L'enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime L´enfant et la vie familiale
L'enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime L´enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime En c11111·en1,n· ; Camille el Lucile Desmoulins, Ecole française du xv111•· ,ièclc. Photo Bullm.. !SilN 2-0'.!-(Hl4235-5 (Z'J Edilions du Seuil. 19n La loi du 1 l mars 1957 intcrdtt ies copies ou ft'productü.1-ns destinées à une utilisation coUective. Toute représenta!ton ou reproduction fntêgraJe ou partielle fahc par quelque procédé que ce soît. sans le consentement de !'auteur ou de ses ayants cause, est illicite et cons- titue une contrefaçon sanctionnée p.ar les articles 425 et uivants d:t.1 Code pên::JL 6 L'enfant et la vie familiale Préface 7 8 L'enfant et fa vfr> familiale Préface 9 1. A. Besançon, << Histoire et psychanalyse », Anna/es ESC 19, 1964, p. 242, n" 2. - J, L Flandrin, « Enfance et société )>, Annales ESC 19, 1964, p. 322*329. l Il L'enfant et fa vie familiale l. N. Z. Davis, « The reasons of misru\e : youth groups and charivaris on sixteenth century France », Pa.\·t and Prese11t 50. fév. 1971, p. 41-75. Préface 11 1. I. Bouchard, Un village immobile, 1972. 2. J. L . Flandrin, « Enfance et société . op. cit. 12 L'enfant et la vie familiale l. Op. cit. 2. Ecrite entre 1967 et 1970 quoique publiée en 1972 La France et les Français, 1972, p. 872. Préface 13 les époques anteneure\ tJU Moyen Age, dans les ajres de civi. lisativn rurale et orale, une organisation des communautés en classes d'âge, avec rites de passa,-.:e, selon le modèle des ethno• logues. Dans ces sociétés, chaque âue aurait sa fonction, et l'éducation serait alors transrnise par l'initiation, et à l'inté- rieur dt' la classe d'âue, par la participation aux services assurés par celle•ci. On ,ne permettra d'ouvrir une parenthèse et de rapporter le mut d'un jeune ami archéologue. Nous visitions les fouilles crétoises de Malia, en Créfr', nous parlions à hâtons rompus dl! Janroy, d'Homère, de Duby, des structures par classes d'âge des ethnologues, de leur réapparition au Haut Moyen Age, et il m'a dit à peu près ceci : dans nos anciennes civilisations, ces structures ethnographiques, nous ne les apercevons jamais en place, en pleine maturité, mais toujours à l'état de survi- vances, que ce soit dans la Grèce homérique ou dans le Moyen Age des chansons de geste. Il avait raison. On ne peut se défendre de l'idée que nous projetons trop exactement dans nos sociétés traditionnelles les structures ar,jourd'hui repé- rées par les ethnologues chez les « sauvages » contemporains. Mais fermon,\· la parenthèse et acceptons l'hypothèse d'une société-origine, dans le très haut Moyen Age, qui présen- terait les caractères ethnographiques ou folkloriques couram- ment admis. Un grand changement intervll'nt alors dans cette société, peut•être à l'époque de la féodalité et du renforcement des vieilles chefferies. Il concerne l'éducation, c'est-à-dire la trans• mission du savoir et des valeur,\·. Celle•ci est désormais, dès le Moyen Age, assurée par l'apprentissage. Or la pratique de l'apprentissage est incompatihle avec le système des classes d'âge, ou tout au moins, il tend en se généralisant à le détruire. Je ne saurais trop insister sur l'importance qu'il convient d'at- tribuer à l'apprentissage. li force les enfants à vivre au milieu des adultes, qui leur communiquent ainsi Je savoir faire et Je s savoir-vivre. Le mélange des âges qu'il entraîne me paraît un des traits dominants de notre société, du milieu du Moyen Age au XVI/Jn siècle, Dans ces conditions les classements tradi- tionnels par âge ne pouvaient que se brouiller et perdre de leur nécessité, Mancini, 14 L'enfant et la vie familiale Or, cela est certain, ils ont persisté pour la surveillance sexuelle.et l'organisation des fêtes, et on sait l'importance des fêtes dans la vie quotidienne de nos anciennes sociétés. Comment concilier la persistance de ce qui était certaine- ment beaucoup plus que des « traces :», et l'exportation pré- coce des enfants chez les adultes? Ne sommes-nous pas dupes, malgré tous les arguments contraires de N. Davis, de l'amb1'guïté de ce mot de feunesse? Même le latin, encore s[ proche, ne facilitait pas la discrimi- nation. Néron avait vingt-cinq ans quand Tacite dit de lui : certe finitam Neronis pueritiam et robur juventae adesse. Robur juventae : c'est la force de l'homme jeune ce n'est pas l'ado- lescence. Quel était l'âge des abbés de la jeunesse et de leurs compa- gnons? L'âge de Néron à la mort de Burrus, l'âge de Condé à Rocroy, l'âge de la guerre ou de la simulation - la bra- vade 1 • En fait ces sociétés de jeunesse étaient des sociétés de