1976-02-21 ENTRETIEN AVEC MICHEL H. Paru dans Le Discours Psychanalytique : « S

1976-02-21 ENTRETIEN AVEC MICHEL H. Paru dans Le Discours Psychanalytique : « Sur l’identité sexuelle : à propos du transsexualisme », Éd. de l’Association freudienne, Paris, 1996, pp. 312-350. (312)D R JACQUES LACAN – Parlez-moi un petit peu, comme ça. Mettez les choses en train si vous voulez – mettez les choses en train vous- même. Dites-moi pourquoi vous êtes ici. Dites-moi l’idée que vous vous faites de tout cela, si ça ne vous ennuie pas. (M. H. tremble) J. L. – (souriant) C’est tous des médecins, vous savez, ici. M. H. – Oui. J. L. – Qu’est-ce que vous avez à raconter ? M. H. – Depuis tout petit, j’ai revêtu des vêtements de fille. Je ne me rappelle pas à quelle date cela remonte, parce que j’étais vraiment tout petit. Je me suis rappelé des événements, c’est qu’étant petit, je caressais les vêtements féminins, principalement les combinaisons, le nylon… J. L. – Le nylon, vous avez ajouté le nylon, et les vêtements. M. H. – Surtout les sous-vêtements. J. L. – Oui. M. H. – J’ai continué à me travestir en cachette. J. L. – Donc, vous admettez que c’est un travestissement. M. H. – Oui. J. L. – En cachette de vos parents ? M. H ; – Oui. J. L. – Ils devaient bien savoir, vos parents, ils s’en apercevaient quand même. M. H. – Non, je faisais cela tous les matins et tous les soirs, dans la salle de bain, quand mes sœurs se changeaient pour se coucher, je mettais leurs vêtements. J. L. – À qui ? (313)M. H. – À mes sœurs, les deux plus jeunes sœurs et des fois, dans la journée, je revêtissais des vêtements. J. L. – Pourquoi vous dites « je revêtissais » ? On dit d’habitude « je revêtais ». M. H. – J’ai un très mauvais français, parce que j’ai été toujours très handicapé à l’école, avec mon problème. Dans mon travail, toujours je 1 1976-02-21 ENTRETIEN AVEC MICHEL H. pensais à ce problème-là, et ça m’a toujours tout gâché dans ma vie, aussi bien que dans mon travail. J. L. – Donc, vous reconnaissez que ça vous a tout gâché et vous appelez ça vous-même un travestissement. Donc, cela implique que vous savez très bien que vous êtes un homme. M. H. – Oui, ça j’en suis très conscient. J. L. – Et pourquoi, à votre sentiment, pourquoi est-ce que vous aviez ce goût ? Est-ce que vous avez un soupçon d’idée ? M. H. – Non, je ne sais pas. Je sais que quand j’ai des vêtements sur le corps, cela me procure le bonheur. J. L. – C’est à quel titre que ces vêtements vous procurent ce que vous appelez vous-même le bonheur ? Qu’est-ce qui vous satisfait ? M. H. – Ce n’est pas sur le plan sexuel ; c’est sur le plan… enfin, moi, j’appelle ça sur le plan du cœur. C’est intérieur, ça me procure… J. L. – Vous appelez ça… M. H. – Ça provient du cœur. J. L. – Peut-être vous pourriez essayer, là, puisque nous sommes ensemble et que je m’intéresse à ce dont il s’agit… ça provient du cœur… c’est cela que vous venez de dire. M. H. – J’ai déjà tout le caractère d’une femme, aussi bien sur le plan sentimental… (314)J. L. – Sur le plan… M. H. – Sentimental. J. L. – Peut-être vous pouvez m’éclairer ça un peu : sur le plan sentimental. M. H. – C’est-à-dire que c’est une qualité, j’appelle ça une qualité, je suis doux.. J. L. – Dites… M. H. – Je suis douce et gentille. J. L. – Oui, allez… M. H. – Mais je ne vois pas d’autre qualité, à part ça… surtout la douceur, sur le plan sentimental. J. L. – Vous avez eu une relation sentimentale ? M. H. – Avec des hommes et puis avec des femmes, pour voir quelle est la personne qui me conviendrait le mieux. Et en fin de compte, je n’en ai 2 1976-02-21 ENTRETIEN AVEC MICHEL H. aucune. Ni l’un ni l’autre ne m’attirent, aussi bien les femmes, parce que je ne peux pas me ressentir homme vis-à-vis d’une femme et puis avec un homme, c’est plus fort que moi, je ne peux pas avoir des rapports avec des hommes – j’ai essayé deux fois, mais… J. L. – Vous