Histoire & Mesure Milutin Milankovitch, père de la théorie astronomique des pal

Histoire & Mesure Milutin Milankovitch, père de la théorie astronomique des paléoclimats Tatomir P. Andjelić, André Léon Berger Citer ce document / Cite this document : Andjelić Tatomir P., Berger André Léon. Milutin Milankovitch, père de la théorie astronomique des paléoclimats. In: Histoire & Mesure, 1988 volume 3 - n°3. Le climat. pp. 385-402; doi : https://doi.org/10.3406/hism.1988.1344 https://www.persee.fr/doc/hism_0982-1783_1988_num_3_3_1344 Fichier pdf généré le 28/03/2019 Résumé André Berger et Tatomir P. Andjelič. Milutin Milankovitch, père de la théorie astronomique des paléoclimats. La théorie astronomique des paléoclimats explique la récurrence des cycles glaciaire- interglaciaire du Quaternaire. Née au début du 19ième siècle, c'est Milutin Milankovitch qui, par une approche mathématique complète au cours de la première moitié du 20ième siècle, lui a donné les bases physiques nécessaires qui permirent de la confronter à un ensemble fiable et approprié de données géologiques dans les années 1970. Ingénieur et astronome yougoslave, il est né à Dalj en 1879 et est mort à Belgrade en 1958. Il développa sa théorie entre 1915 et 1938. Après avoir essuyé de nombreuses critiques jusque dans les années 1960, cette théorie est actuellement acceptée par tous. Abstract Milutin Milankovitch, father of the astronomical theory of paleoclimates The astronomical theory of paleoclimates explains the recurrence of glacial and interglacial cycles during the Quaternary era. Born at the beginning of the 19th century, the theory has been further developed by Milutin Milankovitch, who, by a complete mathematical approach, during the first half of the 20th century, has provided physical basis necessary to confront it with a reliable and relevant collection of geological data during the seventies. Yugoslavian engineer and astronomer, he was born at Dalj in 1879 and died in Beograd in 1958. He developed his theory between 1915 and 1938. After having been heavily criticized until the sixties, this theory has now won general acceptance. Histoire & Mesure, 1988, III-3, 385-402 André BERGER et Tatomir P. ANDJELIČ Milutin Milankovitch, père de la théorie astronomique des paléoclimats 1. LES CYCLES GLACIAIRE-INTERGLACIAIRE DU QUATERNAIRE Du point de vue de la dynamique du climat, l'approche astronomique de la théorie des glaciations est la plus ancienne explication que l'on ait de l'existence et de la récurrence des périodes glaciaires du Quaternaire. Grâce à l'oeuvre de Milankovitch (1920 à 1941), elle en est la plus populaire actuellement. Le Quaternaire qui couvre les 2 à 3 derniers millions d'années, a été caractérisé par de nombreuses oscillations du climat entre glaciaire et interglaciaire. Ainsi, bien que les données géologiques soient encore incomplètes, on estime que la température moyenne de Pair en surface a été 4 a 5°C plus basse qu'actuellement lors du dernier maximum glaciaire il y a 20.000 ans (CLIMAP, 1976, 1981). Mais d'autres changements importants affectèrent aussi le niveau des océans (quelque 130 m plus bas qu'à présent (Chappell et Shackleton, 1987)), la mousson tropicale (Prell et Kutzbach, 198/) et le volume total des glaces (avec des calottes de 3 km d'épaisseur recouvrant le nord de l'Europe et de l'Amérique et un volume de glace dépassant l'actuel d'environ 50 x 106 km3 (Hughes et al. , 1981)). En fait, ces apparitions-disparitions des calottes glaciaires de l'hémisphère nord se présentèrent d'une façon plus ou moins régulière : on y reconnait une variation en dents de scie avec une quasi-périodicité de plus ou moins 100.000 ans sur laquelle se superposent des quasi-périodes de 41.000 et 21.000 ans. Ce sont ces caractéristiques générales des variations climatiques au cours des derniers millions d'années que la théorie astronomique (on devrait dire les théories astronomiques) tente d'expliquer (Berger, 1988). La théorie générale prétend que les paramètres qui caractérisent l'orbite et la rotation de la Terre (à savoir 385 Histoire & Mesure l'excentricité, l'obliquité et la précession) changèrent suffisamment au Quaternaire pour induire des changements significatifs dans la distribution saisonnière et en latitudes du rayonnement qui nous vient du Soleil et ainsi, forcer le climat à osciller entre état glaciaire et état interglaciaire d'une manière plus ou moins périodique. La théorie de Milankovitch est un cas particulier de ces théories astronomiques, en ce sens qu'il a choisi une latitude (65°N) et une saison (été de l'hémisphère nord) spécifiques parmi l'ensemble des paramètres auquel le système climatique est sensible. Depuis le début des années 1970, on assiste à un véritable regain d'intérêt pour la théorie de Milankovitch (Kukla, 1972 et 1975 ; Hays et al., 1976 ; Kukla, 1976 ; Berger, 1977 ; Imbrie et Imbrie, 1979). Si les données géologiques ne permettent pas encore de confirmer l'entièreté de cette théorie, elles fournissent