1 VI. LES TEXTES APOCRYPHES ET APOCALYPTIQUES Depuis le ~IVe siècle jusqu’au Mo
1 VI. LES TEXTES APOCRYPHES ET APOCALYPTIQUES Depuis le ~IVe siècle jusqu’au Moyen Âge existait dans la production des écrits juifs et chrétiens un genre littéraire largement exploité auquel nous avons précédemment fait allusion, mais auquel nous ne nous sommes pas longuement attardés, si ce n’est peut-être quand nous avons traité du Livre de Daniel ; il s’agit du genre dit apocalyptique ; le temps est maintenant venu de le faire ici. Le mot apocalypse vient du verbe grec apokaluptein qui signifie découvrir ou révéler. La King James Version, la célèbre traduction anglaise de la Bible, traduit par Revelation le titre de l’Apocalypse de Jean, le livre qui clôt le Nouveau Testament, dont nous reparlerons tout à l’heure. Le verbe apokaluptein correspond aux verbes hébraïques gêlah et hâsaph qui signifient découvrir. Ce genre littéraire est complexe, et se complaît presque constamment dans des propos que l’on serait tenté de dire échevelés ; ces textes exigent d’être lus avec la distanciation critique que réclament à l’égard de la réalité le lyrisme et les diverses formes d’écrits poétiques. Leur 2 interprétation littérale a entraîné jusqu’à nos jours depuis les derniers siècles du judaïsme biblique, tout au long du judaïsme rabbinique et du christianisme — toutes branches et toutes sectes confondues —, des divagations qui n’ont jamais cessé de sévir. C’est ici, plus que jamais, qu’il convient de faire appel, sans se laisser égarer, à une exégèse avertie. Jésus lui-même et saint Paul — surtout lui —, se sont laissé entraîner par les dangereux enchantements et les périlleuses dérives de ce genre littéraire. Bien que le genre apocalyptique ait généralement fleuri dans les cultures juive et chrétienne, on peut en retrouver des traces dans ces tablettes couvertes de caractères cunéiformes, où les littératures mésopotamiennes se sont longuement exprimées, par exemple dans le mythe d’Emméduranki, précurseur de la figure d’Hénoch dont parle la Bible. Après s’être exprimé par la bouche des trois prophètes recouverts par le nom d'Isaïe et par celle d’Ézéchiel et de Jérémie, c’est dans le Livre de Daniel, personnage dont nous nous sommes entretenus par ailleurs, que ce genre littéraire apparaît dans toute sa richesse. La littérature apocalyptique se caractérise, comme nous l’avons précédemment mentionné, par la prédiction des 3 catastrophes naturelles et des terrifiantes épreuves qui accompagneront, croit-on, la fin des temps. Et, à ce titre, on affirmera que les écrits apocalyptiques sont associés à des prophéties eschatologiques, du mot grec eskhata, qui peut se traduire par fins dernières, quand, interviendra, pense-t-on, une métamorphose dans les liens qu’entretient la réalité présente avec les temps nouveaux. Ceux-ci adviendront par suite de la venue, pour les juifs, du Messie promis à leurs ancêtres, et pour les chrétiens, par suite du retour du Christ Jésus. On touche ainsi du doigt les ressemblances et les différences qui unissent et séparent les eschatologies juives et chrétiennes. Les unes sont manifestement les filles des autres. On a proposé de définir l’« apocalyptique comme la mythologisation de l’eschatologie ». Ces préoccupations se répandront tout autour du bassin méditerranéen, tout autant chez les juifs de la Diaspora, dans la chrétienté en expansion, puis chez les cavaliers et les soldats d’Allah apparus au début du VIIe siècle de notre ère à la suite de la prédication de Mahomet. La fin des temps n’est pas une idée qu’il est vain d’envisager, mais il convient néanmoins de passer au crible de la pensée rationnelle l’avenir des spectacles grandioses et des événements 4 bouleversants que l’imaginaire religieux s’est plu à leur associer. Les astrophysiciens prévoient l’éventuelle disparition du Soleil et des planètes qui l’entourent, mais ces phénomènes ne sont appelés à se produire que dans des milliards d’années. Ils sont régis par des lois rationnelles décrites par la physique et l’astrophysique et s’accompliront, selon toute vraisemblance, dans des conditions de violence que l’on a peine à concevoir. Ces phénomènes se sont sans cesse produits tout au long de l’histoire de l’univers ; nous savons par le spectacle du ciel observé à l’aide de puissants télescopes, que d’innombrables étoiles subissent sous nos yeux les diverses phases d’une violente agonie. Les lois de la physique nous enseignent que notre Soleil sera dans un avenir fort lointain, de quelque cinq milliards d’années, nous l’avons dit, le siège de pareils événements s’accompagnant de la dispersion dans l’espace cosmique des atomes dont notre astre central et son cortège de planètes et d’astéroïdes étaient composés. Voilà ce que l’astrophysique est capable de nous enseigner, mais rien de plus, et c’est déjà beaucoup. Par ailleurs, qu’adviendra-t-il entretemps de l’espèce