Éric Julien LE JUGEMENT DERNIER PARTIE II Voici une histoire aussi incroyable q
Éric Julien LE JUGEMENT DERNIER PARTIE II Voici une histoire aussi incroyable qu’inconnue. 1 Et pour cause ! Peut-être que ceci explique cela. Je suis Willyam Jonathan Goldman. Mon nom vous dit certainement quelque chose, mais oubliez-le vite. Avant que je ne vous laisse entrer dans cette singulière aventure, je préfère vous livrer une information capitale qu’un ami de longue date m’a confiée : Ce qu’un homme a pensé, la Nature l’a déjà fait. Ce qu’il désirera, elle le fera ! (Manuscrit des Révélations Futures). Donnez-moi le temps de planter le décor… 1 – AU BOUT DU MONDE. Pole Sud. Partie française de l’Antarctique. Vendredi 20 janvier, 17h15. Le blanc ! Partout… L’azur, immense… Le froid ! Le grand froid ! Intense ! Imperator de cette intemporelle dimension. 2 Le soleil, simple chandelle vacillante, ne pouvait réveiller l’onde pétrifiée à perte de vue. La lumière montait de la glace millénaire cuirassant de son imposant manteau un continent éternellement dissimulé. Les sastruggis hérissaient leurs lames profondes comme une râpe infinie sur laquelle aucun ours polaire ne viendrait jamais se frotter. Les sastruggis ! Ces langues de neige dures comme le roc que façonnent constamment les blizzards de l’extrême. Ces vagues solidifiées et sans écume attendaient le retour des chiens d’Amundsen pour témoigner de l’irrépressible effort de la vie. L’épais velcro glacé jouait de blancs doux, de blancs purs, de bleus froids et de verts incertains. Partout l’éblouissement de la lumière polaire étendait son inhumaine transparence dans un air sec et aseptique. Ici, il ne pleuvait jamais ! L’air était le plus asséché du monde. Seule la luminosité cristalline coulait, inondait cet univers sans limite. Cette transparence inouïe qui n’existe que vers les pôles de la Terre ignorait tout d’une trop lointaine agitation vertébrée. La vie n’était qu’une hypothèse, à peine une idée furtive. Moins l’était encore l’humaine destinée. Rien ne venait troubler cette apaisante et miraculeuse plénitude. Plénitude de la solitude d’un monde hors de tout, hors de l’acceptable, au-delà de la souffrance. Cet océan de vide mordrait de son froid redoutable les inconscients qui pourraient s’aventurer au centre de nulle part. Seuls quelques individus hors norme pouvaient se risquer au-delà des banquises plates qu’avait probablement aperçues en 3 1774 James Cook, ce « simple » sous-officier. Lui-même avait consigné dans son carnet de bord : « ce pays condamné par la nature à une rigidité éternelle que ne rompait jamais la chaleur du soleil ». L’Antarctique, ce désert originel ! Encore sans foi, ni croyance ! Si hostile, si inhospitalier, si étranger. Si étrange… Etrange avait été la coïncidence de cette année 1820 au cours de laquelle, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, Bellingshausen le Russe, Palmer l’Américain, Smith et Bransfield les Anglais avaient fait des observations hasardeuses et floues d’un continent qui voulait à peine se montrer. Encore la terre australe n’était-elle que la découverte aveugle de la péninsule antarctique. Ces hommes avaient entr’aperçu des falaises de glace, des récifs congelés et des montagnes blanchâtres. Des icebergs cyclopéens, plus grands qu’un paquebot et plus profond qu’un gratte-ciel, s’étaient éclipsé au détour d’une trouée brumeuse. La découverte collective de bribes de lumière diffuse avait commencé par la Terre de la Trinité : Trinity Land ! Vingt ans plus tard, Jules Sébastien César Dumont d’Urville, le Français, découvre le « vrai » continent. Il avait embarqué sur l’Astrolabe (laboratoire des étoiles ?) 4 en quête du pôle sud magnétique. Après avoir fait escale sur l’île de Tasmanie, il appareilla. Le navigateur aux lèvres fines et au menton volontaire décrivit sa découverte : « des palaces de cristal et de diamants dignes des contes de fées ». Le 20 janvier 1840, il posa le pied sur la terre ferme, ou plutôt sur la glace dure. Le premier débarquement de l’histoire antarctique ! Il n’y a pas une différence mais un abîme entre apercevoir un monde et entrer dans un royaume ! Il l’avait appelé la Terre Adélie en mémoire de sa femme Adèle pour la « remercier de l’avoir toujours laissé voyager ». Etrange avait été la découverte du pôle sud magnétique à seulement quelques kilomètres au large de la terre promise de l’argonaute, alors que le pôle sud géographique, atteint par Amundsen, puis Scott, se trouvait à plus de deux mille kilomètres de cette percée invisible, de cette convoitise scientifique ! Etranges les motivations opposées des explorateurs. Les uns pour la pêche, pour le Poisson. Les autres pour la lumière de la connaissance, Vers l’Eau nouvelle ! Etrange la quête de l’Américain John Reynolds, l’historiographe décalé, qui finança la même année 1840 l’expédition d’un