l’actualité chimique - août-septembre 2006 - n° 300 Regards sur les polymères 4
l’actualité chimique - août-septembre 2006 - n° 300 Regards sur les polymères 47 Polymères et développement durable Intégration des questions environnementales dans la recherche et l’enseignement Valérie Massardier-Nageotte et Vincent Verney Résumé Légers, recyclables, faiblement consommateurs de ressources naturelles, les polymères ont de nombreux atouts vis-à-vis de notre environnement. On note des évolutions importantes ces dernières années, notamment dans le domaine de la valorisation des polymères végétaux, et au moins 15 % de la recherche mondiale sur les polymères sont en rapport avec l’environnement. Pour intégrer les exigences vis-à-vis de l’environnement, il semble que la recherche doit être menée sur la base d’une approche globale associant la synthèse et la formulation de polymères, les procédés de mise en œuvre et d’élaboration, ainsi que l’analyse de leur comportement. De façon similaire aux programmes de recherche, les formations en chimie et matériaux sont de plus en plus marquées par la problématique du développement durable. Mots-clés Polymères, environnement, cycle de vie, recherche, enseignement. Abstract Polymers and sustainable development: integration of environmental questions in research and training courses As they are easy to recycle and consume little natural resources, polymers have been considered as environmentally friendly for a long time. Significant evolutions have been observed, in the field of polymers from biomass for example, and at least 15% of world research on polymers are connected with environmental questions. To address these questions, it seems that multidisciplinary research has to be carried out considering the synthesis, formulation, processing and the characterization of polymers. Similarly, training in chemistry and materials is more and more concerned by sustainable development. Keywords Polymers, environment, life cycle analysis, research, education. ONU définit le développement durable comme « la capacité des générations présentes à satisfaire leurs besoins, sans compromettre l’aptitude des générations futu- res à satisfaire leurs propres besoins ». Le développement durable fait désormais partie des enjeux de notre planète. C’est un vaste programme si l’on prend conscience des aspects économiques, sociaux, environnementaux… En matière d’environnement, on est amené à conduire des actions que l’on peut regrouper en trois grandes catégories, correspondant à la philosophie de l’éco-conception : - minimisation des prélèvements sur les ressources naturelles (y compris énergétiques, en particulier fossiles), - minimisation des impacts sur l’écosphère, - maximalisation du réemploi et du recyclage. Les façons d’y contribuer sont nombreuses et peuvent être très variables selon les structures qui doivent y répon- dre. Cet article montre comment les polymères contribuent au développement durable, en intégrant également ces questions environnementales dans la recherche et l’ensei- gnement. Dans le secteur des matériaux, les polymères présentent de nombreux avantages vis-à-vis de l’environnement : con- sommation modérée des ressources de la planète (pétrole en particulier), faible poids, recyclabilité. Leur production et leurs champs d’application sont en accroissement régulier, ce qui peut avoir pour conséquence de générer un flux croissant de déchets en fin de vie [1]. Ainsi, leur faible densité en fait des constituants de choix dans les secteurs automobile et aéronautique où ils permettent des gains de consommation en carburant non négligeables. La matière première correspondant à leur élaboration ne représente que quelques % du pétrole consommé dans nos pays développés et l’on a de plus en plus recours à des biopolymères élaborés à partir du règne végétal. L’énergie nécessaire à leur transformation (et polyméri- sation dans le cas des thermodurcissables) est aussi bien moindre que celle requise par les métaux, le verre, les céra- miques. Ils sont de plus en plus collectés, triés et recyclés. L’intégration de plus en plus marquée des paramètres « choix des matières premières, gain de poids, énergie, recyclage » dans les programmes de recherche permet de les rendre encore plus performants. Ils sont utilisés en tant que matériaux, c’est-à-dire qu’ils subissent une chaîne d’étapes de transformation pour arriver à la forme finale d’un objet ou d’une pièce dotée des propriétés requises. C’est pourquoi, dans une approche durable, il est impor- tant de considérer de façon globale la chaîne synthèse- procédé-usage, tant sur le plan de la recherche que de l’enseignement. L’ l’actualité chimique - août-septembre 2006 - n° 300 Regards sur les polymères 48 Polymères et développement durable D’après K. Mulder [2], si l’on s’intéresse au cycle de vie des matériaux, les polymères sont bien placés par rapport à des matières plus lourdes telles que verres et aciers, tant pour des usages lors d’une première vie que pour leur recyclage. En effet, les études sur le cycle de vie des matériaux sont de plus en plus nombreuses et l’analyse du cycle de vie est devenue un outil de référence quand il s’agit de chercher à quantifier l’impact d’un polymère ou d’un procédé