1 © Fondation de la Maison de la chimie, 2020 L’EAU, UNE RESSOURCE INDISPENSABL

1 © Fondation de la Maison de la chimie, 2020 L’EAU, UNE RESSOURCE INDISPENSABLE POUR LA VILLE Arnaud Charles, Andrée Harari, Jean-Claude Bernier D’après l’article L’eau et la ville de Paul-Joël Derian publié dans l’ouvrage « La chimie et les grandes villes » EDP Sciences, 2017 , ISBN : 978-2-7598-2134-1 INTRODUCTION La population mondiale en 2050 sera de 9 à 10 milliards d’habitants, c’est-à-dire que nous aurons une croissance de 2,5 milliards d’habitants dans les trente prochaines années et que l’essentiel de cette croissance (80-90 %) sera localisé dans les villes. Beaucoup de villes sont situées dans des zones où il peut y avoir une pénurie d’eau ou des problèmes d’approvisionnement en eau. Cela risque donc de poser des problèmes graves, mais des solutions existent. LE CYCLE URBAIN DE L’EAU Le cycle urbain de l’eau se divise en quatre parties (Figure 1) : la production d’eau potable, sa distri- bution, la collecte des eaux usées et leur assainis- sement. La production d’eau potable (1) utilise les ressources disponibles telles que les ressources souterraines, les rivières, les lacs, et, de plus en plus dans certaines régions du monde, les ressources issues du dessalement de l’eau de mer. Typiquement, un réseau de distribution d’eau potable représente 1 000 à 5 000 kilomètres sur lesquels il faut assurer la qualité de l’eau, mais aussi résoudre des problèmes d’énergie : le pompage de l’eau, quand il s’agit de 1 million de m3 par jour, consomme beaucoup d’énergie. Le réseau de collecte des eaux usées, lui aussi impor- tant, peut présenter des problèmes de captage, de pollution, de stockage de ces eaux et aussi, éventuel- lement, des problèmes liés aux odeurs et aux inonda- tions. Figure 1 – Le cycle urbain de l’eau. Source : d’après Eau du grand Lyon. PRODUCTION • Production eau potable • Dessalement eau de mer ou puits saumâtres (50 000 à 1 million m3/j) DISTRIBUTION • Réseau de distribution (~1 000-5 000 km) • Qualité, énergie, disponible dans l’ensemble du réseau ASSAINISSEMENT • Élimination des pollutions principales (DCO, NH3, phosphates) • Élimination des pollutions nouvelles : micropolluants (molécules agrochimiques et pharmaceutiques) – Antibiorésistance • ReUse : réutilisation de l’eau pour applications diverses (y compris pour potabilisation) COLLECTE • Réseaux collectes eaux usées et pluviales (~1 000-5 000 km) • Captage, pollutions, stockages des eaux, odeurs, inondations… Réseau pluvial Industries Logements Réservoir Assainissement non collectif Déversoir d’orage Réseau unitaire Rejets Milieu naturel Précipitations Nappes 3 Le stockage 2 La production d’eau potable 4 La distribution 5 L’assainissement 6 La station d’épuration 1 Le prélèvement Captage 100 millions de m3 par an 450 millions de m3 par an 13 millions de m3 par an 180 millions de m3 par an Il existe 11 stations sur le territoire du Grand Lyon Le cycle urbain de l’eau 2 © Fondation de la Maison de la chimie, 2020 L’eau, une ressource indispensable pour la ville Les eaux usées doivent être assainies avant de les réinjecter dans la nature. Il faut éliminer les polluants (2) connus comme le carbone (la matière organique), les composés de l’azote et du phosphore, mais aussi les micropolluants, ces molécules agrochimiques ou pharmaceutiques comme le cachet d’aspirine qu’on prend le matin et qu’on retrouve ensuite dans les eaux usées (3, 4, 5). Quelques nouvelles technologies permettent de traiter l’eau. LES GRANDS PROCÉDÉS, LES TECHNOLOGIES ET LES DÉFIS DU TRAITEMENT DE L’EAU Les différents procédés de production d’eau potable dépendent de l’origine de la ressource : l’eau souter- raine, l’eau de rivière, l’eau de surface, l’eau de mer, et de plus en plus l’eau usée. Différentes techniques permettent d’optimiser la qualité de l’eau, comme l’absorption sur charbon actif, l’ozonation, la filtration, la décarbonation, le dessalement mais aussi la valorisation des eaux usées. Deux « techniques classiques » sont utilisées pour le traitement de l’eau : l’adsorption sur charbon actif qui permet d’éliminer les matières organiques et les micropolluants et l’oxydation par l’ozone (O3), appelée ozonation, pour éliminer les molécules organiques, les virus et les bactéries, donc pour assainir (6). Lors de l’ozonation, il faut d’abord produire l’ozone (O3) à partir du dioxygène (O2) (7) selon la réaction 3O2 → 2O3, puis l’injecter dans un réacteur (le contacteur). L’adsorption sur charbon actif, facile à réaliser au laboratoire, est plus compliquée à mettre en œuvre à très grande échelle dans des installations robustes dans la durée. Il faut en effet renouveler en continu le lit de charbon et prévoir l’évacuation continue des boues. Après ces différents traitements, il faut prévoir un système de collecte et d’évacuation des boues ; un système de clarification