Le Pays des sourds NICOLAS PHILIBERT COLLÈGE AU CINÉMA DOSSIER 227 Dossier inte

Le Pays des sourds NICOLAS PHILIBERT COLLÈGE AU CINÉMA DOSSIER 227 Dossier interactif SYNOPSIS En silence, quatre personnes debout face à des pupitres, répètent une partition tout en mouve- ments, à l’image d’un chef d’orchestre. Ils font un filage de leur pièce de théâtre. Un comédien confie la déception de n’être pas devenu acteur de ciné- ma. Puis, le spectateur est entraîné au cœur d’une classe. Ce sont des sourds profonds. Absorbé par cet univers, qui lui est le plus souvent méconnu, voire inconnu, le spectateur est immergé sans détour. Il suit durant une heure et demie, les efforts produits par cette classe, stimulée, soutenue et parfois vivement tancée par une enseignante et une éducatrice à l’Institut Saint-Jacques de Paris. Si la classe s’atèle à l’oralisation, elle incite aussi à la langue des signes pratiquée avec aisance par les enfants. Jean-Claude Poulain, à l’expressivité corporelle proche du cinéma muet lorsqu’il blague, y enseigne la LSF (langue des signes française) aux entendants. Il est un passeur entre ces deux mondes, et conjuguant intelligence et finesse, inculque une leçon de vie autant que cette langue. Petit à petit se dessine donc un pays où diverses personnes expriment tour à tour leur peur, leur stu- peur, leur plaisir et leur joie partagés. Puis durant quelques jours, et à la faveur d’un échange scolaire avec des jeunes sourds amé ricains, les frontières s’élargissent pour épouser celles d’un continent. L’histoire des sourds, d’hier et d’au jourd’hui, se devine, s’énonce ou se dénonce parfois. Elle expose cependant une autonomie croissante au sein d’un monde d’entendants au pouvoir sans fin comme l’illustre un jeune couple face à diverses contraintes communicationnelles. Qu’il s’agisse du travail, de leur mariage à la mairie puis à l’église ou lors d’une location d’un appartement pour s’y établir et accueil - lir leur premier enfant. Si rien ne semble simple, tout est pourtant possible. La classe fait des progrès récurrents et garantit ainsi sa nécessité, sa vitalité et sa finalité. Les récompenses de fin d’année obte- nues, l’avenir se profile plus serein pour celle-ci, et à laquelle le spectateur s’est attaché. Jean-Claude Poulain referme ce voyage au pays des sourds en signant le mot « Fin ». Les dossiers ainsi que des rubriques audiovisuelles sont disponibles sur le site internet : www.transmettrelecinema.com Base de données et lieu interactif, ce site, conçu avec le soutien du CNC, est un outil au service des actions pédagogiques, et de la diffu- sion d’une culture cinématographique destinée à un large public. Édité par le : Centre national du cinéma et de l’image animée. Conception graphique : Thierry Célestine – Tél. 01 46 82 96 29 Impression : I.M.E. BY ESTIMPRIM ZA de la Craye – 25 110 Autechaux Direction de la publication : Idoine production, 8 rue du faubourg Poissonnière – 75 010 Paris idoineproduction@gmail.com Achevé d’imprimer : septembre 2015 L’AVANT FILM L’affiche 1 Qui a vu, entendra Réalisateur & Genèse 2 Nicolas Philibert, filmeur sensible de l’altérité LE FILM Analyse du scénario 5 Une démarche cognitive Découpage séquentiel 7 Mise en scène & Signification 8 D’un langage à l’autre Analyse d’une séquence 12 Galerie de portraits de jeunes pousses en devenir Bande-son 14 Un monde de silence… plein de bruits AUTOUR DU FILM De la virtuosité de la LSF 15 Le théâtre signé 17 La surdité au cinéma 18 Bibliographie & Infos 20 L’AFFICHE Qui a vu, entendra 1 Ce qui appelle notre regard en premier lieu, c’est l’enfant au milieu de l’affiche. Vêtu de rouge, il se détache aisément de l’arrière-plan en bleu et blanc. Il est littéralement encadré comme un papillon devenu sujet d’étude. L’appel d’air est apporté par son regard rieur, tendu vers le hors-champ visuel et semblable à une invitation au voyage. Il s’agit de Florent, enfant volon- taire, et toujours à mi-chemin entre rires et larmes. Sensibilité communicative comme le suggère déjà son regard qui, s’il énonce d’abord la sortie du cadre, figure aussi le chemin à parcourir pour rejoindre cet ailleurs désigné avec intensité. Cependant, ses mains plaquées sur ses oreilles intriguent for- tement. Est-ce le signe d’un refus ou une incapacité à entendre ? Le titre en lettres capitales bleues, placé au-dessus de lui, ne laisse aucune place au doute. Il est bien question de surdité. Très sobre, à l’instar de l’affiche en son entier, le titre occupe tout le haut de l’espace ne cédant qu’un mince interstice pour indiquer en lettres noires le genre cinématographique (un film) et le nom de l’auteur (Nicolas Philibert). Le surlignage des lettres, à l’aide d’un fin trait noir, décline