PRÉAMBULE LA MESSE EST DITE ? En très peu de temps, tout semble s’être mis au v

PRÉAMBULE LA MESSE EST DITE ? En très peu de temps, tout semble s’être mis au vert pour une relance du nucléaire en France. Il aura suffi d’une « décision » prise en fin de mandat par Emmanuel Macron de relancer les EPR et d’une guerre en Ukraine qui a alerté à la fois sur la dépendance aux énergies fossiles russes (même si la France est peu concernée), le tout couplé à la perspective effrayante de pénuries de tous ordre. Et tout s’inverse : c’est urgent ? Le Président décide avant de débattre, le Sénat légifère avant de programmer, et le débat public sur la construction des EPR est vidé de tout substance. C’est risqué ? On supprime l’IRSN, l’organisme chargé d’expertiser la radioactivité. C’est cher, et personne ne voudra le financer ? On pense puiser allégrement dans le Livret A. Tout argument sur les alternatives semble totalement inaudible, porté par une union sacrée politique et industrielle. Et pourtant, rappelons-nous : en 2012 nous nous apprêtions à lancer une réduction ordonnée de l’atome, avec une vision de long terme. En 2017 le fraîchement nommé ministre de l’Écologie Nicolas Hulot parlait dès sa nomination de fermer rapide­ ment des réacteurs… Dans le même temps, la Chine met en service chaque année, uniquement en photovoltaïque, plus que l’ensemble de la puissance nucléaire installée en France en 30 ans. Les coûts de l’éolien et du solaire sont divisés par 10, ceux des batteries par 6. L’Europe et le monde lancent la révolution de l’hydrogène et du stockage. Nos voisins européens développent aussi à un rythme incroyable les énergies renouvelables, tout en maintenant, par exemple pour l’Allemagne ou l’Italie, leur choix de sortie du nucléaire. Le GIEC ne voit clairement pas dans le nucléaire une partie substantielle de la solution. Mais quelle est donc la raison de cette exception nationale et de cette bizarrerie démocratique ? Sommes-nous différents des autres, ou simplement guidés par des données et un « logiciel » obsolètes ? Sur quels constats techniques cette orientation pour une relance du nucléaire en France semble se jouer ? Nous souhaitons démonter, à l’occasion d’une lecture critique de Le monde sans fin, quelques mécaniques à l’œuvre, dans ce livre et au-delà. LE MONDE SANS FIN - LE CORRIGÉ ! Une lecture critique par Ghislain DUBOIS et Nicolas CARUSO Nous n’avons malheureusement pas le droit de reproduire les vignettes de Le Monde sans fin. Nous la citons cependant dans le texte. Le lecteur pourra acheter l’ouvrage de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici, ou se le faire prêter pour mieux mettre en perspective notre texte. Depuis qu’à 12 ans j’ai commencé à lire Sciences et Vie, en 1986 (celui des grands, pas le Junior !), j’ai toujours été intéressé par la science. Ça a d’abord été l’océano­ graphie, puis l’astrophysique (au primaire c’était l’égyptologie !), Quand j’ai été grand j’en ai fait mon métier. D’abord la science politique, l’écono­ mie, puis la climatologie, la prospective et la modélisation, sous toutes ses formes. Que ce soit dans mes petites contributions pour le GIEC, dans mes grandes re­ cherches sur les transports, l’habitat et les modes de vie face au carbone, ou dans mes projets de consultants en France et à l’étranger sur les conséquences du ré­ chauffement, j’ai toujours pris le changement climatique comme une question scientifique et technique plutôt que comme un problème politique. Je croise Jean Marc Jancovici professionnellement depuis ses débuts. Au-delà de son ton souvent péremptoire, j’aime son engagement, sa double casquette asso­ ciative et professionnelle. Il mène des combats en pointe sur le besoin de sobrié­ té… Il a contribué à conscientiser la société française sur la question du climat et je l’en remercie. Mais j’aime aussi la découverte, la connaissance, et au-dessus de tout la vérité. Et je crois qu’avant un quelconque engagement sur les conséquences que peut avoir un livre comme « Le monde sans fin » sur le débat public et la politique éner­ gétique de la France, ce sont les approximations coupables, les raisonnements partiels et les contre-vérités – faut-il oser le mot « mensonges* » ? - que je découvre dans les prises de position de Jean Marc sur le rôle du nucléaire dans l’équation climatique, qui m’ont poussé à écrire ce démenti, puis à proposer à Nicolas de l’illustrer. Et je le dis très officiellement : ce n’est pas sans appréhension que je m’attaque au « livre le plus vendu de 2022 ». Et vous ima­ ginez que me replonger dans les dizaines de publications