de l’eau permet d’éliminer les particules en suspension et une évacuation de l’eau traitée. À cette fin, lors de la clarification, un coagulant est injecté dans l’eau et permet la sépara- tion par décantation de l’eau épurée et des boues ou résidus secondaires issus de la dégradation de la matière organique. Parfois les technologies classiques ne suffisent pas et, selon la taille des polluants à retenir, on utilise diverses « technologies membranaires » dans la mise au point desquelles la chimie a joué un rôle important. Selon le cas, on utilise des membranes (Figure 2) qui peuvent retenir des objets de plus en plus petits, partant de très gros objets pour la filtration, de l’ordre du micron (µm), pour aller jusqu’à la nanofiltration qui retiendra même quelques sels dissous, voire à l’osmose inverse (8), barrière absolue qui élimine strictement tous les composés, ne laissant passer que les molécules d’eau pour produire de l’eau traitée. Figure 2 – Les techniques membranaires de filtration varient selon la taille des polluants à éliminer. Source : Michel Hurtrez, Groupe SUEZ. 3 © Fondation de la Maison de la chimie, 2020 L’eau, une ressource indispensable pour la ville énergie (15 à 7 KWh/m3) et l’osmose inverse plus économe (4 à 5 KWh/m3). Ces procédés participent donc à l’émission des gaz à effet de serre. Toutefois, certaines entre- prises développent des usines de dessalement écoénergétiques alimentées par des énergies renouvelables. Avant d’être rejetés dans le milieu naturel, les eaux usées provenant de l’activité humaine ou des eaux pluviales doivent être contrôlées et traitées. La technologie classique et ancienne des boues activées (Figure 3) a pour objectif d’éliminer le carbone, le phosphore et l’azote. Les micropolluants produits au quotidien (Figure 4) sont une préoccupation grandissante : ils ont un impact avéré sur le milieu naturel (sexe des poissons micropolluants pesticides métaux métalloïdes résidus médicamenteux plastifiants, détergents… perturbateur endocrinien bioaccumulatif Persistant cancérigène … Figure 4 – Les micropolluants ont diverses origines et ont des effets potentiels encore mal connus sur la santé humaine. Ainsi l’installation de production d’eau de Saint- Cloud, dans les Hauts de Seine, utilise le procédé d’ultrafiltration qui permet de retenir les déchets dont la taille est de l’ordre du micromètre. La chimie intervient aussi dans le procédé de décar- bonation de l’eau. En effet, une eau douce est une eau pauvre en calcium et magnésium alors qu’une eau dure est riche en sels dissous, majoritairement sels de calcium et de magnésium. Une eau dure entraîne des problèmes d’entartrage des canalisations ou des ballons d’eau chaude et donc une surconsommation d’énergie électrique. La décarbonation qui permet d’adoucir l’eau, consiste à diminuer le carbonate de calcium (CaCO3) et l’hydroxyde de magnésium Mg(OH)2 par dissolution de chaux CaO dans l’eau selon la réaction globale : 3Ca(OH)2 + Ca(HCO3)2 + Mg(HCO3)2 → 4 CaCO3 + Mg(OH)2 + 4H2O « CaCO3 et Mg(OH)2 sont des précipités » On peut produire de l’eau potable à partir de l’eau souterraine. Cependant, de plus en plus de grandes villes côtières confrontées à une pénurie d’eau optent pour le dessalement de l’eau de mer (9). Le traitement de l’eau salée est une réalité industrielle de plus en plus répandue : on passe du traitement par filtration à l’élimination de tous les sels contenus dans l’eau. Actuellement, près de 100 millions de m3 d’eau par jour sont produits par dessalement d’eau de mer, dans environ 15 000 installations situées dans 150 pays. Deux techniques sont utilisées : la distil- lation flash (MSF) ou multiple (MED) gourmandes en Traitement biologique Élimination C & N & P Traitement tertiaire Élimination micropolluants Traitements des boues Digesteur anaérobie Boues activées Traitement primaire Éliminatin solide H2O, C, N, P H2O Ultrafltration UV Ozonation Filière de traitement des eaux usées Filière de traitement des boues Figure 3 – Les unités d’assainissement classiques traitent les eaux en trois temps : un premier traitement élimine les plus gros solides (1er étage), un traitement biologique (boues activées) élimine le carbone, l’azote et le phosphore, puis un dernier traitement élimine les micropolluants (2e étage). Source : Michel Hurtrez, Groupe SUEZ. 4 © Fondation de la Maison de la chimie, 2020 L’eau, une ressource indispensable pour la ville Jean-Claude Bernier, professeur émérite de l’Université de Strasbourg, ancien directeur scientifique des sciences chimiques du CNRS Arnaud Charles, professeur de physique chimie Andrée Harari, ingénieur ENSCP, directeur de recherches honoraire au CNRS, spécialité de recherches : science des matériaux Grégory Syoën, professeur agrégé, chef de projet Mediachimie-Fondation de uploads/Geographie/ fc4-41-eau.pdf

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