avez essayé deux fois, quand ? M. H. – J’ai vingt-deux ans passés. J’ai essayé il y a un peu plus d’un an, et puis juste avant d’entrer à l’hôpital. J. L. – Racontez-moi comment s’est produit votre choix. M. H. – Je n’ai pris aucun choix. Mon choix, c’est que ni l’un ni l’autre ne m’attirent. J. L. – Non, non. Comment avez-vous choisi le partenaire masculin ? M. H. – C’est une coïncidence, ça s’est passé comme ça. J. L. – Une coïncidence – qu’est-ce qui s’est présenté comme ça ? M. H. – Qu’on a eu des rapports mutuels ? J. L. – Qu’est-ce que vous appelez des rapports mutuels ? (315)M. H. – Tout ce qui se pratique. Pas vraiment tout, parce que… mais disons qu’on a été au stade des caresses, des baisers, sans plus. J. L. – Comment avez-vous rencontré ces partenaires ? M. H. – C’est des amis d’enfance. J. L. – Des amis d’enfance… Bon. Désignez les par un nom. M. H. – Le premier garçon que je suis sorti avec s’appelait André et le deuxième s’appelait Patrick. J. L. – Oui, alors André, c’est celui que vous avez rencontré quand ? M. H. – Il y a un an, un peu plus d’un an. J. L. – Et le deuxième ? M. H. – C’est il y a bien trois mois. J. L. – Ils avaient votre âge ? M. H. – Le premier était un peu plus vieux, le second était un peu plus jeune. J. L. – Quand les aviez-vous connus, dans votre enfance ? M. H. – Le premier, André, je l’ai connu à l’âge de six ans, et Patrick, je l’ai connu à l’âge de treize, quatorze ans. 3 1976-02-21 ENTRETIEN AVEC MICHEL H. J. L. – Vous l’avez connu comment ? M. H. – À l’école. J. L. – Écoutez, mon vieux ; vous avez quand même de la barbe au menton, vous n’y pouvez rien. M. H. – Je fais tout pour la cacher. J. L. – Vous la cachez… qu’est-ce que vous faites pour la cacher ? M. H. – Je me rase de très près, puis je me maquille. J. L. – Ça a duré combien de temps, ces relations, avec André par exemple ? M. H. – Un quart d’heure, pas plus. J. L. – En quoi consistent-elles ? M. H. – Sur le plan rapports… on s’est caressés, on s’est embrassés et puis c’est tout. Moi, je voulais savoir si je (316)pouvais ressentir… me prendre pour une femme vis-à-vis d’un homme. Je me suis aperçu que je ne pouvais pas me sentir femme dans les bras d’un homme. J. L. – Oui. Alors, vous avez fait aussi allusion à d’autres expériences, c’est-à-dire… M. H. – Avec une femme. J. L. – Avec une… M. H. – Une femme. J.L. – Une ou des ? M. H. – Un peu plus. J’ai connu trois femmes, trois femmes avec qui j’ai eu des rapports. J. L. – Vous pouvez aussi, peut-être, les désigner par leur nom. M. H. – La première que j’ai connue, c’est Monique. J’ai eu quelques rapports sexuels qui étaient très mauvais parce que c’est avec elle que j’ai eu ma première pénétration. On a eu très peu de rapports, peut-être deux ou trois, puis on s’est quittés. J. L. – Où l’aviez-vous pêchée, cette Monique ? M. H. – C’est à la campagne. J. L. – Oui, comment l’avez-vous rencontrée à la campagne ? M. H. – C’est des amis qui m’ont emmené pour goûter à la campagne et puis on s’est connus comme ça. 4 1976-02-21 ENTRETIEN AVEC MICHEL H. J. L. – Elle avait quel âge ? M. H. – Un an de plus que moi. Elle avait dix-neuf ans, moi j’en avais dix-huit. J. L. – Oui. Donc, c’est avec une femme que vous avez commencé ? M. H. – Oui. J. L. – Dites-m’en un peu plus. M. H. – Sur la deuxième que j’ai connue ? J. L. – Restez sur cette première. Vous avez été jusqu’à (317)vous venez de le dire, c’est le mot que vous avez employé – la pénétrer. Bon, et alors ? M. H. – J’avais eu, bien sûr, le plaisir que ça procure à l’homme, mais il y avait quelque chose de plus fort en moi qui me contredisait. J. L. – Qu’est-ce qui vous contredisait, comme vous dites ? M. H. – J’étais dans les bras d’une femme ; j’ai eu beaucoup de difficultés à la pénétrer ; je n’étais pas dans mon élément. Je ne me uploads/Ingenierie_Lourd/ lacan-michel-h.pdf

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