L’OBSERVATEUR DES NATIONS UNIES - 2009, n° 2, vol. 27 LE DROIT DU COMMERCE INTE

L’OBSERVATEUR DES NATIONS UNIES - 2009, n° 2, vol. 27 LE DROIT DU COMMERCE INTERNATIONAL, LES DROITS FONDAMENTAUX ET LES CONSIDÉRATIONS SOCIALES Par Gabrielle Marceau1 et Aline Doussin2 1. L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) est née le 1er janvier 1995 mais le système qu’elle représente a presque un demi-siècle de plus. Les principes qui sous-tendent le système commercial multilatéral actuel datent de la fin de la seconde guerre mondiale, à une époque où beaucoup estimaient que la crise des années 30 et, dans une certaine mesure la guerre elle-même, avaient été provoquées par les politiques commerciales dites du "chacun pour soi". Afin de ne pas réitérer les erreurs du passé il fallait donc renforcer le multilatéralisme, ce qui en matière commerciale signifiait réduire les obstacles au commerce pour stimuler les échanges et reconstruire l'économie des pays détruits par la guerre. Tels étaient les objectifs de la Chartre de La Havane, qui en 1948 prévoyait la création de l’Organisation Internationale du Commerce (OIC) devant constituer le troisième pilier de l’ordre économique mondial avec le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale. Dans le cadre de ces discussions, une quarantaine de pays entamèrent des négociations multilatérales visant à l'abaissement des restrictions les plus caractérisées au commerce– les droits de douane - jetant ainsi les bases de ce qui allait devenir l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ou "GATT" (General Agreement on Tariffs and Trade). Celui-ci devait éventuellement être intégré dans la Chartre de la Havane. Mais cette dernière ne vit jamais le jour, faute de ratifications suffisantes, notamment par les Etats-Unis. Pendant près de cinquante ans, le GATT, initialement adopté sur une base provisoire, allait être le seul accord international disciplinant le commerce international. Avec la signature des Accords de Marrakech en avril 1994 instituant l’OMC, ces disciplines sont toujours bien présentes. 2. Le GATT/OMC a, a priori, une fonction essentiellement économique et répond à la logique d’une économie de marché dont l’objectif ultime est de stimuler la croissance afin de parvenir à un 1 Professeur à la Faculté de Droit de l’Université de Genève (Suisse) ; Conseillère, Cabinet du DG, OMC 2 Avocat ; Chercheur auprès de Mme Le Prof. Gabrielle Marceau 2 DROIT DU COMMERCE INTERNATIONAL ET DROIT SOCIAL meilleur bien-être social, et ceci dans le respect du développement durable. L’enjeu est précisément de déterminer si dans la poursuite de ces objectifs les Membres peuvent adopter des mesures commerciales qui intègrent des considérations sociales et dans quelle mesure celles-ci peuvent être restrictives du commerce. Si les règles et principes de base du système restent commerciaux (I), le système de l’OMC contient des flexibilités et reconnaît des exceptions permettant de réconcilier ambitions commerciales et sociales, et dans certaines circonstances de conditionner l'accès aux marchés au respect des droits fondamentaux et aux droits du travail (II). I - LES RÈGLES DE BASE DU COMMERCE INTERNATIONAL 3. Les règles de base du commerce international visent en premier lieu les conditions dans lesquelles un produit accède au marché (1). Les Membres peuvent toutefois déroger aux principes généraux dans certaines situations (2). L’ensemble de ces règles est contenu dans l’accord GATT, composante du traité de l'OMC qui se veut un traité "unique" par lequel les Membres sont liés par l’ensemble des dispositions contenues dans les accords, sans aucune réserve ou dérogation possible (3). 1. Disciplines et obligations de base favorisant l’accès aux marchés 4. Parmi les disciplines et obligations supportées par les Membres, trois principes doivent être impérativement respectés sous peine de sanction pouvant être prononcée lors du mécanisme du règlement des différends spécifique à l’organisation. Ces principes sont les suivants : 1.1 L’interdiction des discriminations injustifiables : NPF et TN 5. La clause de la "nation la plus favorisée" ("NPF", article I du GATT) illustre l'idée du "club" au sein duquel tous les partenaires commerciaux doivent en principe bénéficier des mêmes privilèges. Selon cette clause "tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités" accordés par un Membre à un produit originaire ou à destination d'un autre pays sont "immédiatement et sans condition" étendus aux produits similaires de tous les autres Membres. Cette disposition renforce l'effet des réductions tarifaires dans la mesure où toute concession tarifaire accordée par un Membre est automatiquement étendue à tous les autres Membres. Elle ne s'applique pas uniquement aux droits de douane mais également à toutes mesures fiscales et réglementaires permettant 3 DROIT DU COMMERCE INTERNATIONAL ET DROIT SOCIAL d’appréhender l’ensemble des étapes de la mise sur le marché à la mise en vente d'un produit. 