Revue de l'histoire des religions Les écrits de Luc et les événements de 70. Pr
Revue de l'histoire des religions Les écrits de Luc et les événements de 70. Problèmes de datation André Méhat Abstract The Lukan writings and the events of 70. Dating problems Is Luke later than the fall of Jerusalem (+ 70) ? The prediction of 19, 40-44 and 21, 20-24, being fulfilled, are considered as "Vaticinatio ex eventu". But F. Josephus and intertestamental writings testify that between — 63 and + 70 the idea of a siege of the City was in everybody's mind. The verses of Luke seem ancient. They refer to the events of — 586, not + 70. They are not connected with Mark. The Gospel of Luke is earlier than the "Acts" and the "Acts" are earlier than + 64. Luke could date back to + 60. Résumé Faut-il dater Luc après la ruine de Jérusalem en 70 ? Les prédictions de 19, 40-44 et 21, 20-24, s'étant réalisées, passent pour des prophéties ex eventu. Mais Flavius Josèphe et les écrits intertestamentaires témoignent que l'idée d'un siège de Jérusalem était présente dans les esprits entre — 63 et + 70. Les versets de Luc portent des marques d'ancienneté, ils se réfèrent aux événements de — 586, non à ceux de + 70 : ils sont indépendants de Marc. Antérieur aux "Actes", eux-mêmes antérieurs à + 64, l'"Evangile de Luc" pourrait être de + 60. Citer ce document / Cite this document : Méhat André. Les écrits de Luc et les événements de 70. Problèmes de datation. In: Revue de l'histoire des religions, tome 209, n°2, 1992. pp. 149-180; doi : https://doi.org/10.3406/rhr.1992.1607 https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1992_num_209_2_1607 Fichier pdf généré le 11/04/2018 ANDRÉ MEHAT LES ÉCRITS DE LUC ET LES ÉVÉNEMENTS DE 70 Problèmes de datation Faut-il dater Luc après la ruine de Jérusalem en 70 ? Les prédictions de 19, 40-44 et 21, 20-24, s'étanl réalisées, passent pour des prophéties ex eventu. Mais Flavius Josèphe et les écrits iniertesiamentaires témoignent que Vidée d'un siège de Jérusalem était présente dans les esprits entre — 63 et + 70. Les versets de Luc portent des marques d'ancienneté, ils se réfèrent aux événements de — 586, non à ceux de + 70 : ils sont indépendants de Marc. Antérieur aux Actes, eux-mêmes antérieurs à -\- 64, /'Evangile de Luc pourrait être de + 60. The Lukan writings and the events of 70. Dating problems Is Luke later than the fall of Jerusalem (-\- 70) ? The prediction of 19, 40-44 and 21, 20-24, being fulfilled, are considered as Vaticinatio ex eventu. But F. Josephus and intertestamental writings testify that between — 63 and + 70 the idea of a siege of the City was in everybody's mind. The verses of Luke seem ancient. They refer to the events of — 686, not + 70. They are not connected with Mark. The Gospel of Luke is earlier than the Acts and the Acts are earlier than + 64. Luke could dale back to + 60. Revue de l'Histoire des Religions, ccix-2/1992, p. 149 à 180 La datation des évangiles et des Actes des Apôtres n'est pas une question oiseuse. Pris comme documents historiques, ils ne seront pas lus de la même manière selon qu'ils ont été rédigés — dans la première génération chrétienne, celle des témoins oculaires — par des écrivains appartenant à la deuxième génération — ou plus tard encore. Les controverses théologiques, interférant avec la recherche historique, soit pour contester, soit pour défendre le caractère « sacré » des « Ecritures », ont contribué à passionner les débats plus qu'à les éclairer. Dans la querelle des dates qui a ému le monde des exégètes bibliques il y a quelques années1, et n'est pas terminée, on s'est reproché mutuellement des arrière-pensées, en oubliant parfois la parabole de la paille et de la poutre. 1. Sur les problèmes de datation, John A. T. Robinson, Eedating the New Testament, London, 1978 ; trad, fr., Paris, 1987, contient l'essentiel de la bibliographie antérieure, en particulier des travaux de Harnack. Cité ci-dessous, 1979, Robinson, Redating. Liste de recensions dans Elenchus bibliographicus (== Biblica 57-58) et dans J. Ernst, Datierung oder Ruckdatierung der Evange- lien ?, Théologie u. Glaube 4 (1982) 400 s., n. 54. Le livre a été au centre des débats d'un « Symposion » à Paderborn en 1982. Actes publiés par R. Wegner d'après enregistrements : Die Datierung der Evangelien, Paderborn, 1983. Cité « Symposion ». Avec un peu de retard il a soulevé en France une querelle des dates, qui attend encore son historien. Citons seulement les ouvrages auxquels nous renvoyons par des sigles. Contre la datation tardive : C. Tresmontant, Le Christ hébreu, Paris, 1983 ; J. Carmignac, Naissance des