humaine, qui nous intéresse plus que tout 5 autre ? Si tout allait bien, nous pourrions prévoir et espérer que cette espèce à laquelle nous avons l’honneur, l’inconvénient et parfois même la honte d’appartenir, pourrait encore se maintenir durant quelques dizaines, voire quelques centaines de milliers d’années. Mais l’histoire de la vie sur la Terre nous apprend qu’il n’y eut jamais d’espèces d’animaux complexes qui se soient maintenues dans un même état durant tant d’années sans évoluer vers des formes nouvelles. Quelles seraient l’allure des espèces nouvelles qui naîtraient de nous ? Nous ne saurions le dire, si ce n’est en ayant recours à nos plus extravagantes imaginations. Mais il est plus probable que notre espèce soit disparue bien avant ces milliers d’années par la faute des aberrants excès de notre inconduite collective. La menace nucléaire, qui pesait si lourdement durant ce que l’on a nommé la guerre froide, n’est pas du tout écartée. Le nombre des pays qui possèdent de telles armes n’a fait que s’accroître. Il suffirait qu’un chef d’État un tant soit peu détraqué — et il n’en manque pas —, se laisse transporter par son délire pour qu’une apocalypse cataclysmique sans dragons et sans bêtes à sept têtes ne tombe sur nous ou sur nos petits-enfants. Par ailleurs, l’explosion démographique, si elle 6 n’est pas jugulée, risque fort d’empoisonner la planète, d’en tarir les ressources et de provoquer des pénuries meurtrières, des guerres inexorables et de néfastes et massifs déplacements de populations, dont nous sommes déjà les inquiets témoins. Enfin, on invoque parfois la possibilité qu’un astéroïde important ne vienne percuter la Terre et y provoquer la disparition d’un grand nombre d’espèces vivantes, dont celle à laquelle nous appartenons. De tels événements se sont déjà produits dans le passé de la Terre. Mais la probabilité qu’un tel cataclysme ne se produise durant une vie humaine est si faible que la sagesse nous recommande de ne pas laisser notre quiétude être exagérément troublée par une telle crainte. Les maladies, les disettes et les migrations nous menacent bien plus que les astéroïdes. À l’échelle cosmique, la disparition de l’espèce humaine, et même de toute vie, sur notre humble petite planète serait un événement de fort peu d’importance. À notre échelle, ce serait une bien triste fin à ce qu’il faut appeler une fort étrange aventure. Et même si nous ne mourrions pas tous, il faut craindre que les conditions dans lesquelles nous nous retrouverions subiraient de terribles reculs, où toutes les avancées que nous avons 7 connues depuis des siècles seraient balayées pour une bien longue durée. Ces événements menaçants, aussi terrifiants que l’apparition des sept anges aux sept trompettes et des quatre cavaliers destructeurs, ne se retrouvent pas dans des apocalypses imaginées par des prophètes rêveurs, ou quelque peu délirants, mais ils sont la conséquence de ce que nous lisons dans nos journaux et pouvons voir sur les écrans de nos téléviseurs. Mais ne nous laissons pas égarer dans les sombres labyrinthes de l’avenir, et revenons au peuple judéen libéré par la chute de Babylone et lancé à la redécouverte du sens de son destin, et à la littérature apocalyptique qui accompagnera cette redécouverte. Nous l’avons déjà mentionné : en dépit de l’épreuve que représentait pour le peuple judéen l’exil à Babylone, cet étroit contact avec une puissante culture étrangère, en même temps que la résistance aux effets dissolvants de cette culture, furent l’occasion d’une transformation du judaïsme traditionnel et l’occasion d’un bond en avant qui forgera les traits dont s’alimenteront jusqu’à nos jours les multiples aspects de son histoire. En dépit des défis et des menaces d’émiettements et d’assimilation que la Diaspora rencontrera après la chute de son État national aux mains des Romains, 8 le judaïsme sut se maintenir au gré du temps et de tous ses aléas, alors que l’Empire de Rome et les nombreuses entités politiques issues de sa dissolution se sont évanouis, pour reprendre les mots de Paul Valéry, « dans l’abîme inexorable des siècles ». Les textes bibliques, lus à l’intérieur des familles et à l’occasion de la fréquentation hebdomadaire des synagogues, furent de puissants instruments qui favorisèrent la transmission et le maintien de cette tradition religieuse et culturelle. Nous avons rencontré dans le tome I et dans les précédents chapitres du tome II les divers genres littéraires auxquels la TaNaK doit sa rédaction. Après le récit de la création du monde, de l’apparition des premiers êtres humains et de leur destinée qui, lus à la lumière de ce que la uploads/Litterature/ 2-6-les-textes-apocryphes-et-apocalyptiques-copie.pdf
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- Publié le Nov 07, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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