Éducation et didactique 10-2 | 2016 Varia Quelques réflexions sur le sujet d’un

Éducation et didactique 10-2 | 2016 Varia Quelques réflexions sur le sujet d’une description didactique Some thoughts about the subject of didactic description Bertrand Daunay Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/educationdidactique/2488 DOI : 10.4000/educationdidactique.2488 ISSN : 2111-4838 Éditeur Presses universitaires de Rennes Édition imprimée Date de publication : 8 juillet 2016 Pagination : 123-136 ISBN : 9782753551787 ISSN : 1956-3485 Référence électronique Bertrand Daunay, « Quelques réflexions sur le sujet d’une description didactique », Éducation et didactique [En ligne], 10-2 | 2016, mis en ligne le 08 juillet 2018, consulté le 19 avril 2019. URL : http:// journals.openedition.org/educationdidactique/2488 ; DOI : 10.4000/educationdidactique.2488 Tous droits réservés Some thoughts about the subject of didactic description Mots-clés : description, didactique, écriture de recherche, enregistrement vidéographique, sujet. Éducation & Didactique, 2016, vol. 10, n° 2, p. 123-136 123 QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LE SUJET D’UNE DESCRIPTION DIDACTIQUE L ’auteur se propose d’interroger d’un point de vue didactique, le sujet d’une description didactique, dans différents sens du terme. Il cherche à identiier les objets de description spéciiquement didactiques (ou la spéciicité didactique des descriptions), en mettant l’accent sur le rôle du ilm d’étude dans la construction d’une description. L ’objectif principal est de mettre en cause une possible essentialisation de la description, qui passe par l’oubli des contextes de sa production et du rôle éminemment important, dans toute science de l’homme, des sujets engagés dans un processus langagier comme la description. The author proposes to examine, from a didactic point of view, the subject (in the various senses of the term) of a didactic description. He seeks to identify what is the subject of a speciically didactic description, with emphasis on the role of videographic recording in the construction of a description. The author mainly aims to question the way a description could be essentialized, which is possible by forgetting the contexts of its production and the highly important role, in any social science, of the subjects engaged in a language process as the description. Bertrand Daunay Université de Lille, EA 4354 – CIREL (Centre interuniversitaire de recherche en éducation de Lille) Keywords: description, didactics, academic writing, videographic recording, subject. QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LE SUJET D’UNE DESCRIPTION DIDACTIQUE Bertrand Daunay 124 INTRODUCTION Poursuivant son projet de contribuer à l’instru- mentation de la recherche en éducation, d’un point de vue technique, méthodologique et théorique, le réseau ViSA1 mettait à l’ordre du jour de ses journées bisannuelles d’octobre 2014 la description2. Une telle thématique ressortit à des questions de méthodes qui engagent toute une épistémologie, et l’objectif des journées était de modestement s’inscrire dans une longue tradition de rélexion, notamment didac- tique, sur la question de la description3, en propo- sant une entrée spéciique et propre au programme scientiique de ViSA. C’est dans ce contexte, et dans le même esprit, qu’ont été avancées les quelques rélexions qui suivent, présentées dans la conférence d’ouverture que j’ai été invité à prononcer à l’occa- sion de ces journées4. Cet article, qui en est issu, gardera la trace de la logique de sa production, qui voulait ouvrir la discussion sans imposer un point de vue théorique igé : c’est pourquoi il faut le lire plutôt comme un essai, non comme une leçon, et c’est dans une logique davantage suggestive que démonstrative que peuvent s’entendre les propositions qui suivent, destinées au débat5. Je me propose, du point de vue didactique qui est le mien, d’interroger le sujet d’une description didac- tique. Pourquoi parler de sujet d’une description ? C’est d’abord une sorte d’hommage aux pratiques scolaires traditionnelles : depuis déjà les traités rhéto- riques de l’antiquité à usage scolaire, qui inscrivent la description comme un exercice scolaire de premier ordre, haut placé dans la hiérarchie des exercices d’écriture, le sujet d’une description, c’est le réel que l’on veut saisir par le discours descriptif. Dans un discours théorique, toutefois, un tel sujet est ce que nous appellerions plutôt l’objet de la description : je m’essaierai, dans un premier temps, à interroger quels sont les objets de description que l’on peut considérer comme propres aux didactiques. Dans un deuxième temps, je reviendrai plus spécii- quement sur certains de ces objets de description, qui peuvent être des individus, que les didactiques cherchent à appréhender comme sujets, en identi- iant leurs divers assujettissements. Je terminerai en m’interrogeant sur les sujets du discours, ceux qui contribuent à la construction d’un discours descriptif (auteur ou lecteur), engagés