célibataires, à des époques où, dans les classes populaires, on se mariait souvent tard. L'opposition était donc entre le marié et le non-marié, entre celui qui avait une maison à lui et celui qui n'en avait pas et couchait chez les autres, entre le moins instable et le moins stable. li faut donc bien admettre l'exlstence de sociétés de jeunes, mais au sens de célibataires. La « jeunesse » des célibataires, d'Ancien Régime n'impliquait ni les caractères qui, dans !'An- tiquité comme dans les sociétés ethnographiques, distinguaient l'éphèbe de l'hom!Jle mûr, Aristogiton d'Harmodius 2, ni ceux qui opposent aujourd'hui les adolescents aux adultes. S'il me fallait concevoir ce livre aujourd'hui, je me garderais mieux de la tentation de l'origine absolue, du point zéro, mais, les grandes lignes demeureraient les mêmes. Je tiendrais seU• L Un neveu de Mazarin, Paolo • avait tout juste quinze l ans quand il se fit tuer bravement sous les murs de Paris, à b fin de la Fronde. Cf. G. Dethant, Mazarin et ses amis, Paris, 1968 2. Je pense au fameux groupe du musée de Naples. 1 1 Préface 15 lement compte de données nouvelles, et insisterais plus sur le Moyen Age et son si riche automne. En premier lieu j'attirerais /'attention sur un phénomène très important et qui commence à êtfe mieux connu : la persis- tance jusqu'à la fin du XVIIe siècle de l'infarllicide toléré. Il ne s'agit pas d'une pratique admise comme l'exposition à Rome. L'infarllicide était un crime sévèrement puni. Il était cependant pratiqué en secret, peut-être assez couramment, ca- mouflé sous la forme d'accident : les enfants mouraiem étouf fà naturellement dans le lit des parents où ils couchaient. On ne faisait rien pour les garder ni pour les sauver. J. L. Flandrin a analysé cette pratique cachée dans une conférence de la société du XV!r siècle (cycle !972-1973, à paraitre dans la revu,೦ XYll(' siècle). Il a montté comment la diminution de la rnortalité enfantine qu'on observe au XVJ[fl' siècle ne peut pas s't'xpliquer par des raiSOIIS médicales et hygiéniques; on a seulement cessé de laisser mourir ou d'aider à mourir !es enfants qu'on ne souhaitait pas R<lrder. Dans la même série de conférences de la société du XV//e siècle le P. Gy a confirmé l'interprétation de J. L. Flandrin en citant des passages des Rituels post೦ tridentins où les évê೦ qucs défendent, avec une véhémence qui laisse à penser, de coucher les enfants dans le lit de leurs pare!l!.<i, où il leur arrivait trop souvent de périr étooffés. Le fair d'aider la nature à faire disparaître des sujets aussi peu doués d'un être suffisant, n'était pas avoué, mais n'était pas non plus considéré avec honte. Il faisait partie deJ choses moralement neutres, condatnnées par les éthiques de l'Eglise, de l'Etat, mais pratiqflées en secret, dans une demi೦ conscience, à la limite de la volonté, de l'oubli. de la maladresse. La vie de l'enfant était alors considérée avec la même ambi- guùé que celle du fœtus aujourd'hui, avec la différence que l'infanticide était enfoui dans le silence et que l'avortement est revendiqué tout haut, mais c'est toute la différence entre une civilisation du secret et une civilisation de l'exhibition. Un temps viendra, au XV/le siècle, où la sage-femme, cette sor- cière blanche récupérée par les Pouvoirv, mira mission de pro- téger l'enfant, où les parents, mieux irt/೦rmés par les réforma- 16 L'enfant et la vie familiale teurs, rendus plus sensihles à la mon, deviendront plus vigi- lant.1· et souhaiteront conserver leurs enfants coûtt• que colÎte. C'est exacte,mmt J'inverse de l'évolution qui .ff déroule sous nos yeux vers la liberté de l'avortement. On est alors passé d'un infanticide Jecrètement admis à w, respect de plus en plus exigeant dt' la vie de l'enfant. Si la vie physique Je, l'enfant comptait encore ,\'i peu, on devrait s'attendre, dans une société unanimement chrétienne, à plus de vigilance pour sa VÎl! future, après la mort. Et nous voici amenés à l'histoire passionnante du baptême, de l'âge du baptême, du mode d'administration, que je regre/le de n'avoir pas abordé Jans mon livre. Je souhaite qu'elle tente quelqtœ jeune chercheur. Elle permettrait de saisir l'atti- tude devant la vie et l'enfance à hawes époques, pauvres en documents, mais pas pour confirmer ou modifier la date du déhut d'un cycle, mais pour montrer comrnent, au cours d'un polymorphisme continu, les mentalités anciennes se sont trans- formées par à-coups, par une série de petits uploads/Industriel/ philippe-aries-l-x27-enfant-et-la-vie-familiale-sous-l-x27-ancien-regime.pdf
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- Publié le Jul 26, 2022
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