6. Le principe du traitement national (TN) est énoncé à l'article III du GATT qui dispose qu'une fois importés sur le territoire d'un Membre, les produits en provenance d'autres Membres ne doivent pas être traités, s’agissant des impositions et de la réglementation intérieure, de manière moins favorable que les produits similaires d'origine nationale. Toute réglementation qui protège injustement la production nationale au détriment des marchandises importées similaires est donc contraire au principe du traitement national. Tout comme la clause NPF, ce principe a une portée extrêmement large et vise toutes les mesures fiscales ainsi que tous les règlements, lois et prescriptions affectant la vente, l'achat, le transport, la distribution ou l'utilisation de produits sur le marché intérieur. 7. La difficulté rencontrée dans l'application des clauses NPF et TN réside dans la détermination de la "similarité" entre le produit local et le produit importé (TN) ou deux produits importés (NPF). Selon la jurisprudence, le concept a un caractère relatif qui s’apparente à un "accordéon" dont la couverture s'élargit et se rétrécit en fonction de chaque disposition où le terme apparaît (Organe d’appel, Taxes japonaises sur les boissons alcooliques, rapport adopté le 4 octobre 1996, WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R). Dans le contexte de l'obligation du "traitement national", l'OMC considère que deux produits sont "similaires" s'ils sont en concurrence dans le pays importateur en question. Cette notion est appréciée sur la base notamment de leurs caractéristiques physiques, la perception des consommateurs et l'utilisation finale des produits concernés. A priori les distinctions règlementaires entre produits similaires doivent donc se baser sur les caractéristiques physiques des marchandises en question, car ce sont elles qui généralement affecteront leurs relations de concurrence. 8. Ces notions de similarité et de concurrence deviennent cruciales dès lors qu’est abordée la question des considérations sociales et du travail dans les relations commerciales puisque les normes du travail relèvent plus des conditions sociales dans lesquelles sont fabriquées les produits que des caractéristiques intrinsèques des produits eux-mêmes. Dès lors si, sur deux marchandises considérées comme similaires, une seule est produite en respectant les droits fondamentaux, elles demeurent similaires et en concurrence et doivent donc a priori être traitées sans discrimination par le pays importateur. 1.2 L'obligation de respecter les limites maximales tarifaires négociées (consolidations) 4 DROIT DU COMMERCE INTERNATIONAL ET DROIT SOCIAL 9. Les droits de douane sont des tarifs sur la valeur, le poids ou le volume des produits prélevés à la frontière lors de l'importation de marchandises étrangères. Aux termes de l'Article II du GATT, les produits importés ne peuvent être soumis à des droits de douanes supérieurs à ceux négociés et inscrits sur la liste des concessions de chaque Membre. Les efforts de réduction de droits déployés au cours des multiples cycles de négociations ont donné d'excellents résultats ce qui a probablement encouragé les Membres à entamer, durant les négociations du cycle d'Uruguay, une négociation tarifaire généralisée de tous les produits agricoles inscrits dans un accord sur l'agriculture. En principe, les droits de douane doivent être imposés de façon non-discriminatoire sur toutes les importations en provenance de l’ensemble des Membres, et ce au taux de la nation la plus favorisée (NPF) ou à un taux moindre. Mais des exceptions existent permettant notamment aux Membres de créer des accords régionaux préférentiels, ou d'octroyer des préférences aux pays en voie de développement. 1.3 L’élimination des restrictions quantitatives (ou contingents) à la frontière 10. Les contingents sont des restrictions à l'importation ou à l'exportation portant sur le nombre, le volume ou la valeur des produits importés. Les restrictions quantitatives à l'importation et à l'exportation sont prohibées par l'article XI du GATT, principalement parce qu'elles empêchent la concurrence et que leur administration est moins transparente que celle des droits de douane et peut être plus facilement discriminatoire. Les taxes à l'exportation ne sont pas réglementées par l'OMC. 2. Exceptions générales et de sécurité permettant de limiter l'accès au marché interne 2.1 Les articles XX et XXI 11. Les articles XX et XXI du GATT énumèrent les objectifs permettant de justifier qu'un Membre déroge à ses obligations générales. L'article XXI vise les mesures prises aux fins de la sécurité nationale. Quant à l'article XX, il s’applique notamment aux mesures nécessaires à la protection de la moralité publique, de la santé et de la vie des personnes, des animaux et des végétaux, ou à la préservation des ressources naturelles. Les principales dispositions de l'article XX du GATT sont: "Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination 5 DROIT DU COMMERCE uploads/Geographie/ ob-0cdcf6-telechargement-fichier-fr-le-droit-du-principes-de-droit-du-commerce-international.pdf

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