dans un projet plus ou moins partagé de construction de connaissances. Dans cette rélexion que je soumets au lecteur, où je chercherai à identiier les objets de descrip- tion spéciiquement didactiques (ou, ce qui inale- ment revient au même, la spéciicité didactique des descriptions), en mettant l’accent sur le rôle du ilm d’étude dans la construction d’une description, je vise comme objectif principal d’interroger une possible (parfois réelle) essentialisation de la description, qui passe par l’oubli des contextes de sa production et par le rôle éminemment important, dans toute science de l’humain, des sujets engagés dans un processus langagier comme la description. DES OBJETS DE DESCRIPTION Guy Brousseau, en 1986, posait quatre objets des études en didactique des mathématiques : le savoir mathématique et la transposition didactique, le travail du mathématicien, le travail de l’élève, le travail du professeur. Je m’inspirerai très librement de cette quadrilogie, en essayant, autant que faire se peut, de l’adapter à d’autres didactiques, pour inter- roger ce qui fait la spéciicité d’une description didac- tique de ces objets de l’étude didactique. Décrire des contenus Prenons comme premier objet d’une description les contenus : entendons par là les objets enseignables, de natures cognitives diverses : savoirs, savoir-faire, compétences, rapports à, valeurs, comportements… Dans un travail collectif sur les contenus issu d’un séminaire de Théodile-CIREL (Daunay, Fluckiger & Hassan [dir.], 2015), nous ne proposions pas, idèles au souci de notre équipe de ne pas construire un cadre théorique unique, une déinition univoque de contenu, mais nous tentions une synthèse provi- soire de nos travaux par une déinition provisoire : « un contenu est ce dont un système didactique peut susciter l’apprentissage par les apprenants du fait d’un enseignement » (ibid., p. 23). Cette approche permet, entre autres choses, de pointer ce qui est spéciique à une description didactique des contenus : en tant qu’ils relèvent d’un système didac- tique, dans un jeu de contraintes spéciiques (qu’on privilégie le système didactique dans l’école ou qu’on l’ouvre plus largement), fondamentalement, ce que l’on décrit, c’est un contenu en interaction avec des QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LE SUJET D’UNE DESCRIPTION DIDACTIQUE Bertrand Daunay 125 sujets didactiques. La description de cet objet est à nos yeux à tel point important – et spéciique aux didactiques – que nous avons proposé inalement de le penser comme « unité d’analyse »6. Évidemment, la description des contenus ne nécessite pas la coprésence des contenus et des sujets didactiques (quand on examine des programmes, par exemple) : mais elle présuppose que les contenus ne sont tels que par la possibilité de cette coprésence (même les programmes sont faits pour des sujets). Les enregistrements vidéographiques peuvent être des outils de premier plan pour aider à la descrip- tion des contenus en construction dans l’interaction vivante de la classe (ce que permet de faire apparaître un découpage par synopsis, par exemple7) ; mais ils peuvent aussi aider à la description, in absentia, comme par évocation inalement, de ce qui n’est pas vu sur le ilm mais qui relève de la construction des contenus en amont et de leur devenir en aval. Cela ressortit à ce qui me semble être une autre spéciicité de la description didactique des contenus, qui appréhende ce que nous avons appelé (Daunay, Fluckiger & Hassan [dir.], 2015, p. 33) la « fabrique discursive des contenus »8. Avant de préciser ce que l’on peut entendre par là, je dirais qu’il me semble possible d’identiier trois approches théoriques qui ont décrit la mise en texte des contenus : celle des sociologues, dont ceux qui, dans la lignée de Basil Bernstein, interrogent les modalités de mise en forme des contenus selon les niveaux ou les ordres scolaires ; celle des historiens qui, depuis André Chervel surtout, interrogent le tressage des éléments de la tradition scolaire et les constants nouveaux apports ; celle des didacticiens, avec particulièrement Yves Chevallard (inspiré du reste par un sociologue, Michel Verret) qui interrogent la mise en texte des savoirs scolaires. Mais ce n’est pas seulement les textes des contenus qui concernent les didacticiens : ils s’intéressent aussi au discours des contenus. Cette distinction entre mise en texte et mise en discours, entre textualisation et fabrique discursive des contenus9 peut aider à penser la description didactique des contenus : car décrire des contenus mis en discours, c’est mieux identiier tous les sujets possiblement en jeu, leurs dires et leurs non-dits – et je ne néglige pas, quand je parle de discours, les gestes10 ; c’est aussi identiier les possibi- lités de ce qui n’est pas explicite, mais que le discours révèle, comme sous-jacent ; une telle conception des contenus et de leur description permet d’englober, au-delà uploads/Ingenierie_Lourd/ daunay-description.pdf

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