BREST, 1802 : LES FRANCS-MAÇONS ÉCOSSAIS ET FRANÇAIS À LA RECHERCHE DE L’UNITÉ

BREST, 1802 : LES FRANCS-MAÇONS ÉCOSSAIS ET FRANÇAIS À LA RECHERCHE DE L’UNITÉ MAÇONNIQUE Jean-Yves Guengant Grand Orient de France | « Chroniques d'histoire maçonnique » 2015/1 N° 75 | pages 33 à 46 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-chroniques-d-histoire-maconnique-2015-1-page-33.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Grand Orient de France. © Grand Orient de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Détentrice d’une patente délivrée par la Grande Loge d’Hérédom de Kilwinning, de Rouen, elle va imaginer une stratégie pour ouvrir des Chapitres français et d’Hérédom dans chacune des deux Loges brestoises, afin de permettre aux Frères de se réunir et d’accélérer la fusion des rites, ou tout au moins leur fédération. Deux années avant l’acte d’union signé entre le Grand Orient de France et les partisans du Rite Écossais Ancien Accepté, une solution originale se mettait en place à la pointe de Bretagne. La tradition écossaise La ville de Brest est un foyer ancien de la Maçonnerie. Sans doute tou- chée par la Maçonnerie jacobite1, dès les années 1730, elle devient le berceau de L’Heureuse Rencontre en 1745. La Loge a obte- nu ses constitutions de la Grande Loge de Bordeaux et a participé, tout au long du siècle, à la construction de la Maçonnerie « écossaise ». Lorsque la Loge est réveillée, en 1761, elle se dote d’un Chapitre où, rapi- dement, différents grades vont être expérimentés, souvent dans un désordre étonnant et un temps de passage d’un grade à l’autre très variable. Les appel- lations écossaises apparaissent en 1763 avec le Maître écossais parisien. Les grades se structurent et nous pouvons découvrir l’architecture et le rythme de progression dans le Chapitre de la Loge. On parcourt, en deux mois, les trois 1 Les Jacobites sont les partisans de Jacques II Stuart qui, définitivement vaincus, embarquent à Limerick, pour Brest, en octobre 1691. En juillet 1645, le prétendant Charles-Édouard essaie de débarquer en Écosse. L’un des deux bateaux affrétés pour l’expédition doit se réfugier à Brest. L’aventure marque la fin des espoirs jacobites. © Grand Orient de France | Téléchargé le 17/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 80.215.4.92) © Grand Orient de France | Téléchargé le 17/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 80.215.4.92) 35 N° 75 - Année 2015 grades symboliques, puis on devient Maître secret, Maître parfait et Illustre Maître irlandais, également en deux mois, Maître anglais, Maître élu, Maître écossais de Paris, en trois à quatre mois, et enfin Prince de Jérusalem. La Loge connaît une succession d’arrêts et de réveils, dus aux guerres. À par- tir des années 70, une nouvelle strate, constituée par les Chevaliers Rose- Croix, se met en place. Un règlement de la Loge (1797) indique qu’elle pratique un rite en 28 degrés + un (« Tous les grades ») qui est le suivant : 1 Apprenti 9 Illustre 17 Prince de Jérusalem 25 Chevalier du Soleil 2 Compagnon 10 Petit Architecte 18 Chevalier Rose-croix 26 Chevalier de l’Aigle noir 3 Maître symbolique 11 Grand Architecte 19 Souverain Prince Rose-Croix 27 Chevalier prussien noachite 4 Maître parfait 12 Maître écossais 20 Sublime Écossais trinitaire 28 Grand Philosophe 5 Maître irlandais 13 Parfait Architecte 21 Souverain Commandeur du temple 29 Tous les grades 6 Maître anglais 14 Parfait élu écossais 22 Maître en parfaite architecture 7 Élu des neuf 15 Chevalier de l’Orient 23 Chevalier d’Occident 8 Élu des quinze 16 Commandeur de l’Orient 24 Chevalier Kadosh Ce rite est très proche du Rite de Perfection, tel que connu par les rituels de Francken, datant de 17832. Les liens entre Brest et les Antilles est un fait ancien. Sur le plan maçonnique, des relations étroites existent entre les Loges de Saint-Domingue (l’actuel Haïti) et L’Heureuse Rencontre. Au début de la Révolution, puis lors des révoltes dans l’île, de nombreux habitants de Saint-Domingue séjournent à Brest. Nous retrouvons trace de cette proximité après l’Empire : le 29 juin 1817, quatre marins de la gabare La Zélée, en rade de Kingston (Jamaïque), sont initiés par le Souverain 2 Claude Guérillot, Le Rite de Perfection, restitution des rites traduits en anglais et copiés en 1783 par Henri Andrew Francken, Guy Trédaniel éditeur, Paris, édition de 2007. © Grand Orient de France | Téléchargé le 17/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 80.215.4.92) © Grand Orient de France | Téléchargé le 17/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 80.215.4.92) 36 Chroniques d’histoire maçonnique 3 Constitutions du 4 mai 1774, qui remplacent celles de la Grande Loge Saint-Antoine. 