Olivier Mathieu a été élu à l'Académie française, le 7 avril 2011, au trentième
Olivier Mathieu a été élu à l'Académie française, le 7 avril 2011, au trentième fauteuil laissé vacant par le décès de Maurice Druon. Discours de réception d'Olivier Mathieu, dit Robert Pioche (candidat depuis le 27 janvier 2011 à l'élection du 7 avril 2011 à l'Académie française), qui sera prononcé à Paris, le premier jour d'avril 2011, soit six jours avant cette élection. Par Olivier Mathieu. Nouvelle littéraire, mais aussi de réflexion théorique sur la morphologie, la syntaxe, la phonétique et la décadence françaises. Prologue en vers. Discours de réception d'Olivier Mathieu, en vers fleuris. Ce poème ludique compte environ deux cents alexandrins à rimes plates ou riches, presque toutes régulières, plus 14 octosyllabes empruntés à Charles Cros. Emprunt d'autant plus compréhensible que l’ascendance la plus remarquable de Maurice Druon fut bel et bien celle des Cros. Et puis, Maurice Druon était également, si je me souviens bien, l'arrière-arrière-petit fils d’Odorico Mendes, homme de lettres brésilien, élu au 17e fauteuil de l'Académie brésilienne des Lettres. Mendes est un nom typiquement portugais, bien qu'on le retrouve aussi en France (cf. Catulle Mendès, Pierre Mendès France, etc.). Dans le poème, ont été insérées des expressions (Tourbillons Légers, Rendez- vous aux Enfers, Tistou les Pouces Verts) qui sont des titres fameux d’œuvres. La première est une œuvre musicale du grand-père de la première femme de Maurice Druon, Louis Gregh, musicien « léger » et éditeur de musique, lequel ne signait pas (ou pas toujours) ses pièces de musique de son nom, semble-t-il, mais de pseudonymes. Quant à "la civilisation est d'abord un langage", l'expression est évidemment de Maurice Duon (discours de réception à l'Académie française, 1967). Ecoutons d'abord ce poème, que vous imaginerez donc clamé par Olivier Mathieu devant les membres - sagement assis pour l'écouter - d'une Académie française comble de visiteurs. La vie littéraire de Maurice Druon racontée en vers. Mesdames et Messieurs, la noble Académie D’Armand Jean du Plessis a, de ses voix, émis Le vœu de m’accueillir en votre confrérie Et d’honorer l’auteur qui fut longtemps marri D’un silence en écho pour toute éternité. En ce jour d'hui, merci, pour l’immortalité Que vous me conférez en m’offrant, respectable, Un large fauteuil en viager, à la table Des héros demi-dieux de la littérature Dont l’épée en airain tient vive la nature Anoblie et sacrée, en ses airs d’outre temps, De la pensée écrite et des valeurs d’antan (Lorsque, châtié ou cru, le langage, autrefois, Naissait du cœur du peuple et des hérauts, ma foi !) Des mots enfin des mots, échafaudés en somme Poète après poète, au fur des heurs des hommes ; Créés pour exprimer sensations, sentiments, Le malheur vérité et le bonheur qui ment. « La civilisation est d’abord un langage » Ai-je besoin de dire où j'ai trouvé l'adage ? Des mots vivants, des mots déments, mais parlons-en ! Évoquons qui n’est plus mais qui, en alezan, Caracolait parmi les vers d’un Charles Cros Au pays du Midi au milieu de la Crau, Car vous excuserez mon parti pris d’éloge De ce qui est, pour moi, balancier de l’horloge : Esprit de création, essence et vibrations D’un cœur en effusion d’enfant dont la mission S’impose à lui d’un brin de rêve et sans raison… Mais écoutons chanter l’ancêtre en son Coffret De Santal, mélopée au parfum encor frais : * Au plus grand nombre je déplais, Car je semble tombé des nues, Rêvant de terres inconnues D'où j'exile les gens trop laids. La tête au vent, je contemplais Le ciel, les bois, les splendeurs nues. Quelques rimes me sont venues. Public, prends-les ou laisse-les. Je les multiplie et les sème Pour que, par hasard, ceux que j'aime Puissent les trouver sous leurs pas. Quand ceux-là diront que j'existe, La foule, qui ne comprend pas, Paiera. C'est l'espoir de l'artiste. (en italiques, 14 octosyllabes empruntés à Charles Cros) * Et tout abasourdi par de si vrais propos, Notre Druon - car c’est bien lui - chercha repos Du côté du troisième et dernier souverain D’un rêve de nation d’amérindiens pur crin. Ce fut Antoine Cros, le médecin de Pierre Empereur brésilien, qui apporta sa pierre En la Nouvelle France, au pays exotique Patagon, araucan et puis… si hermétique : Antoine le second, adepte en science occulte Rendait ainsi honneur aux Esprits dont le culte Occupait la Pensée des indiens mapou-tchés Les « êtres de la Terre » vénérant, abouchés À la nature en fibre, une Gnouké Mapou, Une Mère la Terre, dont nul ne sait l’époux. Revenons un instant à la lignée des Cros Qui eut depuis longtemps la culture à tous crocs. Au philosophe