalée des avalés’’ (1966) roman de Réjean DUCHARME (280 pages) pour lequel on trouve ici l’examen de : l’intérêt documentaire (page 2) l’intérêt psychologique (page 19) l’intérêt philosophique (page 49) la destinée de l’œuvre et la question de l’identité de l’auteur (page 60) Bonne lecture ! 2 Intérêt documentaire ‘’L’avalée des avalés’’ est riche de toute une mémoire livresque. Réjean Ducharme, fouillant dans le désordre d’une bibliothèque, s'appuya sur une très vaste culture, montra même une ambition encyclopédique. Bérénice affirme d’ailleurs : «Le seul moyen de s'appartenir est de comprendre» (page 191). Elle découvre les livres : «Je me mets dans tous les livres qui me tombent sous la main et ne m’en retire que lorsque le rideau tombe. Un livre est un monde, un monde fait, un monde avec un commencement et une fin. Chaque page d’un livre est une ville. Chaque ligne est une rue. Chaque mot est une demeure. Mes yeux parcourent la rue, ouvrant chaque porte, pénétrant dans chaque demeure.» (page 107). Elle court «après toutes les Bérénice de la littérature et de l’histoire.» (page 216), et avoue : «L’influence qu’exercent sur moi ces Bérénice n’est pas à négliger. J’ai tellement besoin de croire en quelque chose et je peux si peu croire en ce qu’on croit. J’ai besoin tellement d’un chemin que je prendrais volontiers, s’il m’était offert, le chemin de n’importe quelle Bérénice. Il faut que les pouvoirs de l’imagination soient grands pour que la seule coïncidence de quelques syllabes provoque un accommodement si vif de tout mon être, et un si grand désir.» (page 217) Elle déclare : «Je veux tout savoir» (page 218) - «Pour ce qui est de notions, de connaissances, je mange n'importe quoi.» (page 225). Elle prend des «cours de ballet, de trombone, de karaté, d’indologie, d’espagnol, de mécanique, d’électronique et de mythologie.» (page 255), et se dit : «L’hélicon et l’accordéon ont encore à me révéler tous leurs secrets. […] Les textes sanscrits cachent peut-être un message d’ordre cosmique que les milliards de forts-en-thème qui les ont lus n’ont pas compris.» (pages 256-257). C’est pourquoi elle évoque de nombreux pays, époques, cultures, activités humaines, plantes, animaux, etc.. Mais cet étalage quelque peu pédant de tout un éventail d’allusions est souvent fait d'une façon parodique. Différentes activités Ducharme s’aventure dans le domaine du sport, de l’athlétisme, en faisant de Christian un lanceur de javelot. Mais c’est pour lui une autre occasion d’exercer sa fantaisie : - Il évoque un «scout zoulou» (page 71) qui «a été choisi pour prendre part aux Jeux Olympiques de Brisbane», qui n’ont jamais eu lieu ! - Il imagine le lancer de javelot comme une course chronométrée où, «s’élançant vers le firmament, les cinq cents javelots ont l’air d’un orage tombant de la terre.» (page 98). Il est vrai qu’au Québec, dans ces années-là, l’athlétisme était une discipline inconnue ! Les jeunes personnages sont passionnés par la nature, Christian et Constance Chlore ayant communiqué leur passion à Bérénice, lui ayant révélé tout un monde merveilleux. Avec Christian, «Nous découvrons l’île. Quarante-deux criquets. Vingt-trois fourmis. Trois bousiers. Un chat.» [page 65]). Il met sur pied avec elle «un laboratoire biologique, une sorte de clinique où nous pouvions soigner les rats et étudier certains spécimens de la vie marécageuse» (page 83). Il se montre érudit aussi en matière d’animaux : «Nous dressons un inventaire en règle de notre faune» (page 65). Quant à Constance, elle «pouvait me dire le nom des insectes. […] Elle essayait de m’apprendre, mais je n’avais pas de talent.» (page 302). On trouve en effet mentionnés ou décrits : - des insectes : «andrène funèbre» (page 362) - «araignées» («Les araignées qui marchaient sur l’eau des marais s’appellent argyronètes.» [page 366]) - «blattes» (page 66) - «bousiers» (page 65) - «cicindèle» (page 302) - «criquets» (page 65) - «fourmis» (page 65) - «livie» (page 46) - «papillon géomètre» (page 81) - «sauterelles» (page 66) ; - des oiseaux : «aigle» (pages 189, 362) - «aptéryx» (page 66) ; - des poissons : «corynacties» (page 308) - «cribella oculata» (page 308) - «cyclopes» («Les crustacés dont nous ne péchions qu’un couple par printemps et dont l’aspect mythologique nous déconcertait s’appellent cyclopes. […] Je ne sais toujours pas comment s’appellent les petits mollusques bruns qui vivaient accrochés aux tiges des joncs noyés et dont la coquille se broyait avec 3 des bruits d’écaille d’œuf entre le pouce et l’index.» [page 366]) - «méduse à ombrelle noire» (page 