162 antoine calvet © Koninklijke Brill NV, Leiden, 2006 Early Science and Medic

162 antoine calvet © Koninklijke Brill NV, Leiden, 2006 Early Science and Medicine 11, 2 Also available online – www.brill.nl ÉTUDE D’UN TEXTE ALCHIMIQUE LATIN DU XIVE SIÈCLE: LE ROSARIUS PHILOSOPHORUM ATTRIBUÉ AU MÉDECIN ARNAUD DE VILLENEUVE (OB. 1311) ANTOINE CALVET Paris Abstract This article reports on a fourteenth-century alchemical text that was erroneously ascribed to the physician Arnaldus de Villanova (ob. 1311). The Rosarius is an important alchemical work, which mixes Arabic alchemy with more modern La- tin sources (such as pseudo-Geber and pseudo-Bacon) and provides, step by step, an alchemical magisterium in a very clear style. This articles studies both the handwritten and printed transmission of the Rosarium and its reception into the sixteenth and seventeenth centuries. It provides a summary and explanation of the often original contents of this work and documents how it was understood in the fourteenth and fifteenth centuries as a text of medical alchemy relevant to both man’s health and metals, and in the Renaissance more exclusively as an alchemical text with a high degree of technical accuracy. Le Rosarius philosophorum est, ainsi que l’indique son titre, un florilège d’extraits de l’alchimie arabo-latine et de l’alchimie latine, organisée en 32 chapitres décrivant le processus de la transmu- tation et divisée en théorique et en pratique. On le reconnaît à son titre le plus courant : Liber abreviatus aprobatus verissimus the- saurus thesaurorum Rosarius philosophorum ac omnium secretorum maximum secretorum. Il est généralement attribué au médecin Arnaud de Villeneuve. Le Rosarius n’est pas le premier traité d’alchimie latine. Mi- chel Scot, le pseudo-Geber, le pseudo-Albert et le pseudo-Bacon, pour ne citer que les plus importants, l’ont précédé et nourris- sent son propos. Mais il constitue assurément une des premières tentatives de description du magistère alchimique en suivant un ordre précis, quand des textes comme la Summa perfectionis magisterii du pseudo-Geber (Paul de Tarente)1, ou même la Semita recta du pseudo-Albert délivrent avant tout un cours magistral sur l’alchi- mie où est exposée une théorie, où sont définis les termes, clas- 1 W. Newman, The Summa Perfectionis of Pseudo-Geber (Leyde, 1991). étude d’un texte alchimique du xive siècle 163 sés les métaux et les opérations alchimiques, décrits des appa- reils, glosés des recettes ; cela, sans que le procès alchimique y soit détaillé étape par étape. Avec le Rosarius, nous disposons d’un authentique outil de travail, d’un texte organisé, autant pratique que théorique, ayant la prétention de nous livrer selon l’ordre des opérations la clé de l’alchimie et qui se termine comme un livre de distillation à caractère médical. Ainsi, dans le prœmium, dans son intitulé même, il est présenté comme “livre abrégé, approuvé, très vrai, trésor des trésors”, ce qui semble indiquer la recherche et l’établissement d’auctoritates alchimi- ques de façon à non seulement donner à lire un procédé, une technique particulière de la transmutation, mais aussi à compo- ser comme le rappelle M.-D. Chenu “un corps doctrinal digne de devenir classique”2. Dans cette étude allant du XIVe siècle au XVIIe siècle, après avoir livré une description (lacunaire) de la tradition manus- crite, puis imprimée, après avoir évoqué la fortune de ce texte, abordé la question de sa réception dans certaines œuvres de la Renaissance, nous traiterons plus en détail celle des sources et, liée à cette dernière, la question de la doctrine alchimique que le Rosarius défend ainsi que de son rapport à la médecine. Mais avant tout, il convient de résoudre l’épineuse question de son attribution au médecin catalan Arnaud de Villeneuve (Arnau de Vilanova) et de sa datation. Attributions et datation • Le manuscrit de Palerme Nous appelons manuscrit de Palerme ou codex Speciale (Pa- lerme, Biblioteca communale, 4° Qq A 10)3 ce recueil du milieu du XIVe siècle contenant une des plus importantes collections de textes alchimiques du moyen âge. L’importance des traités 2 M.-D. Chenu, La Théologie au Douzième siècle (Paris, 1976), 352. 3 I. Carini, Sulle scienze occulte nel medio evo (Palerme, 1872 ; reprint, Bologne, 1983). Pour une description plus moderne de ce manuscrit, voir Diego Ciccarelli, Palermo, Biblioteca communale, dans Catalogo di Manoscritti filosofici nelle Biblioteche italiane, vol. 7 : Novara, Palermo, Pavia (Florence, 1993), 97-105. Pour la datation de 1323, voir S. Harrison Thomson, “The Texts of Michael Scot’s Ars alchemiæ”, Osiris, V (1938), 523-559, ici 524. 