“ Ainsi Va l'homme “ Volontaire Français contre les Serbes Par Marc Charuel et
“ Ainsi Va l'homme “ Volontaire Français contre les Serbes Par Marc Charuel et Gaston Besson « Quel que soit l'accueil qui nous attend à notre retour, n'oublions jamais que nous sommes aussi les survivants d'un enfer où des hommes acceptèrent de mourir pour effacer le scandale 1 de ceux qui se contentent de vivre.» Révèrent Père Stihle, “ Le prêtre et le commissaire" - Convoi 42 – «J’ai vécu des printemps fabuleux en hiver pendant que le vulgaire etait tout emmoufle » Léo Ferre Avertissement Par Marc Charuel La guerre en ex-Yougoslavie était-elle différente d’une autre ? Sans doute pas. C’était la guerre, seulement la guerre. Avec son cortège de tortures, de déportations, d'humiliations, de viols, et d'assassinats. Mais une guerre à une heure d’avion de Paris, une guerre européenne. De 1991 à 1995 C’est ce qui la rendait insupportable à ceux qui, comme Gaston Besson, ont tenté de ressusciter l’expérience des “ Brigades Internationales “. J'ai connu Gaston Besson en 1988, dans les studios d’une société de production vidéo. Je rentrais d’une guerre, il en revenait d’une autre, avec un excellent reportage sur la prise par des rebelles inconnus du grand public d’un 2 piton sans importance, perdu au fond d’une jungle sans nom. Après six années d'errance d'un front à l’autre à faire des guerres perdues d'avance, il avait décidé de ne plus toucher une arme, de changer de " métier ", et de tourner le dos à cette vie d’aventures sans lendemain pour redevenir "comme tout le monde ". Lorsque je suis parti, au cours de l’hiver 1991, couvrir les évènements de Croatie, il m’a demandé de l’emmener. Je ne savais pas qu’il reprendrait les armes. La guerre est une obsession pour certaines âmes. Malgré tout le dégoût qu’elle leur inspire, elles y reviennent toujours d’une manière ou d’une autre. Après deux ans passés au milieu des plus sanglants combats de Croatie et de Bosnie, Gaston est rentré à Paris. De nos conversations est né ce livre dont il est devenu le personnage central. L’expérience de ses camarades en a aussi nourri le récit. L’expérience de toutes leurs guerres. C’est ce qui fait de son témoignage une radioscopie abrupte et sans fard de la guerre et des guerriers qui n’apparaîtra jamais romanesque que dans les romans, alors qu’elle est aberration et inconnu, et devrait faire réfléchir les nations encore en paix sur la gravité des mots tel que "devoir d’ingérence " ou " faire la guerre à la guerre "… Une vision terre-à-terre et brutale sur la réalité des combats qui nous rappelle également « qu'à la guerre «, les premières victimes sont avant tout les combattants ». Introduction Extraits de “ C.X “ 3 Roman par Patrick Renaudot Edition du Rocher 1998 “ Une nuit d’octobre 1993 nous rentrions au Marais, sortant d’une soirée littéraire, quand une voiture lancée à vive allure nous coupa la route à hauteur de l’Hôtel de Ville, rue de Rivoli. Je crus ma dernière heure venue. Après le choc, il y eut un instant de silence. L'agresseur ne bougeait plus. Son moteur semblait rentré dans l’habitacle. De mon côté, par chance, plus de peur que de mal. De la tôle enfoncée certes, aile, phare, portière droite, mais les organes vitaux étaient intacts. Patrick, sonné, se palpa et, ne se trouvant rien de cassé, sortit respirer. Le conducteur de l’auto-tamponneuse s’était extirpé avec difficulté de son véhicule. Il était indemne mais chancelant. Son passager, un jeune homme, était évanoui, en sang, l’arcade sourcilière ouverte, la lèvre fendue. Une ambulance fut bientôt sur les lieux. On était à quelques centaines de mètres de l’Hôtel-dieu. Tandis que le blessé était conduit à l’hospital, je fus prise en remorque. Le lendemain Patrick passa me voir, parut rassuré et alla prendre des nouvelles de l’accidenté. Il était conscient, très pâle." C’est trop bête " répétait-il. Au-delà des plaies superficielles, il avait un genou brisé et souffrait beaucoup. « C’est peut-être ma chance », dit-il à Patrick interdit. « Je m’appelle Gaston » ajouta-t-il comme si cette précision éclairait le propos. « J’habite à côté, je reviendrai vous voir.» 4 Croisant sa mère dans le couloir, Patrick se renseigna: gaston, engagé volontaire dans l’armée croate, arrivait de Bosnie où il s’était battu à la tête d'une brigade internationale, contre les Serbes. En permission pour dix jours à Paris, il avait fallu un banal accident de voiture pour l'arrêter dans sa course. Patrick retourna à l’Hôtel-dieu. Dès que le jeune homme fut un peu mieux, il