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Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie nucléaire BN 3 750 − 1 Chimie de l’eau et corrosion dans les REP par Francis NORDMANN Direction technique du Groupe des laboratoires d’Électricité de France et Gérard PINARD LEGRY Département d’Études du comportement des matériaux du Commissariat à l’Énergie Atomique uels que soient les avantages qu’elle peut présenter, la production d’électricité à partir de l’énergie nucléaire se doit de rester compétitive par rapport aux autres sources d’énergie en garantissant un niveau de sécurité élevé et un prix de revient faible. La bonne tenue à la corrosion des matériaux est un des facteurs clés pour ces deux enjeux. Le premier point exige de pouvoir assurer l’intégrité des matériaux de structure tout au long de la vie du réacteur en limitant les dégradations et les conséquences du vieillissement sous l’effet de la tem- pérature, du rayonnement et de l’environnement chimique. La sûreté des réac- teurs à eau sous pression (REP) est en effet basée sur le principe d’une triple barrière autour du combustible nucléaire : la gaine, la paroi du circuit primaire et l’enceinte de confinement. Le coût de production quant à lui dépend aussi directement de la bonne tenue des matériaux en permettant un taux de dispo- nibilité maximal et une diminution des coûts de maintenance associés aux contrôles en service et aux interventions pour réparer d’éventuels dommages. 1. Rappel des propriétés physico-chimiques de l’eau ........................ BN 3 750 - 2 1.1 Dissociation, pH........................................................................................... — 2 1.2 Propriétés oxydoréductrices....................................................................... — 2 2. Corrosion.................................................................................................... — 3 2.1 Milieu primaire............................................................................................. — 4 2.1.1 Relâchement et transport des produits de corrosion ...................... — 4 2.1.2 Gaines des éléments combustibles .................................................. — 4 2.1.3 Structures internes ............................................................................. — 5 2.1.4 Corrosion sous contrainte (CSC) des alliages de nickel.................. — 5 2.2 Milieu secondaire ........................................................................................ — 7 2.2.1 Générateur de vapeur ........................................................................ — 7 2.2.2 Circuit secondaire. Corrosion-érosion des aciers au carbone ........ — 9 2.2.3 Condenseur......................................................................................... — 9 3. Chimie de l’eau dans les REP ............................................................... — 10 3.1 Préparation et spécification de l’eau des circuits REP.............................. — 10 3.1.1 Eau d’appoint...................................................................................... — 10 3.1.2 Eau du circuit primaire....................................................................... — 11 3.1.3 Circuit secondaire............................................................................... — 12 3.1.4 Eau des circuits auxiliaires................................................................. — 14 3.2 Contrôle en ligne, maintien des spécifications chimiques....................... — 14 4. Conclusion ................................................................................................. — 14 Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. BN 3 750 Q CHIMIE DE L’EAU ET CORROSION DANS LES REP _____________________________________________________________________________________________ Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. BN 3 750 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie nucléaire Dans sa définition normalisée (NF EN ISO 8044), la corrosion désigne les pro- cessus d’interactions physico-chimiques intervenant entre un métal et son envi- ronnement et conduisant à une dégradation de la fonction du métal, du milieu environnant ou du système technique dont ils font partie. En d’autres termes, c’est dire que la résistance à la corrosion n’est pas une propriété intrinsèque d’un matériau mais qu’elle dépend essentiellement du milieu environnant. La maîtrise des problèmes de corrosion passera donc tant par un choix judicieux des matériaux que par un contrôle rigoureux de la composition chimique des milieux. C’est ce qui justifie l’association, dans une même présentation, de la corrosion et de la chimie de l’eau. Le lecteur pourra consulter utilement les articles spécialisés du traité Métal- lurgie ainsi que dans ce traité, les articles décrivant la technologie des réacteurs à eau pressurisée et la rubrique « Structure des réacteurs nucléaires ». 