le motif du cadre présent, qui enserre l’enfant et l’homme. En effet, dans le bas de l’affiche, cinq images en format photomaton sont disposées. Un homme d’âge mûr est assis face caméra et signe le titre du film. Si les trois premiers photogrammes désignent « le pays », les deux derniers expriment la surdité d’une personne ; l’index tendu à la verticale part de l’oreille et rejoint en arc de cercle la bouche. Le cadre n’apparaît plus uniquement comme une exhortation à être attentif aux deux personnes présentes en dedans, il représente également un espace physique que la ges- tuelle du signeur circonscrit naturellement, ainsi qu’il désigne un continent à part entière. L’arrière-plan, jusqu’alors sommai- rement évoqué, prend enfin tout son sens. De fait, le caractère parcellaire et donc, non figuratif de l’image satellite, semble exprimer l’audition qui aurait été atteinte ou qui est absente depuis la naissance. On peut aussi comprendre ce fond visuel comme la conception d’une partie des entendants sur ce « pays ». Quelque chose d’inconnu, d’abstrait, jugé lacunaire et fragmenté. Dans un dernier temps, cet arrière-plan renvoie à l’idée d’un territoire habité par une communauté constituant une réalité, moins géographique que sociologique, et à laquelle appartiennent l’homme et l’enfant. Enfin, si le regard de ce dernier invite le spectateur à se préparer au voyage, il énonce sa primauté chez les sourds. Voir pour entendre. PISTES DE TRAVAIL • Analyser la posture de l’enfant. En quoi est-elle singulière ? Pourquoi se bouche-t-on les oreilles ? D’habitude, il s’agit d’atténuer un son désagréable. Ici, l’enfant sourit. Pourquoi ? • Les mains de l’enfant peuvent être associées à des écou- teurs. En quoi peut-on dire que ce sont ses mains qui lui permettent « d’entendre » ? • Faire deviner le titre du film en observant une à une les cinq vignettes. • Une analyse de l’arrière-plan permet de poser la question des frontières de ce « pays des sourds ». La langue des signes est-elle universelle ? Traverse-t-elle les pays sans distinctions ? L’AVANT FILM RÉALISATEUR GENÈSE Nicolas Philibert, filmeur sensible de l’altérité À bonne école Nicolas Philibert est né à Nancy en 1951 mais vit à Grenoble jusqu’à l’âge de ses vingt ans. Ses parents pour remédier au désert culturel de cette ville de province s’investissent dans la vie associative. Alors enseignant de philosophie en lycée, son père, passionné de théâtre et de cinéma, suivra avec un grand intérêt la « décentra- lisation théâtrale » d’après-guerre. Par la suite, devenu professeur en faculté, il mon- tera un ciné-club à Grenoble et sera l’un des premiers à donner un cours public d’art cinématographique, y analysant les œuvres de Bergman, Dreyer, Rossellini ou Antonioni. Quant à sa mère, militante dans divers groupes, la musique était son uni- vers de prédilection (chant et piano). Pourtant, le sérieux exigé par sa famille la mène à des études d’anglais, de théologie et d’infirmière, pour enfin faire carrière dans l’administration universitaire. Enfant, Nicolas Philibert était inquiet, complexé et s’ennuyait en classe, au point de changer d’école tous les ans en primaire. Seule la famille lui apporte du réconfort : « Nous étions quatre enfants, et j’étais porté par l’ambiance plutôt joyeuse et exubérante qui régnait à la maison. À table, les jeux de mots, les astuces fusaient dans tous les sens »1. S’imaginant tour à tour coureur cycliste, diplomate, archéologue puis alpiniste, le cinéaste s’inscrit en philosophie en 1970, sans que le désir de cinéma ne le quitte vraiment. Ayant découvert jeune, à l’aide d’un projecteur Pathé Baby, Charlot, Félix le chat ou des documentaires, le cinéma s’impose à lui à la fin de l’adolescence, bien qu’être cinéaste lui semble inac- cessible. Durant un stage d’études, Nicolas Philibert rencontre le cinéaste René Allio. Dans les pas d’un maître Devenu son assistant sur le tournage du film Les Camisards (1970), sa licence de philosophie en poche et à force de travail, il est successivement aide-machiniste, aide-accessoiriste, accessoiriste en titre et assistant-décorateur pour le film Rude journée pour la Reine (1973). De ses années d’assistanat (1970 à 1975), le cinéaste garde en mémoire les mots de Gilles Deleuze, à la base de la démarche d’Allio, soit que tout acte de création est d’abord un acte de résistance. Ne pas se préoccuper des courants, savoir rebondir quand le soutien financier fait défaut, rester fidèle à soi coûte que coûte. La Virée superbe de Gérard Vergez, Bertrand de Roussan et Régis Santon (1973), Le Milieu du monde de Alain uploads/Geographie/ pays-des-sourds-le-de-nicolas-philibert.pdf

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