CLEFS CEA - N°56 - HIVER 2007-2008 4 Aimants et matériaux magnétiques Le Large
CLEFS CEA - N°56 - HIVER 2007-2008 4 Aimants et matériaux magnétiques Le Large Hadron Collider (LHC), le plus puissant collisionneur de particules du monde qui démarre au Cern en 2008, bénéficie doublement de la technologie des aimants supraconducteurs. D’abord pour guider dans l’accélérateur les particules qui doivent entrer en collision, ensuite pour observer dans un champ magnétique connu, au sein de détecteurs géants, les produits de cette collision. Ceci pour une dépense d’énergie minimale en regard du gigantisme des installations. Les aimantssupraconducteurs au service du LHC Le tunnel du LHC (Large Hadron Collider), le plus puissant collisionneur proton-proton du monde installé au Cern. D’une circonférence de 27 km, il est entièrement équipé d’aimants supraconducteurs qui dirigent et focalisent les protons sur des trajectoires circulaires. Le CEA apporte ses compétences sur la conception de deux des quatre détecteurs et sur la construction de dipôles et de quadripôles supraconducteurs. P. Stroppa/CEA L es physiciens poursuivent l’étude de la structure de la matière avec une résolutionde plus en plus pous- sée. Trouver les constituants fondamentaux et com- prendre la façon dont ils se lient entre eux est le but de la physique des particules élémentaires. Cette recher- che utilise les accélérateurs de particules comme des microscopes, qui offrent la possibilité de sonder la matière avec une résolution spatialed’autant meilleure que l’énergie des particules accélérées est plus grande(1). Depuis les années 1950, une croissance régulière de l’énergie des accélérateurs employés en physique des particules est observée (figure 1). Les progrès tech- nologiques, réalisés notamment dans le domaine des électroaimants supraconducteurs (Mémo B, Supraconductivité et supraconducteurs, p. 16), ont permis de concevoir et de construire les systèmes magnétiques du Grand collisionneur de hadrons (2) (Large Hadron Collider, LHC) en cours d’installation au Laboratoire européen pour la physique des par- ticules, le Cern, situé près de Genève. Le rôle du champ magnétique est de courber les faisceaux de particules, soit pour les guider et les maintenir sur des orbites de géométrie bien définie, soit pour en analyser les produits de collision dans les détecteurs. Les principaux ingrédients d’un collisionneur circulaire Les particules circulent dans un tube à vide, en forme d’anneau, entouré successivement de systèmes électromagnétiques servant à les piloter. Elles sont accélérées par des champs électriques au passage de (1) Une résolution de 10-19 m (échelle du quark) demande 1 TeV (1012 électronvolts). (2) Hadrons: particules subatomiques formées de quarks (ou d’antiquarks) et sensibles à l’interaction nucléaire forte. Le proton et le neutron sont des hadrons. (3) Diagramme de Livingston: diagramme établi dans les années soixante par le physicien Stanley Livingston, qui montre la croissance exponentielle de l’énergie des faisceaux accélérés dans le centre de masse (en un multiple d’électronvolts en supposant une collision avec un proton ou un électron au repos) dans les accélérateurs de particules, et l’évolution du coût par eV de l’énergie du faisceau en fonction du temps (années). CLEFS CEA - N°56 - HIVER 2007-2008 5 cavités alimentées par d’intenses ondes radiofré- quences. Afin de tirer le meilleur parti d’un nombre limité de cavités, les concepteurs d’accélérateurs for- cent le faisceau de particules à passer plusieurs fois à travers celles-ci en faisant de sa trajectoire une bou- cle fermée. L’axe du faisceau de particules chargées est courbé par une succession de secteurs à champ magnétique uniforme créé par des aimants dipo- laires. Plus l’énergie de la particule est élevée, plus le champ nécessaire est intense (encadré). Pour empê- cher le faisceau de diverger et maintenir des dimen- sions transverses raisonnables autour de l’axe du fais- ceau, des aimants quadripolaires de focalisation sont introduits. Dans ce type d’élément, le champ magné- tique croît linéairement lorsque l’on s’écarte de son axe. La distance focale est inversement proportion- nelle au gradient d’induction transverse. La fonc- tion essentielle des anneaux de collisions est la ren- contre de deux faisceaux circulant en sens contraire. Les collisions se font en des points particuliers de la circonférence de la machine, autour desquels sont disposés des appareils qui détectent les événements créés lors de l’interaction des faisceaux. Les quanti- tés de mouvement des particules sont déterminées par la mesure de la courbure des trajectoires dans un champ magnétique connu, et les énergies par l’in- termédiaire de calorimètres. Le CEA participe à la construction au Cern du LHC, le plus puissant collisionneur proton-proton du monde. Il apporte ses compétences sur la concep- tion de deux des quatre détecteurs et sur la cons- truction de certains équipements