N°458 - JUIN 1996 PRIX : 14 F L A P O P U L A T IO N IM M IG R É E L e ré s u l
N°458 - JUIN 1996 PRIX : 14 F L A P O P U L A T IO N IM M IG R É E L e ré s u lta t d ’u n e lo n g u e h is to ire Fabienne Daguet et Suzanne Thave, Département de la démographie, Insee L a France est un pays d’immigration ancienne. Ce sont essentiellement les besoins de main-d’œuvre qui ont suscité les deux grandes vagues d’ar- rivées du XXème siècle, dans les années vingt et les années soixante. La part des immigrés dans la population totale a atteint 7 % en 1931, a ensuite baissé, puis est remontée à ce niveau en 1968 avant de se stabiliser. Les immigrés forment une population plutôt adulte et masculine. Les enfants y sont peu représentés puisqu’un immigré est nécessairement né à l’étran- ger. C’est une population très hétérogène par l’ancienneté des vagues d’arrivée, la variété des motifs d’entrée, la diversité des pays d’origine. Les Européens y sont toujours majoritaires. Par convention, les immigrés sont les per- sonnes résidant en France et nées étran- gères à l’étranger, qu’elles aient ou non acquis la nationalité française. La popula- tion immigrée évolue par les entrées et les sorties du territoire, et les décès. Les motifs d’entrée en France sont divers : immigration de travail, regroupement familial, demande d’asile ... L’immigration n’est pas un phénomène ré- cent. Au début du siècle, la France comptait déjà environ un million d’immigrés, soit près de 3 % de la population totale, avec une lé- gère prédominance masculine (graphi- que 1). Cette proportion a crû fortement jusqu’en 1931 par suite d’une entrée impor- tante de main-d’œuvre : elle a atteint 8,2 % pour les hommes mais seulement 5,1 % pour les femmes. Les parts respectives des hommes et des femmes immigrés dans la population totale se sont ensuite infléchies pour remonter de 1946 à 1975. Cette année- là, la France comptait 3,9 millions d’immi- grés (tableau). A partir de 1975, cette population a connu une lente croissance en effectif, jusqu’à 4,2 millions en 1990. Mais sa part dans la population totale est restée stable. Elle est, en 1990, un peu plus élevée qu’en 1931 : 7,4 % contre 6,6 % (graphi- que 1). L’écart entre hommes et femmes s’est réduit en raison de l’essor du regrou- pement familial. Une vieille histoire La longue tradition d’immigration qui carac- térise la France est due essentiellement à la baisse de sa fécondité, qui a débuté dès le milieu du XVIIIe siècle. Il en résultait une faible croissance démographique. La main- d’œuvre devenait insuffisante pour un pays qui s’industrialisait sans pouvoir utiliser massivement la population rurale. Aussi, dans la seconde moitié du XIXème siècle, la France était déjà un pays d’immigration. La législation sur la nationalité, en alliant droit du sol et droit du sang, avait d’ailleurs pris en compte la contribution des étrangers au peuplement du pays. La position de la France contrastait avec celle de la plupart des autres pays européens, qui connais- saient fécondité élevée et émigration. Cette INSEE PREMIERE Part de la population immigrée dans la population totale Source : Recensements de la population, Insee Pendant l’année de son cinquantenaire l’INSEE publie une série d’études rétrospectives dissemblance a duré jusqu’à la Se- conde Guerre mondiale. Au XXème siècle, les plus forts cou- rants migratoires, de 1920 à 1930 et de 1956 à 1973, ont correspondu aux périodes de croissance économique et de pénurie de main-d’œuvre. Les pre- miers essais de recrutement collectif remontent à 1908. L’Etat est intervenu pour la première fois en 1915, pour compenser la mobilisation. A la fin de la guerre, la population active était am- putée des 1,4 million d’hommes jeu- nes tués et des invalides. Aussi les années vingt ont-elles été marquées par une immigration étrangère mas- sive. La France est devenue alors le second pays d’immigration au monde après les Etats-Unis et le premier par rapport au nombre d’habitants. De 1919 à 1930, le gouvernement fran- çais a conclu des conventions d’immi- gration avec plusieurs pays frontaliers et d’Europe centrale, mais une grande partie des arrivées a été assurée par des organismes privés. La France a servi aussi d’asile à un grand nombre d’étrangers. L’effectif des immigrés a atteint un maximum en 1931 (tableau). La crise économique des années trente a fortement ralenti l’immigration et provoqué des retours. En 1932, plu- sieurs lois et décrets ont rendu plus difficile l’entrée de travailleurs étran- gers. L’immigration a repris de 1936 à 1939, en raison surtout