Avertissement Ce modeste écrit ne prétend pas être un article « scientifique ».

Avertissement Ce modeste écrit ne prétend pas être un article « scientifique ». Selon l’état actuel des connaissances et des hypothèses plausibles concernant le sujet, il essaie seulement d’évoquer le rôle essentiel qu’a joué notre site de Villejoubert dans l’histoire du peuple lémovice, ainsi que le destin de Sedullus1, son chef, mort à Alésia pour la liberté de la Gaule. Il invite les habitants de Saint-Denis à oublier le roulement des voitures et des camions sur la N.141 ou la D. 979, et à se reporter en l’an 52 avant notre ère, lorsque notre campagne a résonné du bruit que faisait la cavalerie des Lémovices partis rejoindre l’armée de Vercingétorix en lutte contre les légions de César. Saint-Denis des Murs, « capitale » du Limousin ! Les « murs » de Saint-Denis sont, bien sûr, les remparts disparus de « l’oppidum2 de Villejoubert », enceinte gauloise fortifiée ; ils furent démantelés et réutilisés pour les demeures et les bâtiments agricoles de notre commune, tout au long des siècles. Les vestiges en sont donc maintenant dérisoires. Le site était imprenable, avec ses pentes bien raides (les deux rivières coulent environ 80 mètres plus bas et se rapprochent brusquement, au pied d’un éperon impressionnant) et son murus gallicus, son mur gaulois, ouvrage constitué d’un réseau de poutres clouées entre elles et comblé par des entassements de pierres sèches. Tracé présumé des remparts (Ian B.M. Ralston, « Les enceintes fortifiées du Limousin », 1992 ; d’après un plan de J.M. Desbordes, 1985). Sur la notion de murus gallicus, voir par exemple J.M. Desbordes et alii, in « Travaux d’archéologie limousine », 1986 ; voir aussi J. Perrier et M.Tandeau de Marsac, à propos du «petit rempart », in « Travaux d’archéologie limousine », 1984. Ce mur signe l’édification d’une fortification majeure, d’autant plus qu’il s’agit là du plus grand ouvrage de ce type dans toute la Gaule, et même l’un des plus vastes retranchements du monde 1 « Sedullus » pour César ; ou « Sedullos » en graphie gauloise. On peut aussi trouver la forme « Sedullix » 2 C’est le terme qu’a utilisé César lui-même pour désigner les établissements gaulois, avec rempart et soutènement. Quant au mot « mur », on le retrouve dans de nombreux noms de lieux d’étymologie latine, désignant des camps et des retranchements d’avant la conquête romaine. Il ne s’agit alors pas du tout de « camps de César », appellation très répandue mais totalement fantaisiste ! celtique tout entier ! Il couvre plus de dix fois la surface moyenne des habitats fortifiés de la région : environ 300 hectares (à titre de comparaison, le site d’Alésia n’est que de 97 hectares). Il occupe un plateau d’interfluve, une sorte de presqu’île, entre Vienne et Maulde, jusqu’à leur confluence (longueur maximum : près de 4 kilomètres, largeur moyenne : 600 mètres ; entre 300 et 373 mètres d’altitude). Vers l’est, la vue s’étend jusqu’au plateau de Millevaches et aux Monédières, l’origine des deux rivières qui entourent l’enceinte : quel site stratégique ! Maintenant se dresse ici le château du Muraud. Maintenant, ici, passe la D 231 . L’éperon rocheux, à l’avant du site. Dessin de Florence Chaigneau L’oppidum de Villejoubert semble être, selon un schéma d’organisation hiérarchique bien représenté dans la moitié sud de la Gaule, un chef-lieu dominant d’autres emplacements fortifiés plus modestes, dispersés dans tout le Limousin. Il occupe exactement le centre géographique de l’espace lémovice. Il semble donc en avoir été la métropole, le centre politique, agricole, artisanal et commercial : L’Oppidum de Villejoubert, au centre exact de l’espace lémovice (J.M. Desbordes et J.P. Loustaud, « Limoges antique », 1991) Place forte non urbanisée, l’oppidum était conçu pour offrir un éventuel refuge aux habitants dispersés dans les fermes de la campagne environnante : en cas d’attaque, les paysans pouvaient s’y replier avec famille et bétail ; la population était alors en mesure de soutenir un très long siège, en disposant de toutes les ressources naturelles du plateau. Admirez le murus gallicus, que César lui-même trouvait à la fois tellement efficace et si agréable à l’œil. Et c’était un connaisseur ! (Guerre des Gaules, VII, 23) Vue de l’intérieur de l’oppidum Dessin de Florence Chaigneau Site potentiellement défensif, l’oppidum était de façon plus habituelle un lieu de commerce, de rencontre et jouait un rôle d’étape : il était traversé de bout en bout par une « pouge », c’est-à- dire un très ancien itinéraire de long parcours, bien antérieur à la conquête romaine, évidemment. Une pouge