164 antoine calvet retenus et son ancienneté en font un témoin capital de la diffu- sion de l’alchimie à cette époque. De plus, le manuscrit de Pa- lerme transmet une liste de livres alchimiques4 appartenant à un frère de Bologne, dénommé Dominique (frater Dominicus monacus monasterii sancti Proculi de Bononia), peut-être celui-là même qui composa le recueil, du moins sa deuxième partie5. Parmi les textes appartenant au corpus alchimique attribué à Arnaud de Villeneuve, dans sa liste frère Dominique n’impute à ce dernier, en toutes lettres, que le Defloratio philosophorum dont, par ailleurs, il donne une transcription plus loin. Les autres traités qui par la suite seront donnés d’Arnaud de Villeneuve mais qui ici restent anonymes ou connaissent des attributions divergentes, ces traités sont les Flos florum, Speculum alchimiæ, Novum Testamentum, Luci- darium. Le Rosarius n’est jamais cité dans la liste du frère Domi- nique ou encore transcrit. Si l’on s’en tient à l’hypothèse d’une bibliothèque alchimique réunie par ce dernier se composant de témoins manuscrits écrits vers le début du XIVe siècle, ce que laisse supposer l’écriture du manuscrit datable entre 1323 et 1350, son absence dans la liste confirme une publication du traité après le premier quart du XIVe siècle. Car il semble cu- rieux qu’un amateur aussi éclairé que le frère Dominique l’ait ignoré, d’autant que le manuscrit de Palerme transmet certaines des sources parmi les plus importantes du Rosarius, comme la Summa perfectionis magisterii du pseudo-Geber. Un tel témoignage, même négatif, nous incite donc à choisir une date de confection dont la terminus ad quem serait la mort de Robert de Naples (1343), puisque nous posons comme probable l’hypothèse d’une commande de ce roi à un frère alchimiste de son royaume6, et dont le terminus a quo ne saurait être antérieur à 1323, le terminus a quo du manuscrit de Palerme. 4 Carini, Scienze, 175-179 ; S. Harrison Thomson, “Texts”, 525-528. 5 Si Carini estime qu’il a été composé par une seule main, pour A. Colinet, laquelle a consacré une étude à ce petit parchemin (« format missel »), le manus- crit comporte deux écritures principales, l’une de la fin du XIIIe siècle ayant noté les textes arabo-latins et quelques textes latins (Semita recta, Summa perfectionis), l’autre après 1325. Nous tenons à remercier, ici, Mme A. Colinet de nous avoir envoyé une copie de son étude à ce jour inédite : “Le manuscrit alchimique latin de Palerme, Biblioteca Communale, 4° Qq A 10. Description et notes de travail”. 6 Cf. infra. étude d’un texte alchimique du xive siècle 165 • Attribution à Arnaud de Villeneuve Comme par ailleurs l’ensemble du corpus alchimique qui lui est attribué, il nous semble assuré que le Rosarius est étranger à la production intellectuelle d’Arnaud de Villeneuve. De plus il n’apparaît pas dans le corpus avant les années 1360 et suivantes, alors même que des textes alchimiques attribués au médecin catalan circulent dès les premières décades du XIVe siècle (le Defloratio dans le manuscrit de Palerme par exemple). Notre hypothèse est donc la suivante : entre 1323 et 1340, un Franciscain entreprend de réunir dans un rosaire7 les plus ré- centes théories sur l’alchimie l’organisant en se conformant à l’ordre de progression de l’œuvre elle-même. Cette entreprise l’obligea très certainement à consulter des recueils alchimiques récemment conçus et disponibles là où ils se trouvaient ; elle n’aurait pu aboutir sans l’aide d’un puissant mécène : le roi Robert de Naples auquel l’ouvrage, une fois terminé, est dédié8. Les rares témoignages de la circulation du Rosarius au XIVe siècle confirme quelque peu notre hypothèse. • Témoignages de la tradition indirecte : Sédacer, Roquetaillade, pseudo- Lulle, Bernardus Avant 1350, il n’existe aucune trace attestée du Rosarius. Certes, datant le Testamentum du pseudo-Lulle vers 1332, où est men- tionné le Rosarius associé à Arnaud de Villeneuve, quelques-uns ont cru y déceler l’indice d’une influence de l’un (le Rosarius) sur l’autre (le Testamentum) ; malheureusement, ainsi que le dé- montra M. Pereira9, cette citation du Rosarius dans le Testamentum n’est qu’une glose du XIVe siècle, d’origine inconnue, insérée par la suite dans le corps du texte. Cependant, on ne peut non plus nier les rapports qui unissent les deux textes et si rien n’est 7 Le terme de rosaire (rosarius) appartient au champ lexical de flores, defloratio, lilium, etc. désignant un ouvrage sélectionnant les meilleures pages à retenir sur un sujet donné. J. Hamesse, “Le vocabulaire des florilèges médiévaux” dans O. Weijers, ed., Méthodes et instruments du travail intellectuel au moyen-âge. Études sur le vocabulaire (Turnhout, 1990), 209–230. 8 Cf. infra. 9 M. Pereira, “Arnaldo da Villanova e l’alchimia. Un’indagine preliminare” dans J. Perarnau, ed., Actes de la I trobada internacional d’estudis sobre Arnau de Vilanova (Barcelone, 1995 ), II, 165-171, ici 128. uploads/Histoire/ calvet-etude-d-x27-un-texte-alchimique-latin-du-xive-siecle-le-rosarius-philosophorum-attribue-au-medecin-arnaud-de-villeneuve-ob-1311.pdf

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  • Publié le Jul 04, 2021
  • Catégorie History / Histoire
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