Evangiles synoptiques, Paris, 1984 (cités Tresmontant, Carmignac). Pour la datation tardive : J. Schlosser, Réflexions critiques sur un certain Christ hébreu, Eglise en Alsace, 1984, n° 2, 27-36, cité J. Schlosser ; P. Grelot, Les Evangiles (Cahiers Evangile, 45), cité Grelot, Evangiles ; Id., Evangile et Tradition apostolique, Paris, 1984, cité Grelot, Ev. et Trad. ; Id. L'origine des Evangiles. Controverse avec Carmignac, Paris, 1986, cité Grelot, Origine. Le présent article a d'abord été une discussion d'un article de C. Focant, La chute de Jérusalem et la datation des Evangiles, Rev. théol. de Louvain, 19 (1986), et du commentaire de Luc de J. Fitzmyer (Anchor Bible), New York, I, 1981 ; II, 1985, cités Focant et Fitzmyer. A signaler en outre A. J. Mattil, The Date and Purpose of Luke-Acts, Rack- ham revisited, Calh. Bibl. Quat. & O. (1978), 335-360, cité Mattil, G. Bouwman, Le premier livre des Actes, dans A. Neyrinck (éd.), L'Evangile de Luc, Louvain, 21989 (Bibl. Eph. Theol. Lov.), 553-565. L'article de A. Feuillet, La date de composition et les caractéristiques de chacun des quatre évangiles, Divinitas 36 (1992), 3-18, est parvenu trop tard à notre connaissance pour être utilisé. Il conteste la datation tardive. Les écrits de Luc 151 C'est de bonne guerre dans la controverse ; mais c'est une mauvaise manière d'aborder les problèmes historiques, de sonder les intentions secrètes de l'interlocuteur. Les progrès de la recherche scientifique et de la courtoisie intellectuelle devraient éliminer de la discussion ces mœurs archaïques. Il est possible, pensons-nous, de peser pour eux-mêmes des indices et des preuves historiques, en remettant à plus tard d'en tirer s'il le faut des conséquences théologiques pro el contra, car c'est un autre débat. C'est ce que nous voudrions faire en étudiant quelques pièces du dossier, en premier lieu les écrits attribués à Luc2, son Evangile et les Actes des Apôtres, en relation avec les événements de 70 : la prise de Jérusalem par les Romains, la destruction de la Ville et du Temple. I / Datation tardive et prophétie post eventum Ces événements sont en effet parmi les rares qui offrent des points de repère possibles à la chronologie du Nouveau Testament ; ils ont servi surtout dans le cas de V Evangile de Luc. Dans une note de travail (Arbeiis papier) publiée en annexe aux Actes du « Symposion » de Paderborn, J. Ernst, auteur d'un important commentaire de VEvangile de Luc, nomme 8 auteurs récents (tous allemands) qui le datent entre 70 et 90 ; un seul (Michaelis) propose 65-70. Il énumère les raisons suivantes à l'appui d'une datation « tardive »3 : 1 / La référence à la destruction de Jérusalem en Luc 21, 20-24. 2 / Luc (cf. Le 1, 1-2) a eu des prédécesseurs, ce qui suppose une certaine distance entre lui et les événements qu'il relate. 2. Il est généralement admis que les deux ouvrages sont d'un même auteur. Son identification avec « le médecin Luc », compagnon de Paul, est soutenable, mais reste problématique. Aucun autre nom n'ayant été sérieusement proposé, nous suivrons l'usage de conserver jusqu'à nouvel ordre celui que donne la tradition depuis la fin du 11e siècle. 3. Il dit « relativement tardives » (Symposion, p. 280 s.), sans doute pour tenir compte de dates extrêmement tardives, par exemple celles données par Г « école de Tubingen » au milieu du xixe siècle, et généralement abandonnées aujourd'hui. Il précise qu'il s'agit de la dernière rédaction (Schlussredaktion ) : c'est l'usage général. Mais d'un point de vue historique, la date de la première rédaction est souvent plus importante. 152 André Mehal 3 / Le développement théologique (mort expiatoire du Christ, idéologie du martyre, eschatologie, tendances protocatholiques, théologie de l'histoire du salut) n'a de sens que dans une époque postérieure à 70. Ces arguments sont d'inégale valeur. Le n° 2 exclut en effet une date très haute, mais il est difficile de préciser à partir de quelle date des récits évangéliques ont commencé à se multiplier. L'hypothèse très répandue qu'ils n'ont apparu qu'après la mort des apôtres repose sur des a priori très discutables. Quant aux critères doctrinaux (n° 3), « on sait combien ils sont vagues et d'interprétation incertaine », notait H. Marrou dans son introduction à VA Diognète (p. 256). Au Symposion de Paderborn4, M. Schmithals avouait avec nostalgie qu'il avait renoncé à écrire une histoire uploads/Histoire/ datation-luc.pdf
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- Publié le Mar 22, 2021
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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