Revue belge de philologie et d'histoire Autour de la bulle Unigenitus ; Le Card

Revue belge de philologie et d'histoire Autour de la bulle Unigenitus ; Le Cardinal d'Alsace (1679-1759) Lucien Ceyssens Citer ce document / Cite this document : Ceyssens Lucien. Autour de la bulle Unigenitus ; Le Cardinal d'Alsace (1679-1759). In: Revue belge de philologie et d'histoire, tome 66, fasc. 4, 1988. Histoire - Geschiedenis. pp. 792-828; doi : https://doi.org/10.3406/rbph.1988.3648 https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1988_num_66_4_3648 Fichier pdf généré le 16/04/2018 Autour de la bulle Unigenitus ; Le Cardinal d'Alsace (1679-1759) Lucien Ceyssens Notre série d'études «Autour de l'Unigenitus» a déjà mis en scène plusieurs personnages qui jouèrent un rôle dans cette affaire ou qui, d'une manière ou d'une autre, y furent mêlés. Nous devons y ajouter le cardinal d'Alsace ('), archevêque de Malines, mais en le rangeant dans une nouvelle catégorie : ceux qui ont profité de ce document romain pour se grandir et même pour décrocher le chapeau rouge ; c'est par là que d'Alsace rejoint, entre autres, les cardinaux français Bissy, Gesvres, Dubois, Mailly, Tencin et Fleury. Nous n'allons pas évoquer toute la carrière de ce grand homme d'Église, ni même toute son action antijanséniste, assurément tenace et efficace. Nous nous en tiendrons à son zèle pour la bulle, dont l'origine est à chercher dès sa jeunesse. Jeunesse Thomas Philippe, le futur archevêque de Malines, appartenait à la famille des Henin Liétard, qui était divisée en plusieurs branches. Celle des barons de Pousseux se nomma plus tard, apparemment sans droit, d'Alsace et compta ainsi des marquis (1) Voir sur d'Alsace : Louis Moreri, Le grand dictionnaire historique. Paris, 1759, t. V, pp. 582-583 ; Biographie nationale ... de Belgique, t. IX, col. 85-93 ; Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastiques, II, col. 770-772 ; Nationaal biographisch woordenboek, t. VII, col. 28-34 ; [Gabriel du Pac de Bellegarde], Mémoires historiques sur l'affaire de la bulle Unigenitus dans les Pays-Bas autrichiens. Bruxelles, 1755, 4 vol. in- 12° ; Pierre Claessens, Histoire des archevêques de Malines. Louvain, 1881, t. II, pp. 65-121 ; Louis Jadin, Le cardinal Thomas-Philippe d'Alsace, archevêque de Malines et le Saint-Siège. Correspondance tirée des archives du Vatican, 1703-1759, Bibliothèque de l'Institut historique belge de Rome, t. VI, Bruxelles, 1953 [Nous citons : Jadin] ; Id., Relations des Pays-Bas ... avec le Saint-Siège d'après les «Lettere di Vescovi». Bruxelles, 1952 [Nous citons : Jadin, Lettere vescovi] -, Id., Relations des Pays-Bas ... avec le Saint-Siège, d'après les «Lettere di particolari». Bruxelles, 1961 [Nous citons : Jadin, Lettere particolari] ; Charles De Clercq, Cinq archevêques de Malines. Paris, 1974, t. I, pp. 157-338 [Nous citons : De Clercq, Cinq] ; Id., Vier reeksen onuitgegeven brieven van Thomas-Philippus d'Alsace, aartsbisschop van Mechelen, dans Handelingen van de koninklijke kring voor oudheidkunde, letteren en kunst van Mechelen, 75 (1971), pp. 87-160 ; Detlev Schwennicke, Europäische Stammtafeln, t. VI, Marburg, 1978. AUTOUR DE LA BULLE UNIGENITUS 793 ou comtes d'Alsace. La branche des Boussu (2), où l'on portait, depuis 1555, le titre de comte, s'était très répandue en France et avait des liens avec de hautes familles, par exemple les de Croy. Thomas-Eugène de Hennin, comte de Boussu, grand-père de notre Thomas, ancien chanoine de Gand (3), avait épousé Anne Charlotte de Croy de Chimay et d'Arenberg. Philippe-Louis, comte de Boussu, père de notre Thomas, avait épousé Louise Verreycken, fille unique du baron d'Impden, sous Wolvertem, près de Bruxelles. C'est ainsi que, ondoyé le 13 novembre 1679 à l'église Notre-Dame de la Chapelle à Bruxelles, Thomas reçut un mois plus tard le baptême rituel au château d'Impden (4). Son père fit-il plus qu'administrer ses biens ? Fut-il un gestionnaire heureux ? En tout cas, dans cette famille des Boussu — comme dans tant d'autres — les grosses dettes ne manquaient pas (5), ce qui d'ailleurs n'était pas étonnant en ces temps de guerres continuelles. En 1686, son père devint l'heureux héritier des princes de Chimay, de Croy et d'Arenberg, mais cette haute famille était également grevée de dettes (6), même au point que le légataire n'accepta l'héritage que sous bénéfice d'inventaire. Entretemps, il porta déjà le titre de comte de Beaumont et de Prince (Sancti Romani Imperii) de Chimay et, le premier de sa branche, abandonna le nom originaire de Henin Liétard pour adopter celui d'Alsace C)· H mourut deux ans plus tard, sans avoir accompli le relief et laissa par testament tous ses biens (du côté Boussu et Chimay) à son fils aîné, un garçon de neuf ans, Charles-Louis, sous condition qu'il payât annuellement une pension de 600 florins à ses nombreux frères et sœurs. Le jeune héritier ne fera le relief que dix ans plus tard. Ainsi, au milieu des riches possessions familiales, mais sans argent, la veuve, avec ses huit enfants, vivait à l'étroit (8). D'après la coutume des grandes familles, elle (2) Comme l'histoire de cette famille est compliquée, je me permets de citer : Th. Bernier, Histoire de la ville de Beaumont. Mons, 1880 (réimpr. Bruxelles, 1982) ; C. Constant et P. Moreau, Chimay et sa principauté, dans Presgaux, cercle d'histoire, 18 (1985), pp. 1-40 ; La principauté de Chimay (1486-1986). Bruxelles, 1986, ouvrage de salon, où Henri Dessert consacre une étude historique à Charles de Croy, premier prince de Chimay (pp. 103-120). (3) [E. A. Hellin] Histoire chronologique des évêques et du chapitre exempt de ... Saint-Bavon. 