4 Constitutions du 7 décembre 1773. Un registre est tenu de 1774 à 1798 et des initiations ont lieu. Grand Inspecteur de l’Orient de Kingston. À leur retour à Brest, ils sont confirmés et affiliés à L’Heureuse Rencontre. Cette tradition écossaise est le fait de L’Heureuse Rencontre. La Loge concurrente des Élus de Sully, née en 1783 et installée trois ans plus tard, est de Rite Français, dans ses grades symboliques et dans son Chapitre, né au début de 1787. En 1788, L’Heureuse Rencontre adopte le Rite d’Hérédom de Kilwin- ning pour son Chapitre, sans renoncer cependant au Rite de Perfection. Elle pratiquera désormais les deux simultanément. Le Chapitre d’Hérédom possède des registres jusqu’en 1817, le second Chapitre jusqu’en 1827. Toujours à la recherche des racines maçonniques, la Loge cherche à retrou- ver la pureté des origines de l’Ordre, qu’elle croit découvrir à Édimbourg, capitale de l’Écosse. Si le mot Hérédom est censé rappeler une montagne mythique d’Écosse (elle n’existe pas) et les origines lointaines de la première franc-maçonnerie (ici le xive siècle), il faut rappeler que la légende se crée aisément, particulièrement dans la franc-maçonnerie française et dans les milieux proches des Jacobites, prêts à défendre la légitimité de leur préten- dant au trône d’Angleterre, par tous les moyens, dont la légende maçon- nique. À Kilwinning, une bourgade où fut construite une abbaye en 1140, aurait été fondée à cette époque la première Loge maçonnique (cependant on situe aujourd’hui sa création en 1599 et non au xiie siècle). La Loge de Kilwinning, en tout cas, se proclame la première Loge, ou Loge n°0. L’Heureuse Rencontre n’est pas à sa première singularité : elle a la particularité d’être à la fois affiliée au Grand Orient de France3 et à la Grande Loge de Londres4, sous le numéro de Loge 184. Elle perd aus- si souvent ses Constitutions, du fait d’un Orient où les militaires sont majoritaires et donc très mouvants. Des mises en sommeil succes- sives ont dispersé les archives. Elle se revendique donc de plusieurs Grandes Loges, puis en 1773, s’affilie au Grand Orient de France. En 1788, le Chapitre existant depuis 1774, continue de fonctionner en sui- vant son échelle particulière de grades, et en introduisant à côté un grade de Rose-Croix au caractère très original. Cela n’est pas du goût du Grand Orient qui refuse de reconnaître les Chapitres d’Hérédom et qui préfère l’Atelier des Élus de Sully, dont tous les rituels respectent les consignes de l’Obédience. Cette inflation de hauts grades est une façon de maintenir une émulation entre les Loges brestoises et d’occuper le terrain maçonnique face aux deux nou- © Grand Orient de France | Téléchargé le 17/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 80.215.4.92) © Grand Orient de France | Téléchargé le 17/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 80.215.4.92) 37 N° 75 - Année 2015 velles Loges qui battent en brèche le monopole de L’Heureuse Rencontre. Les Élus de Sully et les Amis intimes s’adressent à partir de 1786 à des Ma- çons originaires de milieux sociaux plus divers. Le choix d’un ordre étranger qui plus est fortement marqué par la thématique rosicrucienne et ésotérique, n’est pas dans l’air du temps en cette veille d’événements extraordinaires. Alors que la Révolution éclate, la distance que la Loge uploads/Histoire/ chm-075-0033.pdf

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  • Publié le Aoû 22, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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