L’EFFET BILBAO Philippe Panerai Presses Universitaires de France | « Tous urbai

L’EFFET BILBAO Philippe Panerai Presses Universitaires de France | « Tous urbains » 2014/4 N° 8 | pages 20 à 21 ISSN 2265-9811 ISBN 9782130629559 DOI 10.3917/tu.008.0020 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-tous-urbains-2014-4-page-20.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Au plan international, un tel discours par- ticipe à réduire le débat architectural à l’énoncé de la dernière production des quelques stars dont le seul nom est la marque pour un pays, pour une ville ou pour une firme de son appartenance à ceux qui comptent et le bâtiment promu au rang d’icône se verra abon- damment diffusé dans les médias auto- risés et proposés en exemple aux étu- diants du monde entier. Pour les villes moyennes, cela se traduit par le recours à quelques projets phares, souvent socioculturels, dont le cinéma a révélé avec le Maire, l’arbre et la médiathèque comment s’y formait le couple maître d’ouvrage/maître d’œuvre. Passé l’effet de surprise d’une ten- dance mondialisée qui, avec les nou- velles techniques de dessin du numé- rique, a élargi en peu de temps le répertoire formel des architectes, ne serait-il pas nécessaire avec le recul d’interroger ce nouveau dogme, d’en comprendre les origines, d’en mesurer le rapport au réel et de se demander quelle est sa pertinence dans un monde qui n’est plus celui du XXe siècle ? Que l’architecture représente ou symbolise l’organisation des sociétés – pouvoir politique ou économique, croyances religieuses, hiérarchie sociale – n’est pas nouveau. Les princes ont aimé les architectes et le XIXe siècle avec l’industrialisation s’est plu à codi- fier les nouveaux programmes et à énoncer les formes qui leur conve- naient. En 1924, soucieux d’un rapproche- ment entre architecture et industrie, Petre Behrens construit à Francfort le Tous urbains – No 8 – Novembre 2014 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 12/09/2022 sur www.cairn.info via Université du Littoral (IP: 37.166.226.112) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 12/09/2022 sur www.cairn.info via Université du Littoral (IP: 37.166.226.112) 21 Regards critiques siège de l’entreprise de chimie Hoechst AG (des peintures et vernis à la phar- macie), premier bâtiment iconique dont la tour et l’arcade du porche forment le h qui orne le papier à lettres de la firme. Soixante ans avant le siège de la Hong Kong and Shanghai Bank à Hong Kong (Norman Foster, 1985) qui connut la notoriété pour avoir été l’édi- fice le plus cher du monde au mètre carré, l’architecture s’engage dans la communication… Et l’on pourrait faire la liste – nombre d’éditeurs l’ont tenté – des bâtiments icônes qui jalonnent le siècle passé. Si nous laissons de côté la compétition des gratte-ciel, l’opéra de Sydney (Jørn Utzon, 1973) et le centre Pompidou (Piano & Rogers, 1977) marquent chacun à sa manière un changement : l’irruption de la culture à la place des entreprises dans l’aménagement urbain, un édifice remarquable redonne vie à un lieu, un quartier, un morceau de ville. Bilbao s’inscrit dans ce courant. L’implantation d’un nouveau musée Guggenheim dans la capitale du Pays basque espagnol intervient dans une région durement touchée par la désin- dustrialisation et s’inscrit dans un pro- jet plus ample destiné à relancer l’éco- nomie et à recréer des emplois. Le bâtiment projeté par Frank Gehry – une sculpture scintillante accompagnée par le chien de Jeff Koons – s’installe en bordure du centre-ville, sur la berge de la rivière de Bilbao réaménagée à cet effet. L’image devenue icône forme à elle seule un spectacle. Les touristes s’y pressent et la ville y a gagné une visibilité mondiale – au moins dans le public cultivé féru d’architecture ou d’art contemporain. Mais dix-sept ans après son ouver- ture qu’en est-il réellement ? Peut-on vérifier sur le terrain les effets heureux annoncés et qui justifiaient de proposer Bilbao comme modèle ? Qu’en est-il de l’économie de la ville et de la région, des emplois promis, de l’éveil culturel ? Bien sûr, depuis 2008, la succession des crises a changé la donne mais quand même. Commençons par l’ar- chitecture. Le Guggenheim de Bilbao s’inscrit dans une histoire dont Frank Lloyd Wright à New York a marqué l’origine. Force est de constater qu’à Bilbao autant l’extérieur est brillant, chatoyant, autant l’intérieur vous laisse sur votre faim. On reste dans l’espace du supermarché, avec quelques vues d’un niveau sur l’étage inférieur, quelques surfaces gauches, rien dans le jeu de la lumière qui marque ce qui pourrait être la qualité d’un musée. Peut-être est-ce dû au fait que les col- lections sont peu stimulantes – mais alors pourquoi faire un musée – ou bien à la tendance actuelle à se conten- ter de l’effet extérieur. Une architec- ture-sculpture, dira-t-on. Ou simple- ment la prédominance de la façade et ce n’est pas indifférent au fait que de plus en plus les revues et les livres qui publient l’architecture ne montrent pas les plans. L’image seule compte, qui peut d’ailleurs rester virtuelle (ah ! ces images de synthèse tellement vraies qu’il n’est plus nécessaire de construire le bâtiment ! La mode est consommée virtuellement). Mais quittons ces considérations qui n’intéressent que les architectes, Bilbao, c’est un projet de développe- ment ; le Guggenheim en est un élé- ment clé dont les désordres actuels de l’économie rendent le message incer- tain. Alors justement, peut-on continuer à citer Bilbao en exemple quand nous savons tous qu’il ne s’agit pas de crises passagères mais d’une nouvelle condi- tion durable ? Tous urbains – No 8 – Novembre 2014 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 12/09/2022 sur www.cairn.info via Université du Littoral (IP: 37.166.226.112) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 12/09/2022 sur www.cairn.info via Université du Littoral (IP: 37.166.226.112) uploads/Ingenierie_Lourd/ effet-bilbao.pdf

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