1. Rappel des propriétés physico-chimiques de l’eau Dans les REP , l’eau est utilisée en tant que modérateur et calo- porteur dans le circuit primaire et dans le circuit secondaire comme fluide thermodynamique pour transformer la chaleur en énergie mécanique au moyen d’un cycle de Carnot mettant en jeu le liquide et sa vapeur. Les performances de la machine thermique ainsi constituée vont dépendre essentiellement des propriétés physiques de l’eau. Néanmoins, les propriétés physico-chimiques vont direc- tement intervenir dans les processus de corrosion et, de ce fait, il est nécessaire de bien les caractériser dans les conditions de fonc- tionnement des REP, c’est-à-dire à des températures atteignant 325 oC et des pressions de l’ordre de 150 bar (la température critique de l’eau est de 375 oC). 1.1 Dissociation, pH On peut rappeler que l’eau est un électrolyte faiblement dissocié donnant naissance à des protons solvatés et des ions hydroxyl. La constante de dissociation de l’eau pure et utilisable pour les solu- tions diluées s’écrit sous la forme : avec et les activités (assimilables ici aux concentrations) des ions H+ et OH–. Cette constante de dissociation, qui caractérise l’équilibre d’acido-basicité de l’eau, varie avec la température en présentant une valeur maximale vers 250 oC. De ce fait, le pH de l’eau pure (qui par définition est celui de la neutralité puisque ) passe par un minimum (pH = 5,6), à la même température. Le pH joue un rôle prépondérant dans tous les processus de corrosion et dans tous les équilibres de solubilité des espèces chimiques. Il varie en fonction de la température selon les espèces en présence (figure 1). Pour le milieu primaire contenant de l’acide borique et de l’hydroxyde de lithium, le pH évolue peu avec la température tandis qu’il diminue très significativement lorsque la température augmente pour le milieu secondaire contenant l’un ou l’autre des réactifs alcalins utilisés, l’ammoniaque ou la morpholine, amine de formule C4H9NO (§ 3.1.3). Du fait de la structure de la molécule d’eau et de sa permittivité relative élevée, l’eau a un pouvoir de dissolution élevé vis-à-vis des espèces ioniques ainsi qu’un fort pouvoir d’hydratation, notamment des cations. L’eau peut réagir chimiquement avec certains ions pour former des oxydes plus ou moins hydratés. Ces réactions d’hydro- lyse sont importantes à prendre en compte pour la formation des précipités susceptibles de se déposer dans les circuits REP . 1.2 Propriétés oxydoréductrices L’eau constitue un système oxydoréducteur particulièrement important à considérer puisque son domaine de stabilité sera limité par ses réactions d’oxydation et de réduction que l’on peut écrire : aH + aOH – Kw = aH + aOH – aH + aOH – = Figure 1 – Variation du pH en fonction de la température 6 H3BO3 (B = 600 mg/kg) + LiOH (Li = 1,3 mg/kg) Ammoniaque ([NH4] = 3 mg/kg) Morpholine (6 mg/kg) 0 5 7 8 9 10 pH H2O B - Li NH4OH Morpholine 100 200 300 Température (°C) + H2O!1/2 O2 2H+ 2e– + + H2O e–!OH– 1/2 H2 + + et _____________________________________________________________________________________________ CHIMIE DE L’EAU ET CORROSION DANS LES REP Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie nucléaire BN 3 750 − 3 Compte tenu de l’implication de protons et d’électrons dans ces équilibres, la valeur du potentiel électrochimique correspondant aux équilibres de ces réactions variera avec le pH (pH = ). Pour la réaction de réduction de l’eau qui est la seule à considérer dans les milieux REP , la valeur du potentiel d’équilibre est donnée par l’expression de la loi de Nernst : E = – RT/F Cette équation est représentée par la droite b du diagramme potentiel-pH pour une température de 300 oC (figure 2). À titre indi- catif, on a reporté sur le même diagramme les équilibres relatifs au fer et à ses oxydes en présence d’eau. On remarque que, comme pour tous les matériaux métalliques utilisés dans les circuits REP , l’eau joue un rôle d’oxydant. De ce fait, tous les alliages métalliques présents auront tendance à être oxydés soit sous forme d’espèces dissoutes soit sous forme d’oxydes dont les épaisseurs iront, selon les matériaux et les conditions de fonctionnement, de quelques nanomètres à quel- ques centaines de micromètres. En d’autres termes, la thermo- dynamique indique que la seule forme chimique stable de tous les matériaux métalliques présents est l’oxyde. Ce ne sont donc que pour des considérations purement ciné- tiques que les circuits pourront coexister avec l’eau. Les propriétés des oxydes (porosité, structure, solubilité) ainsi que les vitesses de réactions en fonction du pH, du potentiel redox et de la tempéra- ture contrôleront donc tous les processus de corrosion et de trans- port des espèces chimiques. 2. Corrosion Il est commode, dans les REP , de distinguer les processus de corrosion se produisant dans chacun des circuits compte tenu de la différence des milieux [2]. Le circuit primaire est caractérisé par une chimie parfaitement maîtrisée (absence d’impuretés) avec un niveau de rayonnement élevé et la présence exclusive de maté- riaux nobles (aciers inoxydables, alliages de nickel, alliages de zir- conium) (tableau 1). En outre, une pression supérieure à la pression des circuits, avec lesquels il se trouve en interface, limite considérablement les risques de pollution du circuit primaire. (0) Figure 2 – Diagramme potentiel-pH du fer à 300 oC (d’après [1]) pH300 °C 0 -2 -1 0 1 2 2 4 6 8 10 Potentiel ( V / EHN) FeO4 uploads/Ingenierie_Lourd/ b3750-techniques-de-l-x27-ingenieur-chimie-de-l-x27-eau-et-corrosion-dans-les-rep-pdf.pdf

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