scientifiques et rapports officiels que j’avais dû analyser en 20201, lors de mes premières controverses, me réjouit ! Jean marc produit beaucoup, source peu et aime bien auto-citer ses calculs (vous comprenez, y a urgence et faut agir ! ) et le contredire rigoureusement demande une certaine… énergie. Mais d’ailleurs, pourquoi se focaliser sur cette question de la production d’électricité et du nucléaire, alors que Jean Marc dit plein d’autres choses intéressantes ? Parce que s’il y a un truc sur lequel tout le monde est d’accord, c’est qu’il va falloir moins et mieux consommer d’énergie (c’est la sobriété), mais aussi massivement électrifier la mobilité (voiture élec­ trique, transports en commun, vélos) et l’habitat (abandon du fuel et du gaz et passage au chauffage électrique) si l’on veut sauver le climat. Il va donc falloir économiser de l’énergie, et produire beaucoup d’électrici­ té dans le futur. Le tout est donc de savoir comment ! La production électrique est en quelque sorte « la mère des batailles », même s’il y en a d’autres2 . Enfin, ne nous y trompons pas. Les argu­ ments utilisés dans Le Monde sans fin, même caricaturaux, se retrouvent dans une version légèrement édulcorée dans les débats actuels sur les choix éner­ gétiques de la France. Nous espérons que ce Corrigé y contribuera utilement ! Mais entrons dans le vif du sujet…. *https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/vrai-ou-fake-la-bd-le-monde-sans-fin-de-jean-marc-jancovici-est-elle-mensongere_5624627.html Partie 1 Partie 1 Le nucléaire c’est vraiment super ? « Le nucléaire est plus efficace » est l’un des arguments forts du livre : le nucléaire est plus efficace pour produire beaucoup d’énergie de manière concentrée, c’est un fait. Mais est-ce que c’est vraiment ça l’objectif ? On va voir que c’est aussi : très cher (en ce qui concerne les nouveaux réacteurs), pas si sûr (voire carrément risqué selon comment on voit le problème), pas à la hauteur des enjeux et hyper long à mettre en œuvre. Allons-y et surtout, essayons de voir cette question avec les données et enjeux de de­ main et pas d’hier ! C’est risqué. Pour commencer en se faisant bien peur, remettons en cause le « rassu­ risme3 » de Jean Marc sur le nucléaire. Voici quelques risques complètement mis de côté dans le livre : • Un crash d’avion lancé volontairement4 qui viendrait briser, l’enceinte et faire fondre le cœur d’un réacteur • Du terrorisme ou une prise d’otage à l’intérieur d’une centrale • Le vol de matières très radioactives • Une guerre de haute intensité dans un pays doté de centrales nucléaires (mais c’est vrai que la France n’a jamais été envahie !) • Une baisse drastique du niveau d’une rivière lors d’une « super sécheresse » ou le dépassement des bornes de fonctionnement d’un réacteur5 qui empêcheraient de le refroidir. Est-on vraiment prêt à accepter ça ? Ça vaut quand même le coup d’en discuter, non ? CE N’EST PAS À LA HAUTEUR DES ENJEUX ? D’après l’agence international de l’énergie atomique et l’agence de l’énergie nucléaire, les réserves d’uranium représentent entre 80 et 140 ans de production nucléaire estimée d’ici 2040 selon les scénarios6, et non pas « assez pour faire fonctionner le parc actuel plusieurs centaines d’années ». Le tout pour 4% de l’énergie primaire et 10% de la pro­ duction d’électricité mondiale (une part qui diminue depuis 2010, ne l’oublions pas7). Soyons clairs : le nucléaire « classique » (dont les EPR font partie) ne va pas résoudre notre problème : les ressources en uranium sont insuffisantes, et c’est un peu ce que dit le livre entre les lignes (mais alors vraiment entre les lignes !). C’est aussi très, très lent à mettre en œuvre8 : avec 5 ans de conception et au moins 9 ans de construction, les premiers EPR de deuxième génération ne seraient pas attendus avant… presque 20409. Les technolo­ gies ne sont ni disponibles ni prêtes à être mises en œuvre. CE SERAIT INCERTAIN ET HYPER LONG À METTRE EN ŒUVRE. Qu’à cela ne tienne, les surgénérateurs, ou réacteurs de 4ème génération vont prendre le relais, nous dit-on ! Ces réacteurs génèrent plus de matière fissile (de carburants) qu’ils n’en consomment. Ça « existe déjà dans le monde en ex­ ploitation courante… C’est une technologie maîtrisée » ; nous dit Jean Marc). Problème : « en vrai », on ne sait pas vraiment le faire, et c’est hyper long à mettre en œuvre. La surgénération on connaît d’ail­ leurs : elle a été jugée coûteuse, risquée et non aboutie dans le passé : • le projet uploads/Geographie/ lecorrige-28022023.pdf

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