Charles Wilkes, curieux compétiteur du français. Reynold avait le secret espoir de découvrir une civilisation très développée accessible par un trou, par une « ouverture » qui mènerait vers la terre creuse à laquelle il croyait. Curieux ce Charles Wilkes 5 mégalomane, menteur, tricheur et autoritaire. Plus qu’autoritaire ! Cruel avec ses hommes pour sa seule gloire… La Terra Australis Non Cognita ! Tel était le nom donné à l’Antarctique par l’inventeur de la cartographie moderne, l’Anversois Abraham Ortelius. Le continent du sud figura sur le premier atlas mondial de tous les temps utilisant la projection de son ami Gerhard Mercator. Le Theatrum orbis terrarum du Néerlandais révélait 250 ans plus tôt, de façon hypothétique, ce qu’Aristote avait appelé la Nouvelle Cythère. Trop de terres émergées gonflaient leurs poumons et leurs seins au nord de l’équateur pour ne pas en déduire un contrepoids au sud. Un contrepoids ? Une symétrie ? Ou un monde parallèle ? Le continent austral devait exister pour que la Terre, sphère parfaite, soit équilibrée. Etrange fut aussi, et continue d’être, cette représentation du planisphère où le continent austral aplati est timidement suggéré au pied de la Terre. Si bas, si éloigné de nos préoccupations que nous en sommes parfaitement indifférents. Il y a à peine la place pour écrire son nom…qui signifie à l’opposé ! De nos chimères ? Terra Incognita ! Au nord, le monde matérialiste. 6 Que pouvait donc être cet inconnu austral ? Tous les lieux déserts avaient vu naître les grandes religions. Mais une chose pouvait-elle éclore par moins soixante degrés centigrades ? Moins trente était déjà une douceur printanière. Janvier. Le vingt de l’année 1840. Dumont d’Urville et ses hommes avaient été accueillis par un vent glacial. Aucun homme depuis. Le vingt janvier 1950, plus d’un siècle plus tard, les Expéditions polaires françaises débarquent à nouveau en Terre Adélie. Le froid est toujours là, si intense qu’une neige fine tombe du nez à chaque expiration. On appelle cela l’été polaire. Une simple vue de l’esprit. L’été à moins trente ! Aujourd’hui était vendredi. Un vendredi de début de troisième millénaire. Vendredi ? Qu’importe ! Les jours se ressemblaient en plein mois de janvier. Il n’y avait pas des jours mais Le jour ! L’astre diurne paraissait n’être que le reflet de ce territoire sans âme. Dans quelques heures, la nuit viendrait mais personne ne le saurait vraiment. Encore une vue de l’esprit. Le temps était-il ici banni à jamais ? Le jour semblait éternel aux premiers jours de l’année. Même à minuit les rayons diffusaient l’imperturbable lumière de l’antarctique patience. A peine l’étoile au- dessus danserait-elle de sa courbe légère. Les nuances apparaîtraient. Le ciel glacial jouerait de teintes azurées 7 laissant même des traces d’indigo flirter avec les lignes cassées de quelques hauteurs du lointain Ice Shelf de Ross. Le bout du monde dormait dans un silence parfait. Le silence ! Aucun bruissement de feuillages. Pas même le gazouillis d’un oiseau, ni d’un insecte. Le silence d’ici est absence ! Un silence si vide qu’un battement de cœur ressemble à une explosion assourdissante. Le vrai silence est un mystère en soi. Mystérieux ! Le dernier continent découvert par les hommes était aussi le plus mystérieux… Pas même le bout du monde, l’Antarctique était une autre planète. Un spectacle sans borne, protégé par sa nature même, n’émerveillait aucun spectateur. Le panorama était sublime. L’horizon acéré découpait le pastel dégradé de célestes stores vénitiens blafards. Plus haut, Soleil et Lune étaient jumeaux. Même taille, même éclat. Y avait-il deux lunes ? Deux étoiles ? D’étranges lueurs dans une nuit indéfinissable irisaient les cieux d’arches et de franges vertes et rouges. L’aurore australe tournoyait avec majesté en volutes gigantesques de particules solaires. Ces draps soyeux montaient vers les astres évoquant la toge immaculée des dieux. Peut-être était-ce leur royaume. 8 Des crêtes incertaines, comme des villes fantomatiques, étaient la seule originalité sur cette table rase incolore. L’infini paysage, d’une monotone blancheur, ignorait superbement les lignes émaciées du plateau polaire. Trois mille mètres de haut ! Hautes latitudes rimaient avec hautes altitudes. Haut et loin. Froid et sans vie. Au sud du Sud. La nature avait exagéré. Seule la litote convenait pour décrire la puissance, l’invincibilité de ce continent. L’exagération aurait trahi son empire : tout était loin et profond. Inaccessible ! L’homme avait pourtant rendez-vous avec l’Histoire… A trois cents kilomètres des côtes, quelque part entre la uploads/Geographie/ le-jugement-dernier-ii.pdf
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- Publié le Mar 22, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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