passait par une ligne de crête, évitant ainsi les fonds de vallées humides qui auraient nécessité de constants travaux de restauration. Tracé de pouge sur notre site, Cf. J.M. Desbordes («Travaux d’archéologie limousine», 1990). En grisé, l’oppidum. Légende : C, château médiéval. E, enclos fossoyé. P, Prieuré. Ng-r, Nécropole gallo-romaine. Toutes ces structures archéologiques permettent de situer un ancien itinéraire et de préciser la datation de son usage. Lieu de passage majeur, le plateau devait donc contrôler un trafic considérable : il pouvait accueillir des artisans, des commerçants locaux ou étrangers qui circulaient dans toute la Gaule, des négociants en vin, notamment. Il ne faut pas oublier que les divers peuples gaulois étaient en contact permanent avec l’Italie et les peuples méditerranéens ; ne pas oublier non plus que les Lémovices exploitaient à cette époque la plus grosse concentration de mines d’or de toute la Gaule. Ils n’utilisaient que très peu de ce minerai pour leurs monnaies et leurs bijoux, préférant l’exporter vers d’autres contrées, en échange de biens beaucoup plus précieux à leurs yeux. Il n’est pas exclu que nos chemins et notre « pouge » aient vu transiter de belles quantités d’or venant de Saint-Yrieix ou de Beaune-les-Mines, des Monts d’Ambazac ou de Blond. Et si l’oppidum avait été attaqué ? « Histoire des Français » (La vie privée des hommes), Hachette Jeunesse, 1983. Site d’ampleur tout fait exceptionnelle, lieu naturel superbe, habité au moins depuis le second âge du fer (fin du 2e siècle avant notre ère), voilà les atouts de notre oppidum. Mais … mais … voilà que s’annonce le début des troubles qui aboutiront à la fin de l’indépendance gauloise ; la plupart des remparts paraissent d’ailleurs n’avoir été édifiés de façon solide qu’entre 57 et 51 av. J.C. … pendant la Guerre des Gaules. Or, quand la conquête fut achevée, elle entraîna un bouleversement radical dans l’organisation de l’espace ; et il est naturel que ce site fortifié mal adapté à la Pax romana, la paix romaine, situé en outre sur un promontoire peu accessible, ait été abandonné au profit de la fondation augustéenne3 d’Augustoritum, entre 20 et 10 avant J.C., sur un site qui convenait davantage à la conception romaine des villes nouvelles : un gué, un grand espace peu accidenté, dénué d’immenses et encombrantes forêts4, bref un endroit privilégié pour y construire, au croisement avec l’axe unissant Bourges et Toulouse, la voie stratégique entre Lyon et Saintes, entre les Alpes et l’Océan. Les chemins et « pouges » séculaires, même si ces passages ont continué à être empruntés par la population, se sont inclinés devant les larges « autoroutes » romaines ! Après la Guerre des Gaules, le site semble donc se réduire à un ensemble villageois dont la vocation est redevenue uniquement agricole, à l’écart de tout pouvoir. On l’a appelé « Villejoubert5 » et, peu à peu, il est tombé dans l’oubli. D’autant plus que nul fait d’armes, nulle bataille célèbre ne sont venus s’inscrire dans l’Histoire et donc dans les mémoires, contrairement à Gergovie ou à Alésia ! L’oppidum n’a pas été un lieu d’affrontement avec les légions de Jules César : aucun champ de bataille en Limousin pendant la Guerre des Gaules ; César ne se préoccupe pas de conquérir l’espace limousin. 3 C’est Agrippa, exact contemporain de l’empereur Auguste, son fidèle ami et conseiller, qui a donné ce nom à la nouvelle cité, devenue ultérieurement Limoges. Il était administrateur en Gaule et y organisa le réseau routier. C’est également lui qui fit exécuter le Pont du Gard. 4 Les voies romaines ne s’enfonçaient jamais dans les forêts, elles les longeaient à distance : gare aux embuscades ! 5 Villejoubert, nom de composition latino-franque = villa, en latin « grande exploitation agricole » et Joubert, nom de personne d’origine franque, sans doute le patronyme de l’un des propriétaires. Les graphies villa Gauzberti ou Gausberti, de Gausbehrt, Gausbert, Gaubert se rencontrent au fil du temps (Cf. Albert Dauzat, « Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France ».) Tout au plus trouve-t-on signalé le cantonnement, en 51 avant J.C., de deux de ses légions sur nos frontières, « non loin des Arvernes »6 ; et donc … bien loin de Villejoubert ? Vraiment ? En fait, on ne peut rien assurer, car les localisations sont parfois, pour les chercheurs modernes, bien difficiles à appréhender et à vérifier. Voici par exemple le schéma (hérité des géographes grecs) que César pouvait avoir en tête, avant de partir en Gaule ! La uploads/Geographie/ villejoubert-en-st-denis-des-murs.pdf

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