du moins un support quantitatif vital qui permet de tester l'existence d'une relation entre les éléments de 1 orbite de la Terre et le climat et ce, à travers les variations à longues périodes de l'insolation disponible dans l'hypothèse d'une atmosphère parfaitement transparente, de sa variation saisonnière et de sa redistribution en latitudes (Berger, 1976a, 1978a et 1979). Parmi les résultats les plus récents, la coïncidence des quasi- périodes, découvertes à partir de l'analyse des carottes géologiques (Hays et al., 1976) et calculées dans la théorie astronomique des paramètres de l'orbite terrestre (Berger, 1977), à savoir 100.000, 41.000, 23.000 et 19.000 correspondant respectivement à l'excentricité, à l'obliquité et à la bipartition de la période de précession, constitue sûrement une des preuves les plus importantes de la théorie astronomique des paléoclimats (Imbrie et al. , 1984 ; Berger, 1987). Ceci ne fut toutefois possible que grâce à l'emploi judicieux, dès les années 1960, de méthodes précises de datation, de techniques instrumentales appropriées, de fonction de transfert permettant une interprétation quantitative des données géologiques et de la détermination de la précision des éléments astronomiques. Mais la théorie n'a pas que passe des tests statistiques sévères. Le développement des calculateurs électroniques et la mise au point de modèles climatiques (Kutzbach et Guetter, 1986 ; Berger et al. , 1987) et astronomiques (Berger, 1984) de plus en plus sophistiqués ont permis de montrer que la théorie est bien basée sur des principes physiques fondamentaux et qu'en ce sens, elle est irréfutable. 2. PRECURSEURS DE LA THEORIE ASTRONOMIQUE En 1837, L. Agassiz prononça l'allocution d'ouverture à la Société Helvétique d'Histoire Naturelle à Neuchâtel, Sur les Glaciers, les Moraines et les Blocs Erratiques. C'est seulement quelques années plus tard que Adhémar (1842), à Paris, publia son livre expliquant l'hypotnèse d'Agassiz, à propos de l'existence des ages glaciaires, sur base de la précession des equinoxes (discuté un peu avant par J. Herschel en 1830), ce qui implique nécessairement qu'il devrait vraisemblablement y en avoir plus qu un. A ce moment, un astronome du nom de Urbain Le 386 André Berger et Tatomir P. Andjelič Verrier (1855), célèbre pour la découverte des anomalies orbitales de Uranus qui conduisit à la découverte de Neptune, se mit à calculer le changement subi par les éléments orbitaux de la Terre au cours des derniers 100.000 ans. Dans les décennies qui suivirent, principalement à cause de la découverte de glaciations multiples dans les Vosges, le Pays de Galles et les dépôts de Г Illinois aux Etats Unis d'Amérique, la géologie glaciaire devint fortement liée à l'astronomie (Meech, 1857). C'est dès avant 1864 déjà que James Croll entama d'importants travaux dont les idées allaient permettre le développement des diverses versions de la théorie astronomique des paléoclimats (ces travaux sont déjà cités dans le livre de importance des travaux de Croll (1875) est liée à son approche globale où ce sont les effets combinés des trois facteurs sur l'insolation au périhélie et à l'aphélie qui conditionneraient l'évolution du climat. Une spécificité de son modèle réside dans le choix de l'hiver de l'hémisphère nord comme saison critique pour le déclenchement d'un glaciaire. Selon lui, une diminution de l'énergie reçue en hiver devrait permettre l'accumulation de neige et toute augmentation de la couverture neigeuse amplifierait les champs de neige automatiquement (contre-réaction positive). Après avoir déterminé quels facteurs astronomiques contrôlent l'insolation hivernale, il arriva à la conclusion que la précession des equinoxes devait jouer un rôle décisif. Il montra aussi que la forme de l'orbite contrôle la précession et, de cette façon, l'intensité des saisons. Sa théorie se résume donc dans les deux conditions suivantes : une orbite allongée et un solstice d'hiver proche de l'aphélie. Plus tard Croll proposa aussi qu'un glaciaire survienne quand l'axe de rotation est proche de la perpendiculaire à Pécliptique car alors les régions polaires reçoivent peu d'énergie. Des idées similaires furent avancées par Bail (1891), Ekholm (1901) et Hildebrandt (1901) qui soulignèrent respectivement 1 importance de la précession des equinoxes, de l'obliquité et de l'excentricité. Au fur et à mesure du temps, les géologues en Europe et aux USA devinrent de moins en moins satisfaits des hypothèses de Croll particulièrement en ce qui concerne la fin de la dernière avancée glaciaire et l'effet climatique, considéré comme négligeable par les météorologistes. 3. MILUTIN MILANKOVITCH C'est seulement au cours des premières décennies du 20e siècle que Spitaler (1921) rejeta la théorie de Croll qu'un long hiver froid et un court été chaud puissent engendrer un glaciaire. Il adopta une position opposée, d'abord proposée par uploads/Geographie/ milutin-milankovitch.pdf

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