J. KRISHNÂMURTI LA VIE LIBÉRÉE (Tiaduit de l ’anglais.) Deuxième Edition P A R

J. KRISHNÂMURTI LA VIE LIBÉRÉE (Tiaduit de l ’anglais.) Deuxième Edition P A R I S LES ÉDITIONS DE L> ÉTOILE 4, SQUARE RAPP, 4 1934 Copyright 1929 by LES ÉDITIONS DE L’ÉTOILE I Le But de la Vie C om m e les ombres s’éveillaient et que le par­ fum du matin se mêlait à la brise, je vis un aigle descendre des sommets. Sans un fré­ missement des ailes, il s’abattit sur la vallée et disparut dans l’ombre des montagnes obscures. A la fin du jour, je le vis retourner vers sa demeure, parmi les cimes, loin des querelles, des luttes et des agitations du monde. Il est pareil à cet aigle, l’homme qui a contemplé la vision de la Vérité, et qui, tout en luttant dans le monde, a établi pour lui-même le but éternel. Bien qu’il puisse errer parmi les choses transitoires et se perdre au milieu des ombres, toute sa vie sera pour­ tant guidée par ce but. Il s’élèvera au-dessus de toutes les douleurs, au-dessus de tous les plaisirs passagers, de toutes les joies éphémères, comme l’aigle s’élève vers le lieu de son habitation. Etablir ce but éternel est donc d’une importance primordiale pour celui qui désire se • dégager de 5 toutes les complications de la vie — il ne s’agit pas du but d’un autre, ni de la vision d’un autre, mais du but né de l’expérience, de la douleur, de la souf­ france et de la compréhension personnelles. Un tel but, une fois établi, répandra la lumière sur toute confusion de pensée et rendra claire la raison d’être de la vie. Comme un vaisseau sans boussole se perd sur la mer, l’homme qui n'a pas la perception du but fixe et éternel, s’égare dans les inextricables com­ plexités de ce monde. De même que le capitaine d’un bateau, la destination de son navire une fois déterminée, peut, au moyen d’une boussole, se diri­ ger sur la. mer obscure dans les nuits de tempête, de même l’homme qui connaît son but peut arriver à guider sa vie, au moyen de cette boussole qu’est la compréhension. C’est parce que l’individu ne connaît pas son but qu’il est plongé dans l’incertitude et le chaos. C’est parce que l’individu n’a pas résolu son propre pro­ blème que le problème du monde n’a pas été résolu. Le problème individuel est le problème du monde. Si un être est malheureux, mécontent, insatisfait, autour de lui le monde sera dans la douleur, le mé­ contentement et l’ignorance. Si l’individu ne trouve pas son but, le monde ne trouvera pas le sien non plus. Vous ne pouvez séparer l’individu du monde, ils ne font qu’un. Si le problème individuel peut 6 être résolu par la compréhension, il en est de même pour le problème du monde. Avant d’aider les au­ tres à comprendre, il faut que vous ayez vous-même compris. Quand vous aurez établi la Vérité dans votre coeur et dans votre esprit, elle y demeurera éternellement. Un jour, à Bénarès, je descendais en bateau le Gange, le fleuve sacré, et je regardais sur les rives les gens qui venaient adorer Dieu dans leur recher­ che du bonheur, dans leur recherche du but et du moyen de l’atteindre. Je vis un homme plongé dans la méditation, oubliant tout ce qui l’entourait pour concentrer son esprit sur cette unique pensée : dé­ couvrir et atteindre le but. J’en vis un autre qui ac­ complissait les rites prescrits par son système de yoga; un autre encore qui psalmodiait des chants et n’avait plus conscience du monde ni de lui-même. Tous cherchaient ce que vous cherchez, ce que tout le monde cherche dans les moments de réflexion profonde et d’ardent désir. Comme une barque est entraînée par le courant, ainsi chaque homme est entraîné par ses désirs, ses passions et ses aspira­ tions, parce qu’il n’a pas trouvé ou fixé son but. Or, le but n’ayant pas été fixé, le sentier qui y conduit n’ayant pas été trouvé, il y a confusion et chaos, hésitation et doute. Tant qu’un seul doute subsiste encore dans l’esprit, il ne peut y avoir ni paix, ni certitude, ni cette exaltation qui conduit au but. 7 Il en est ainsi dans le monde entier, quoiqu’il y ' ait partout dés cœurs qui battent et des esprits ca­ pables de penser. Partout l’homme cherche incon­ sciemment à se libérer de son étroitesse, de sa mes­ quinerie. Cette recherche a pour fin la liberté et le bonheur éternel. Il fait des expériences sur divers chemins, et chaque chemin