entreprit de l’interroger sur sa vie. Il n'en reçut que des réponses évasives. Elles lui permirent néanmoins de se convaincre que gaston ne s’était embarqué dans cette histoire ni pour des raisons idéologiques ni par intérêt. Etait- ce, bêtement, par goût de la mort ? Ou encore cherchait-il à fuir quelqu'un ? A se fuir lui- même ? Etait-il à la recherche d'un destin ? -Quel âge avez-vous ? -Vingt-sept ans. -Vous pourriez être mon fils … Ce garçon taciturne, aux cheveux presque gris, à l’œil noir, qui avait déjà une vie d'homme de guerre et plusieurs révolutions derrière lui, plut à Patrick. Les rapprochaient une commune ascendance bourguignonne, une enfance marquée par des pères destructeurs, une marginalité revendiquée. Mais Patrick, qui avait beaucoup joué à se perdre, était tombé dans le piège de l’amour en rencontrant Florence, tandis que gaston était allé au-delà de ses propres limites, à l’extrême. Il avait " franchi le mur", comme Arthur Rimbaud. Heureusement pour lui, l’Hôtel- dieu de Paris n’était pas l’hôpital de la Conception à Marseille et une fracture du genou, si invalidante fût-elle, n’était pas la 5 gangrène cancéreuse. « Je ne vais pas m’attacher à lui », songeait Patrick, « un jour il repartira pour je ne sais quelle guerre ou révolution et se fera tuer pour de bon » Dès ce moment, il devint un familier de la maison et s'y installa même dans un petit studio. “ Que faire ? Se demandait il. Je ne vais pas devenir un ancien combattant ? Patrick était troublé par le personnage, sa lucidité, son intelligence, son sentiment désespéré d’être sur un chemin sans retour. Il entreprit de lui redonner confiance, de lui ouvrir d’autres perspectives que celles d’une catastrophe finale à laquelle le jeune homme aspirait peut-être. Peu à peu, gaston réapprenait à vivre et même à rire. Il faisait visiter son Paris à Patrick. C’était un parcours jalonné de bars. Je faisais partie de ces virées. Gaston m’appelait “ la vieille “. Un soir qu’ils avaient bu de concert, mélangeant hardiment vin français, bière allemande et whisky irlandais, refaisant le monde comme Gabin et Belmondo dans " Un singe en hiver " Patrick se déclara incapable de conduire. Gaston s’installa au Volant. -Comment ça marche ? -Tu ne sais pas ? -Si, mais j’ai une jambe raide. -Ca ira : il n’y a que deux pédales, frein et accélérateur. -C’est à dire… Je n'ai conduit que des chars d'assaut… Je soupirai, prête à toutes les violences, mais gaston se révéla assez doué pour nous ramener sans incident dans le Marais où la fête, une fête triste où chacun courait après son double, 6 se prolongeait jusqu'au passage des premières bennes à ordures municipales. De jour en jour, au fil de notre cohabitation, il m’était devenu plus précieux. De nous deux, en fait, c’était lui l’aîné. Il mettait mon idéalisme mal soigné en charpie. De mes songeries, il faisait de la poudre de perlimpinpin. Il y a des choses qu’il sent, peut être parce que comme le mien, son père a radicalement nié son existence en se suicidant, quand il n’avait pas encore douze ans. Il y a une partie de nous qui ferait sauter l’humanité en signe de protestation contre cet abandon et une autre qui supprimerait toutes les portes pour ne laisser personne à l’extérieur. Je ne lui donnais que ce que j’avais à prodiguer : de la tendresse. Pour tout le monde, gaston était “ Le mercenaire “ ou “ l’aventurier “. Sa vie témoignait d’une recherche qui allait au-delà des définitions toutes faites et dont le conflit yougoslave n’était qu’un épisode, le dernier en date. A vingt-sept ans il semblait avoir fait le tour de la condition humaine. Sa quête d’absolu se transformerait-elle un jour en ce « dur désir de durer » dont parle Eluard ? Patrick le souhaitait parce qu’il aimait Gaston. Il aurait voulu le savoir heureux, réconcilié avec lui-même ; il n’était pas certain que gaston y parvienne un jour. 1 7 “ Le syndrome de Vukovar « Je me croyais vivant, j'étais mort. Tout : l'odeur, la couleur, la forme des morts, était en moi. Les morts allongés sagement sur le bord des routes, alignés comme des quilles en bordure des villages ; les morts coincés sous les éboulis des tranchés… Il y en avait trop. Ces colonnes interminables de réfugiés n'avaient jamais que les mêmes histoires à nous servir. Elles charriaient la mort. Et nous devions encore et encore écouter avant de uploads/Histoire/ ainsi-va-l-x27-homme.pdf
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- Publié le Jan 15, 2021
- Catégorie History / Histoire
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