ancien, grammairien homophone, L’artiste en trichromie et du paléophone, Ajoutons pour finir, un Henry d’Art Nouveau, « Gentilhomme verrier » à Sèvres, un dévot Exprimant en émaux les émotions anciennes ; De notre antiquité d’Europe ayant fait sienne. Ajoutons, pour corser le bouillon de culture, L'apport oriental des Kessel ; l’aventure De ce père Lazare, artiste en démesure ; Puis d’un oncle Joseph (moderniste à l’usure, Terre à terre en avion, fondateur de Gringoire) Son goût de la Russie, seul fait ici notoire. Adoubé par autant de tendres créateurs, Inventeurs, prosateurs, poètes, amateurs De langue et de beautés, Maurice eut donc un choix : « Voilà qu’entre mes bras un lourd passé m’échoit. » Il suivit de ses pairs enchâssés en la terre, La lignée aux lettrés et l’attrait du mystère ; De sa mère et son père adoptif conjuguant La forme avec le fond, la lettre avec le gant Du fauconnier altier, et l’antique armorial Au jeu choisi des mots, l’histoire au mémorial D’un long pays perclus d’écus et de trophées ; Mêlant les faits, les vrais, aux mirages des fées. Son chemin tout tracé l’emmena sur les pas Des rêveurs et des vieux contes à bel appas. Qui pourra s’étonner qu’après l’avoir montrée, La comédie étroite et « françoise » et outrée, La Fin des Hommes à morale, et de valeur, Cette bourgeoisie avilie, et de malheur (Rendez-vous aux Enfers pour Les Grandes Familles, C’est La Chute des Corps, là-bas sous la charmille), La seconde saga de Druon de Reyniac Plongeât en un passé lointain plus démoniaque, Où les templiers morts font du roi un fantoche, Par leur malédiction, prince de la basoche, Décaties les mœurs en écran d’anathèmes Ont étranglé la reine, empoisonné qui aime, Donné la louve au roi, jeté le lis aux douves, Et pillé le pays où la révolte couve. Parachevant le tout, en remontant le temps, Pessimiste écrivain, conservateur d’antan (Moquant non sans raison la sébile tendue D’une contestation subventionnée et due), Il nous offre le cœur d’Alexandre le Grand, Les Mémoires de Zeus au fond d’un mazagran, Retrouvant le bonheur des vieux mythes païens Si loin des bénitiers, en la cupule au bien De quelque mégalithe, ostensoir naturel, Tabernacle de vie, esprit fort, culturel. Oublieux de l’encens, à tous les vents d’Olympe, Druon consent aux Dieux vieillis, aux œufs de lumps, Le bonheur poétique et sacré d’une éthique Parmi la mer, parmi les prés d’une esthétique… Quand Pierre de Lagarde entame un sacerdoce, À vouloir ranimer sur quoi le temps s’adosse Et sauver de la mort Chefs-d’œuvre en Péril, Notre amoureux, Druon, des fiers cailloux d’exil Et des travaux passés d’inconnus de talent, S’éprend d’un ancien corps avec tout son allant, Rachète et puis restaure, à Thésée aux Maselles, Les murs, impressionnant ancêtre et damoiselle D’un art gallo-romain venu d’un temps où les Romains avaient secrets des bétons bien coulés. Attisant l'émoi de Thésée-lès-Diane, Déroulant fermement le précieux fil d'Ariane, Druon redonna vie aux antiques arilles D'un if (taxé taxus) au thésaurus des drilles. Il fit don du trésor, après quelques années, À l’Indre et Loire ; et des âmes abandonnées D'un Palais incendié, de la bêtise humaine Il se souvint ; prôna que notre temps ramène En son Jardin, parois de Tuilerie ancienne : Ô chez son Vieux Paris, rebâtir port d’Éphèse ! Entre temps, installé dans l’abbaye de Faize, Fortement abîmée aux jours de la bourgeoise Révolution française, il en fit sa demeure De vivant et de mort. Pour que jamais ne meure L’esprit de création et de conservation, La coule cistercienne, albe divagation S'y coule laudative et d’un chant inaudible Glisse discrètement sur le chant d’une Bible. « D’ici peu, vous aurez quarante bonnes femmes Qui nous tricoteront (Druon d’un coup s’enflamme) Le français dictionnaire ! » Accordons-lui, mais oui, Quelque rancœur envers le Beau Sexe qui luit. De Crayencour n’était en cour, on l’a compris. Il préférait sous la Coupole un mâle esprit Incarné par Braudel, Lévi-Strauss ou Duby, Le second rappelant : folie à grand débit, La mort de tant de vie en l'Homme, faune et flore, Et l’Esprit amoindri mangé, il le déplore, De l’intérieur, ruiné ; tandis que de Reyniac N’entend pas retomber dans le sel ammoniac De sociétés d’insectes égalitaristes Où, en complet esclave, il serait… méhariste. - Comment l’Esprit devient chameau à bon escient ? - Si tôt chargé, part au désert, esprit patient! - Comment Chameau uploads/Geographie/ olivier-mathieu-propose-une-dictee-de-langue-francaise-aux-membres-de-l-x27-academie.pdf
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- Publié le Mai 26, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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