importants comme les quadripôles. Ce collisionneur accélérera, à une vitesse très proche de celle de la lumière, deux fais- ceaux de protons parcourant en sens inverse un tun- nel circulaire de 27 km de circonférence, enterré à une profondeur variant entre 50 et 170 m. Dans les points de croisement des faisceaux, des protons se percuteront violemment à des énergies de 14 TeV par collision proton-proton. Le défi scientifique se double du défi technologique et industriel que cons- titue la construction des 1 200 dipôles supracon- ducteurs produisant un champ magnétique de 8,4 T, des 400 quadripôles supraconducteurs fournissant un gradient de champ magnétique de 223 T/m, du circuit cryogénique d’hélium superfluide assurant leur refroidissement à 1,9 K et de deux énormes com- plexes de détection, dénommés Atlas (A Toroidal LHC Apparatus) et CMS (Compact Muon Solenoid). Les atouts des électroaimants supraconducteurs Les corps supraconducteurs possèdent la propriété d’avoir une résistivité nulle au-dessous d’une cer- taine température dite critique. Ils échappent donc à la dissipation d’énergie par effet Joule. Certains de ces matériaux, comme le niobium-titane, peu- vent transporter des densités de courant de l’or- dre de 3000 A/mm2 dans des champs d’induction de 5 T à 4,2 K. Pour comparaison, les densités de courant atteintes dans les matériaux utilisés pour réaliser les bobinages d’électroaimants conven- tionnels, généralement le cuivre ou l’aluminium, varient entre 5 et 50 A/mm2 suivant le mode de refroidissement. Grâce à leurs fortes densités de Figure 1. Diagramme de Livingston (3) donnant l’énergie atteinte à différentes époques. Celle-ci est passée de 100 MeV en 1950 à plusieurs dizaines de GeV en 1975 et à des centaines de GeV en 1990. Le LHC, qui démarre en 2008, sera le plus puissant accélérateur du monde, avec une énergie de choc frontal entre deux protons de 14 TeV. Comment un champ électromagnétique agit-il sur une particule chargée? Une particule qui porte une charge électrique est sensible à l’action d’un champ électrique E ou d’un champ magnétique B. La force, appelée force de Lorentz, subie par une particule de charge q en mouvement à la vitesse v dans un champ électromagnétique s’exprime par: E et B exercent des actions très différentes sur le mouvement. À la tra- versée d’un champ électrique E, il y a accélération de la particule qui gagne ainsi de l’énergie cinétique : la force électrique ( ) est une force accélé- ratrice. C’est le principe de base des cavités accélératrices. En revanche, à la traversée d’un champ d’induction magnétique , la force magnétique ou force de Laplace ( ) est perpendiculaire à et à et n’induit pas de changement d’énergie cinétique. C’est une force défléchissante utilisée pour le guidage des faisceaux de particules. Dans un champ d’induction magnétique uniforme B, une particule de masse m en mouvement à la vitesse v décrit une trajectoire circulaire de rayon moyen R tel que : mv représentant la quantité de mouvement de la particule. SppS (Genève, Suisse) ISR (Genève, Suisse) LEP II (Genève, Suisse) LEP (Genève, Suisse) LHC (Genève, Suisse) collisionneurs de hadrons année de mise en service collisionneurs d’électrons énergie de la collision au centre de masse (GeV) Tevatron (Batavia, États-Unis) SPEAR II (Stanford, États-Unis) PRIN-STAN (Stanford, États-Unis) ACO (Orsay, France) PEP (Stanford, États-Unis) CESR (Cornell, États-Unis) VEPP-4 (Novosibirsk, Russie) VEPP-3 (Novosibirsk, Russie) VEPP-2 (Novosibirsk, Russie) SLC (Stanford, États-Unis) TRISTAN (Tsukuba, Japon) PETRA (Hambourg, Allemagne) DORIS (Hambourg, Allemagne) 10-1 100 101 102 103 104 105 1960 1970 1980 1990 2000 2010 SPEAR (Stanford, États-Unis) ADONE (Frascati, Italie) vitesse v charge q rayon de courbure R induction magnétique B force centripète F = qv ∧ B F=qE+qv∧B. qE B v B qv∧B BR=mv , q CLEFS CEA - N°56 - HIVER 2007-2008 6 Aimants et matériaux magnétiques des aimants. Si le LHC utilisait des aimants conven- tionnels à la place d’aimants supraconducteurs, l’an- neau aurait une circonférence de 120 km pour assu- rer la même énergie de collision et consommerait 40 fois plus d’électricité. Les électroaimants classiques comportent des pôles de fer pur autour d’enroulements conducteurs. Les inductions magnétiques créées dans l’entrefer de ces appareils dépassent rarement 2 T, valeur imposée par l’aimantation à saturation du fer. Dans les aimants supraconducteurs, le fer intervient très peu et sert essentiellement de blindage magnétique pour l’extérieur. Le champ utile est produit directement par les enroulements de conducteurs supraconduc- teurs. La morphologie précise des champs magné- tiques des dipôles et des quadripôles s’obtient par une distribution précise des densités de courant dans les bobinages uploads/Ingenierie_Lourd/ p04-09-meuris.pdf
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- Publié le Mai 05, 2021
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