le mène vers un réseau de complications. Il erre de vie en vie, de sanctuaire en sanctuaire, de religion en religion, accumulant de l’expérience, acceptant ceci, rejetant cela, puis acceptant de nouveau, et c’est ainsi qu’il se dirige vers le but qui l’attend, aussi bien que tous les hommes. Pendant qu’il accumule et rejette les cho- sës les unes après les autres, il ne sait où trouver la consolation, et dès qu’il cherche cette consolation sur une voie particulière, il se laisse lier et retenir. Il y a tant d’interprètes de la Vérité, tant de sentiers divergents, tant de croyances et de religions, que l’homme se perd dans leurs complexités. Comme un papillon se heurte à la vitre, en s’efforçant de s’échapper pour aller au grand air, vers le ciel libre, l’homme lutte, tant qu’il n’a pas entrevu le but — ce but qui, pourtant, n’est pas difficile à établir. C’est parce que les hommes sont dans les ténèbres qu’il leur semble lointain. De même que le potier modèle l’argile selon le bon plaisir de son inspiration, l’homme peut mode­ ler sa vie selon le désir de son cœur, et comme on 8 donne aux vases de terre des formes belles ou laides, ainsi vous pouvez rendre votre vie belle ou laide, d’après le but que vous vous êtes fixé. Je voudrais vous aider à marcher vers ce but final que vous cherchez, que vous désirez atteindre; il attend tous les peuples de la terre, quels que soient leurs expériences, leurs pensées ou leurs sen­ timents. Quand vous l’aurez trouvé, vous saurez vous guider à travers les ténèbres du monde, comme un homme se guide dans la nuit sombre au moyen des étoiles. Une fois qu’un tel but est fixé, but qui est bonheur et, par conséquent, liberté, la. vie devient simple, il n’y a plus de chaos, et le temps disparaît avec toutes ses complications; mais vous ne l’avez pas encore déterminé pour vous-même, et c’est pourquoi le présent vous paraît sombre, telle une montagne après le coucher du soleil — la lumière s’évanouit et l’ombre de la montagne recouvre la vallée. Le temps enchaîne la vie : dès que vous serez libre, vous serez au delà du temps. C’est alors que vous pourrez vous guider par vous-même, sans dépendre d’aucune autorité exté­ rieure. Alors, vous ne craindrez plus rien. Alors, il n’y aura plus pour vous de conflit entre le bien et le mal. Lorsque vous aurez libéré la Vie, vous trou­ verez le bonheur, seul but et seule Vérité absolue. 9 II Bonheur et Désir arce que l’homme a oublié que son but véri- table est de cultiver le bonheur en lui-même et en ceux qui l’entourent, la confusion et le chaos régnent, et ses actions ne font qu’ajouter à ce A quoi aspire-t-il de toutes ses forces? Au bonheur. Le véritable bonheur n’est ni égoïste, ni négatif. Il est intelligent, il est le résultat de toutes les expériences; il est la Vérité, qui est éternelle. Aucun nuage ne peut le cacher, aucun chagrin le diminuer. C’est ce bonheur que j’ai toujours désiré. J’ai vu des gens écrasés par le labeur, accomplissant de grands travaux, accumulant la connaissance, cherchant de toutes leurs forces la spiritualité et qui, cependant, avaient oublié ce qui, seul, nourrit le cœur et donne la vie à l’esprit — le bonheur. Il ne peut y avoir de santé que dans le bonheur. Celui qui ne l’a pas trouvé ne découvrira jamais la Vérité, chaos. 11 n’arrivera jamais à l’accomplissement de la vie, n’aura jamais la paix en ce monde. Si vous voulez établir ce bonheur en vous-même, il faut en faire votre but, et alors votre vie sera pa­ reille à la flamme qui s’élance vers le ciel. Pour trouver le bonheur, les hommes ont recours à bien des choses : ils adorent dans les temples et les églises, ils puisent dans les livres le savoir des au­ tres, ils accomplissent des rites religieux, avec l’es­ poir de faire régner la paix et la tranquillité dans leur esprit. Sans cesse le désir du bonheur ronge leur cœur. En Amérique, c’est vers le domaine physique sur­ tout que se porte la recherche du bonheur. On dit que sans le confort physique, sans un corps vigou­ reux et sain, les émotions ne peuvent se développer normalement. Mais en essayant d’établir des condi­ tions physiques parfaites, on perd de vue d’autres choses essentielles. Aux Indes, on uploads/Geographie/ la-vie-libe-re-e-pdfdrive.pdf

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