de l’arrivée des réfugiés espagnols. Ensuite, la Seconde Guerre mondiale a provoqué à son tour de nombreux départs. A partir de 1945, afin de pallier l’insuf- fisance de main-d’œuvre à laquelle se heurtait l’économie en reconstruction, puis en pleine croissance, l’Etat a en- couragé officiellement l’immigration, mais a souhaité mieux la contrôler. En 1946, l’Office national d’immigration (ONI) a été créé pour recruter et intro- duire des travailleurs étrangers et éventuellement leur famille. Un peu plus tard, en 1952, la France signait la convention de Genève de 1951, à l’ori- gine de la pratique actuelle de l’asile, et créait l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). L’OFPRA reçoit les dossiers des étrangers entrés en France au titre de demandeurs d’asile, attribue la qualité de réfugié et assure leur protection. De nombreux immigrés sont entrés en dehors de l’ONI et ont fait régulariser leur situation postérieurement. De 1965 à 1968, 80 % des introductions de travailleurs par l’ONI sont des régu- larisations. Soutenue par les entrepre- neurs, l’immigration, qui avait repris dès 1945, a acquis une nouvelle vigueur de 1956 à 1973. Le niveau atteint par l’effectif des immigrés en 1931 a été dépassé au recensement Répartition de la population résidant en France métropolitaine selon le lieu de naissance et la nationalité aux différents recensements En milliers Années Population totale Nés en France (métropole et DOM-TOM) Nés à l’étranger Ensemble immigrés (1) + (2) Français de naissance Français par acquisition Etrangers Français de naissance Français par acquisition (1) Etrangers (2) 1911 39 192 37 652 85 218 127 168 942 1 110 1921 38 798 36 847 80 277 164 174 1 255 1 429 1926 40 228 37 384 45 325 187 204 2 084 2 288 1931 41 228 37 937 55 291 216 306 2 423 2 729 1936 41 183 38 220 100 288 248 416 1 910 2 326 1946 39 848 36 908 301 310 343 552 1 434 1 986 1954 42 781 39 571 295 245 377 773 1 520 2 293 1962 46 456 42 133 336 220 905 931 1 931 2 861 1968 49 756 44 009 297 402 1 766 1 019 2 262 3 281 1975 52 599 45 907 280 667 1 858 1 112 2 775 3 887 1982 54 296 47 169 254 845 1 991 1 167 2 870 4 037 1990 56 652 49 556 472 739 1 719 1 308 2 858 4 166 * En 1911, les frontières de la métropole sont celles de 1871. Avant 1962, les personnes nées à l’étranger sont nées hors de métropole et des DOM-TOM de l’époque. A partir de 1962, ce sont les personnes nées hors de France métropolitaine et hors Antilles, Guyane, Réunion, TOM selon le territoire de 1990. Les originaires d’Algérie, bien que juridiquement français et nés sur un territoire français avant 1962, sont comptés avec les étrangers nés à l’étranger ; de 1954 à 1968, ils ont été dénombrés comme Musulmans algériens. En revanche les rapatriés d’Algérie, Français de naissance, ne sont pas des immigrés. De 1911 à 1968, le lieu de naissance non déclaré des Français de naissance est supposé être la France, celui des étrangers ou Français par acquisition, l’étranger. Sources : Recensements de la population : de 1911 à 1946, résultats des dépouillements exhaustifs ; 1954, estimations à partir du dépouillement exhaustif 1962 et 1968, exploitations au 1/20, 1975 au 1/5, 1982 et 1990 au 1/4. Les immigrés par sexe et âge Source : Recensements de la population, Insee de 1962 où il approchait les trois millions. En juillet 1974, préoccupé par le ralen- tissement de la croissance écono- mique et soucieux de limiter le nombre des étrangers, le gouvernement déci- da l’arrêt officiel de l’immigration hors droit d’asile, sauf dans le cadre du regroupement familial et de demandes spécifiques émanant d’employeurs. En fait, l’entrée de travailleurs, bien que freinée, ne s’est jamais tarie et l’aide au retour a donné des résultats limités. Depuis 1975, c’est désormais l’immigration de regroupement familial qui prédomine dans les statistiques de l’ONI devenu OMI (Office des migra- tions internationales) en 1987. Une majorité d’immigrés d’origine européenne Les créateurs de l’ONI s’attendaient à une immigration européenne. Si effec- tivement de nombreux immigrés sont arrivés d’Italie, la migration d’Algérie a pris une place importante parce que, jusqu’en 1968, elle n’était pas freinée par des démarches administratives. En 1962, les originaires d’Italie repré- sentaient le premier contingent d’im- migrés avec 32 uploads/Geographie/ immigration-en-france-une-longue-histoire-insee.pdf
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- Publié le Mar 26, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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