2 vol., Gand, 1772 ; au 1. 1, pp. 369-370. Faute de payer la pension convenue à son prédécesseur, Eugène de Hennin, devenu chanoine de la sixième prébende libre, ne resta qu'un an dans la jouissance de son bénéfice. (4) De Clercq, Cinq, I, 159 ; Jadin, 12 ; Id., Procès d'information pour la nomination des évêques ... des Pays-Bas, dans Bulletin de l'Institut Historique Belge de Rome, 9 (1929), p. 12. (5) Ces dettes joueront continuellement un rôle dans la vie de Thomas. (6) Sur les dettes de cette famille, on trouvera quelques renseignements étonnants dans M. Gachard, Recherches historiques sur les princes de Chimay et les comtes de Beaumont, dans Études et notices historiques concernant l'histoire des Pays-Bas. Bruxelles, 1890, III, pp. 467-610. Par exemple en 1706, Philippe d'Orléans, le futur régent, exigea judiciairement du frère aîné de Thomas la somme énorme de 3.717.719 livres, 19 sols ; ibid, p. 531. (7) Schwennicke, Europäische Stammtafeln, table 109. (8) Schwennicke, table 108, mentionne: Charles-Louis (1674-1740) ; Marguerite-Thé- 794 L. CEYSSENS destinait son second fils, Thomas, à l'Église et, pour le faire réussir, elle eut la sagesse de le confier aux disciples de Saint-Ignace, qui de fait le protégeront pendant toute sa vie, comme soixante ans plus tôt, ils avaient patronné Humbert de Précipiano qui, devenu archevêque de Malines, leur rendait à cent pour cent leurs investissements. C'est vers 1690 (9) que Thomas commence ses études secondaires dans le grand collège des Jésuites de Bruxelles. Il y est entouré de soins spéciaux, tout particulièrement de la part d'un eminent professeur, Alphonse de Huylenbroucq (10), qui l'accompagnera presque durant toute sa vie et qui sera un véhément antijanséniste, zélateur de la bulle Unigenitus. C'est aussi en 1690 que, pour pourvoir à sa subsistance, Précipiano confère à l'élève de 1 1 ans (avec dispense quant à l'âge) la tonsure qui le rend capable de bénéfices ecclésiastiques (u). Déjà, pendant son séjour au collège de Bruxelles, par ses contacts avec ses maîtres, le futur prélat peut apprendre beaucoup sur le fameux hérésiarque Jansénius, si funeste à l'Église et à l'État, dont les cinq propositions, résumant sa doctrine, ont été condamnées à Rome ; quoiqu'en disent ses disciples, ses ennemis les trouvent réellement présentes dans son livre ! Le pape Alexandre VII l'a «défini», infailliblement ; il a même prescrit pour la France un formulaire qui exige un acte de foi sur «ce fait» (la présence des cinq propositions dans le livre en question). Ce formulaire, Précipiano l'a introduit en Belgique après l'avoir corsé de précisions qui causent les plus graves difficultés, même à Rome. Là, se laissant séduire par les jansénistes, Innocent XII a donné en 1694 un bref très favorable à l'interprétation janséniste du formulaire, lequel perd par là son importance. Les antijansénistes, sous l'impulsion de Précipiano et de son ami Thyrse Gonzalez, général des jésuites, et sous la conduite du P. François de la Chaize, entreprennent une guerre sainte, qui va conduire à la bulle Unigenitus (12). En effet, Précipiano est à l'origine de grandes choses. À son successeur de parfaire son œuvre et de mettre un terme définitif au jansénisme, ce grand mal, qui menaçait de s'étendre. rèse (f 1693); Marie-Thérèse, religieuse à Paris; Thomas-Philippe, archevêque; Alexandre-Gabriel (1681-1745); François (f 1698); Joseph (f 1714); Anne-Ernestine (1678- 1754). (9) Au procès informatif, le P. Huylenbroucq (cf. infra) atteste de connaître Thomas depuis 1690 ; Jadin, Procès, p. 12. (10) Pour une première prise de connaissance, Biographie nationale ... de Belgique, IX, col. 749-752. (11) Jadin, Procès informatif, p. 13. (12) J'ai développé un peu ce fait important, dans L. Ceyssens et J. A. G. Tans, Autour de la bulle Unigenitus. Recherches sur la genèse de la constitution. Louvain, 1987, pp. 406- 407. C'est ainsi que l 'antijansénisme uploads/Histoire/ autour-de-la-bulle-unigenitus-le-cardinal-d-x27-alsace.pdf

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  • Publié le Aoû 23, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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