308) - «nephthys hombergii» (page 308) - «poulpes blancs» (page 306) - «requin» (page 305) ; - des reptiles : «boa» (page 66) - «couleuvres» (page 65) ; - des mammifères : «belettes» (page 65) - «cheval» (page 66) - «chèvre» (page 66) - «cochon» (page 66) - «écureuils» (page 65) - «éléphants» (page 66) - «hérisson» (page 213) - «hippopotame» (pages 187, 255, 343) - «marmottes» (page 65) - «ondatras» (page 66 - est décrite la stupéfiante volonté de l’un d’eux qui, «pris au piège se débat» : «Jeune et vigoureux, la dent puissante et incisive, il a résolu de trancher où il se boucle le nœud gordien […] Il pratique la vivisection avec une détermination presque haineuse. Perçant à coups de gueule, arrachant à coups de tête, tordant le membre lacéré et brisé en miettes en se tordant de tous ses muscles, il est comme fou, comme dépassé par lui-même : il éclate, il éclaire, il tonne. […] le pauvre ondatra, l’ondatra à demi mort de liberté. Un rat a de l’âme plein le ventre.» [pages 68- 69], l’anecdote trouvant un écho page 259) - «panda» (page 66) - «raton laveur» (page 208) - «rats» (page 65, dont «l’île grouille», Einberg rêvant d’une «battue orgiaque» pour «l’extermination de leur race», tandis que Chat Mort, par esprit de contradiction, «s’entiche des affreux rongeurs») - «renard» (page 65) - «rhinocéros» (page 66) - «singe» (page 127) - «souris» (page 255) - «vache» (page 66) - «visons» (page 66). Les plantes aussi ont leur place, Bérénice tenant à aligner leurs noms car, dit-elle : «Les plantes dont je ne sais pas le nom sont comme les êtres humains dont je ne sais pas le nom.» (page 302) : «sagittaires» (page 25) - «ajoncs» (page 49) - «chiendent» (pages 49, 293) - «empêtre» (page 321) - «fléole» (page 49) - «frétillaire» (page 373) - «genêts» (page 49) - «grémil» (page 230) - «luzerne» (page 294) - «marrube» (page 246) - «orobranche» (page 294) - «plantain» (page 302) - «rue puante» (page 302) - «saxifrage ombreuse» (page 207). «L’évolution des espèces» est survolée : «L’homme s’est développé à partir d’un protozoaire. On ne peut sérieusement vouloir tout reprendre à zéro sans redevenir sans vie. Mais avant, il faut redevenir singe, saurien, trilobite, protozoaire.» (page 127). Les arts Apparaissent ici et là des allusions à : - la musique : La lettre de Christian est organisée en quatre mouvements : «Andante […] Allegro non troppo […] Furioso […] Maestoso.» (page 110) ; - la peinture : Chamomor est semblable à «la ‘’Vierge’’ de Baldovinetti» (page 80), qui est plus exactement ‘’La Vierge à l’enfant’’ ; - la sculpture : Le «célèbre buste de Louis XIV par Puget» (page 110) serait la forme d’un aquarium ! Mais Réjean Ducharme convoque surtout la littérature : - Bérénice lit «Homère et Virgile, ce Turc et cet Italien» selon Zio (page 188). Elle regrette un «temps homérique» (page 180). - Chamomor fait faire du «théâtre grec» : «quelque Aristophane, quelque Térence.» (page 101 ; mais il faut remarquer que Térence est un Latin !), et on déploie : «Masques, cothurnes, lances, trabées, péplos, pourpres» (page 101). - «Je me greffe à toi comme l’orobranche à la luzerne» (page 294) pourrait être le souvenir du ‘’Lai du chèvrefeuille’’ où Tristan, exilé loin de sa bien-aimée, la reine Iseut (dont «les os» sont évoqués page 91), dépose sur son passage un délicat signe de reconnaissance : une branche de coudrier enlacée d’un brin de chèvrefeuille, symbole de leurs destins inséparables. - Le «géant des mers lui-même : Adamastor» (page 307) est un personnage de l’épopée de Camoëns, ‘’Les Lusiades’’. - «To be or not to be» (page 128) est une citation de ‘’Hamlet’’ de Shakespeare, pièce où le héros hait sa mère, et à laquelle une allusion est peut-être faite avec «Chamomor est debout au milieu d’une rue d’une ville du Danemark, elle m’attend fixement, et je la hais» (page 207) : la ville pourrait donc être Elseneur. «‘’Exeunt’’, comme dit souvent Shakespeare dans ses pièces de théâtre.» (page 345) remarque Bérénice. Elle envie Roméo et Juliette : «À mon âge, Roméo et Juliette avaient épuisé leurs 4 réserves de flèches et de bombes et se rendaient au titan.» (page 296), tandis que Gloria, pour la rejoindre, a escaladé un mur «à l’instar de Roméo» (page 358). - Dans «Elle a vécu ce que vit toute douceur : l’espace d’un malentendu» (page 148), on a un pastiche de ces vers de Malherbe uploads/Litterature/ 446-ducharme-l-avalee-des-avales-ii.pdf
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- Publié le Jan 20, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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