Bibliothèque de Cultiire générale Charles GUIGNEBERT Chargé de Cours à Ia Sorbo
Bibliothèque de Cultiire générale Charles GUIGNEBERT Chargé de Cours à Ia Sorbonnc Le U)C 1^3 oblème de Jésus PAKIS iUNEST FLAMMAHION, ÉDlIliUR 20, nuE nACiNE, 2G niile AVANT-PROPOS Les termes du problème. Si peu que nous sachions de sa vie, devons-nous ■considérer Jésus comme un personnage réel de This- toire, ou bien sa figure humaine ne nous représeute- t-elle qu'une construction de Ia foi, uno combinaison, animée par elle, de mythes et de légendes ? Tel est le problème que je me propose d'examiner. II n'est {Ws neuf et on pouvait le croire enterré, quand une série de livros retentissants, publiés depuis une douzaine d'années, surtout eu Allemagne et en Anglcterre. sont ^ venus lui redonner de Tactualité; il a même élé ^ directement posé devant le grand public dans plu- sieurs villes allemandes, à léna, à Marbourg, k Gie^- sen, à Leipzig, à Berlin surtout, oü Ton a vu les prin- cipaux adversaircs actuels et les défenseurs les pius qualillés de rhistoricitó de Jésus, échanger des argu- ments durant deux nuits consécutives et reoucilür alternativement les applaudissements d'un auditoire infatigable(l). «Jésus-Christn'a jamais vécu; le chris- tianisme n'avait pas besoin de Ia réalité de son exis- tence pour naitre, plus que pour durer et se déve- Jüpper » : telles sont les propositions qui ont amorcé VI AVANT-PROPOS Ia discussion. Elles atteignent les fidèles des diverses confessions chrétiennes coiüme un intolérable ou- trage, et ils les traitent de sacrilèges extravagances ; les critiques non confessionnels, eux-mêmes, ont bien du mal à ne pas les accueillir comme des paradoxes excessifs, tant Tatavisme leur a rendu familière et quasi indiscutable Tassociation de Ia personne de Jésus à Torigine de Ia religion chrétienne. Mais, comme ce n'est point résoudre une question que de Ia mépriser ou de crier au scandale, le mieux est d'envisager franchement celle qu'on nous propose là et de Ia discuter, comme elle prétend Têtre, sur le terrain de rhistoire et de Ia critique. II n'est point honnête de chercher à Ia ridiculiser tout d'abord, comme le tente, par exemple, Von Soden (2), en sou tenant que ceux-là qui nient Texistence de Jésus feraient bien aussi de douter de celle de Socrate, car, on somme, nous ne le connaissons que par des « on- dit » et par les deux représentations, mal concor- dantes, que nous tenons de Platon et de Xénophon ; ne se pourrait-il pas qu'il ne fút qu'une flguration mythique du philosophe en soi, tel que leconcevait Ia pensée grecque du iv° siècle? Du même point de vue, Alexandre paraitrait avec vraisemblance, une person- nification de Ia Force victorieuse, une sorte de Sieg- fried grec, le guide idéal des généraux qui ont fondé les royaumes hellénistiques. Son nom, qui signilie tCeluiqui protège les hommes », n'évoquo-t-il pas à Ia foisle mythe d'Apollon etcelui d'Achille ? Sa vie de héros conquérant et invincible n'est-elle pas simple- ment un symbole de Ia course victorieuse de Tesprit grecà travers TAsioperse? Sa mort à Babylone, cita- delle de Ia vieille civilisation asiatique, n'offre-t-elle pas unsens mythique évident? Von Soden araison de qualifíer ces suppositions de pur jeu d'esprit et do diro qu'ouleg multiplierait sans peine, mais il a tort AVANT-PROPOS VII d'ajouter que les doutes sur rexistence de Jésus ne sont pas à prendre plus au sérieux, et il se contredit en les discutant avec soin ; ce qui se passe dans le domaine religieux est parfois si étrange que toute assertion, qui se présente appuyée sur des texles et des raisons, a le droit d'être prise en considération. On fait reproche aux adversaires de rhistoricité de Jésus de n'avoir point que des intentions droites, de cacher, par exemple, sous les apparences du désinté- ressement scienliOque, le désir de substituer leurs conceptions philosophiques ou religieuses à celles qui se rattachent aujourd'hui au christianisme. Ainsi Kalthoír cherche à faire prévaloir sa « tliéologie so- ciale í, qui doit séculariser et démocratiser le chris- tianisme; Drewsprône son monisme; Robertson écrit dans Tintérôt du « naturalisme », contre Ia crédulité et contre le cléricalisme orgaiiisé. Teus reprochent au Jésusisme des théologiens libéraux de rester notoire- ment inférieur aux exigences de Ia vie moderne, tant morales que sqciales et intellectuelles. II est vrai; mais, outre que chacun a le droit de tirer telles con- clusions pratiques qu'il juge à propos des enqaètes historiques qu'il conduit, nous n'avons, nous, à tenir compte que de Ia rigueur de Tenquête et de Ia valeur intrinsèque des arguments produits. Ce n'est pas, non plus, une façon acceptable d'entrer en discussion que de diminuer Tadversaire en Taccusant d'incom- pétence, d' « amateurismo », de dilettantisme, de manque de méthode et de faiblesse d'esprit soienti- fique (3); les mots, mème gros, ne valent pas contre les raisons, mème mauvaises; et plusieurs des néga- teurs, sans ètre des spécialistes do carrière, sont des travailleurs patients et robustes, qui ont acquis une três sérieuse érudition. Laissons donc de côté les procès de tendances et )ps questions de personnes, autantque les jugements ■VIU AVANT-PROPOS prdconçus, et essayons d'éprouver, par les méthodes de rhistoire, Ia solidité des afflrmations qui pré- tendent ruiner, jusque dans ses fondemenls, Ia tra- dition évangélique. Le lecteur, désireux d'aller plus loin que jo n'ai voulu le conduire, trouvera à Ia fln du livre quelques indications bibliographiques précises et, dans les notes, des références, qui devaient rester discròtes, mais qui suffiront, je pense, à orienter ses recherches. — J'ai choisi, donc j'ai omis bien des choses, que certains jugeront capitales: j'accepte,sans les ignorer, les risques de Ia brièveté, particulièrement redou- tables à qui aborde un sujet dont on voudra bien coDvenir qu^l est touíTu et compliqué. INTRODUCTION Les antécédents historigues du problème. ♦ 1. — Ils ne remontent pas très haut. — Les précurseurs : les humanistes de Ia Renaissance ; les docteurs de Ia Réforrae. — Les rationalistes anglais du xvii' siècle. — Les philosophe» français du xvm" siècle. — Dupuis etson école. Cest un chapitre copieux et suggestif de rhistoire de lã critique que celui qui traite de ses variations touchant Ia personne et Ia vie de Jésus; mais, s'il en sort Ia preuve évidente que les hommes les mieux intentionnés se défont difíicilement de leurs pré- jugés et de leurs passions en face d'une question oii 8'enchevêtrent encore tant de leurs intérèts religieux, moraux, intellectuels, ou politiques, les divergences, si profondes et si variées, de savants également informés et de bonne foi, donnent, dès Tabord, une fâcheuse idée des documents qui semblent se prêtor & les justifier toutes. II n'y a pourtant pas fort long- temps que ce problème de Ia vie humaine de Jésus a été enlevé du domaine de Ia thdologie, oü il soín- meillait paisiblement, sans que ratteignissent les agitations des àpres disputes sur ia nature divine et X INTRODÜCTION les fonctions transcendantes du Christ, pour être transporté sur le terrain de riiistoire. L'opération se lit en Allemagne vers Io milieu du xviii° siècle. Assurément le récit traditionnel de Ia vie de Jésus ne s'était point, d'âge en âge, transmis jusqu'en ce tcmps-là sans rencontrer des sceptiques; il compor- tait une large part de surnaturel, que n'avaient épargnée ni les critiques, ni les plaisanteries, partout oü elles avaient pu se produire sans danger ; cepen- dant, par TeUet d'un puissant atavisme et grâce à Ia protection de scrupules vivaces, Ia personne même du Christ, tout enveloppée de respect, demeurait hors des débals. On nous conte (1) que Laurent Valia, un de ces étonnants humanistes dü xv* siècle, dont tout TeíTort intellectuel tendait à déraciner leur âme de leur temps pour Ia transplanter dans Tantiquité, un homme qui n'avait pas hésité à humilier Ia mo- rale chrétienne devantle plus eíTréné sensualisme et qui ne tenait plus par grand'cliose à Ia religion tra- ditionnelle, osa un jour, aucours d'un festin, conQer à Antoine Panormita qu'il avait « des flèclies dans son carquois contre le Messie lui-mème. d Panormita cultivait Tobscénité avec délices et ses convictions chré- tiennes ne pesaient pas três lourd ; toutefois, paraít- il. Ia confidence répouvantaet le scandalisa, au point qu'il se promit de ne plus adresser Ia parole à Valia. Je ne me porte point garant de Tanecdote, mais j'y vois une flguration de Tétat d'esprit qui a longtemps gardé Ia vie de Jésus des entreprises de Ia critique. ^ Les docteurs de Ia Réforme, si hardis contre les usages, les rites, voire les dogmes du «papisme », res- pectèrent, eux aussi, le tabou qui couvrait le Christ. Mais, de Ia Renaissance, sortit un mouvement des es- prits, dont les conséquences se manifestèrent dès le milieu du xvii" siècle et s'épanouirent au cours du XVIII®; c'est Tépoque que les Allemands nomment INTRODÜCTION XI VAufklãrung, le siècle des lumières, Ia temps oü, en effet, Tesprit humain, éclairé par Ia réflexion philo- sophique et le proprrès des sciences positives, osa enlin considérer en face toutes les questions que po- saienl devant lui rhistoire et Ia vie (2). Vers le pre- mier quart du xvii* siècle, il se produisit en Angle- terre uurationalisme dont ridéeessentielle s'enfermo uploads/Geographie/ le-probleme-de-jesus-pdf.pdf
Documents similaires










-
41
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 25, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
- Taille du fichier 8.6311MB