sur l’envi- ronnement. L’Ademe par exemple, en collaboration avec le cabinet Bio-Ingénierie Service, a publié une étude très complète sur la comparaison des filières de recyclage des grandes classes de matériaux. Enfin, les analyses du cycle de vie deviennent un outil important de comparaison des polymères synthétiques et naturels par exemple [3]. Ainsi, même s’ils sont bio-renouve- lables, que leur cycle de vie est intéressant vis-à-vis des émissions des gaz à effet de serre [4], les polymères naturels sont très souvent obtenus avec l’emploi d’engrais chimiques dont les impacts ne sont pas négligeables… Ces nouvelles tendances contribuent à favoriser l’éco- conception, dont les objectifs peuvent être l’allègement des matériaux, l’augmentation des rendements, les économies d’énergie lors de l’élaboration, la durabilité, un recyclage facilité grâce à la conception et au choix des matériaux. Polymères et ressources naturelles L’industrie des polymères n’utilise qu’un faible pourcen- tage du pétrole consommé en France. Néanmoins, si l’on cherche à préserver les ressources naturelles non renouve- lables telles que le pétrole, un intérêt non négligeable des polymères est qu’ils peuvent être totalement ou partielle- ment issus du règne végétal. Les biopolymères Outre les macromolécules végétales, le règne végétal représente un potentiel pour les domaines de la chimie, de l’énergie et des matériaux renouvelables. C’est pour favori- ser l’émergence de produits agricoles non alimentaires, en particulier en soutenant des projets de recherche, que les pouvoirs publics et huit partenaires (Institut Français du Pétrole, Total Fina Elf, Aventis, Limagrain, EDF…) ont créé en 1994 le groupement d’intérêt scientifique AGRICE (agricul- ture pour la chimie et l’énergie). Les polymères issus de végétaux peuvent être utilisés seuls (sacs sortie de caisse, barquettes alimentaires (voir figure 1), tensioactifs…) ou bien comme renforts (fibres de lin, chanvre, bois…). Les cultures non alimentaires évitent l’importation annuelle de 600 000 tonnes de pétrole, et dans le domaine des macromolécules, elles peuvent fournir monomères, tensioactifs et polymères naturels… On peut aussi obtenir directement des biopolymères [5] à partir d’hémicelluloses issues de son de maïs, d’amidon... L’amidon, polymère majeur issu des grandes cultures, est un bon candidat pour la production de matériaux d’emballage ou d’objets biodégradables. Associé à un composé de la paille de blé, il pourrait voir ses applications élargies. Un autre exemple : le 1,3-propanediol ; ce monomère de base de l’industrie des polymères est utilisé pour la produc- tion de polyesters, polyuréthannes... Plusieurs procédés industriels ont étudié sa production par fermentation avec pour objectif de le produire directement à partir de matière première végétale peu chère (amidon et/ou saccharose). Pour la synthèse de polyamides, polyesters…, on cher- che aussi à produire des acides alpha omega dicarboxyli- ques par conversion biologique d’esters d’huiles végétales. Ces dernières années ont vu une véritable évolution quant au passage à l’échelle industrielle de la production de polymères issus de ressources renouvelables. Ainsi, Cargill Dow est-il en train de démarrer une unité industrielle de production (350 000 t/an) d’acide polylactique (PLA) bio- dégradable de haut poids moléculaire (figure 1) [6]. Les grands groupes chimiques travaillent tous sur ce segment (polyester Ecoflex BASF, poly-ε-caprolactones Solvay…) [4], et certains industriels aval s’y intéressent également (Toyota par exemple, avec une unité pilote de 1 000 t/an). Dans un marché principalement occupé par des produits d’origine pétrochimique, des tensioactifs comportant une partie d’origine végétale ont connu un développement signi- ficatif, correspondant à 60 000 t en 1998. Néanmoins, le développement des tensioactifs d’origine végétale est aujourd’hui freiné en raison d’une faible balance hydrophile/ lipophile (HLB). Il serait intéressant d’élargir cette gamme HLB. Malgré ces problèmes, des tensioactifs non ioniques émulsifiants, tels que les polyglycérols et les esters de poly- glycérol, trouvent des applications en formulation dans l’industrie cosmétique et agroalimentaire. Ces tensioactifs sont produits à partir du glycérol, un coproduit du procédé Figure 1 - Les polymères issus de végétaux trouvent une application notamment dans les barquettes alimentaires. A gauche : contrôle qualité de barquettes en résine issue du végétal produites par l’entreprise Veriplast France (Mont de Marsan). © ADEME 2003/Christian Weiss ; à droite : barquettes alimentaires en PLA produites à partir de farine de maïs, © Cargill Dow (Nature Works®LLC). 49 l’actualité chimique - août-septembre 2006 - n° 300 Regards sur les polymères de fabrication du diester, biocarburant produit à partir d’oléagineux pour les moteurs diesel. On peut aussi produire des matériaux partiellement issus du règne végétal, comme les composites fibres végétales/ PP où l’un des intérêts de ces fibres est leur faible coût com- uploads/Industriel/ 2006-300-aoutsept-massardier-p-47.pdf
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- Publié le Apv 29, 2021
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