Extrait de la publication LE POINT DE VUE DES ÉDITEURS Un jeune homme a perdu s
Extrait de la publication LE POINT DE VUE DES ÉDITEURS Un jeune homme a perdu son premier amour. Mi reille vient de le quitter, de briser le lien ultime de l’enfance. Perdu, il sombre dans l’alcool et, dans un état second, commet l’irréparable. Du fond d’une cellule où il est en garde à vue, sa mémoire s’enroule et se déroule comme un chant inté- rieur. Et c’est la voix des ancêtres qui ré sonne soudain, celle qui impose partage, honneur et héritages, celle qui réinvente l’Afrique sublimée – mensonge des exi- lés –, celle qui croit en core à la con science du peuple noir. Mais cette Afrique magnifiée n’existe pas pour ce jeune homme. Sa vie s’est blottie dans la région pari- sienne, dans cette ville, ce pays devenus pour lui une réalité de métissage et de réussite intime. Une vie d’amitiés et de compagnonnages, de cités, de quartiers et de voisinages, de fêtes d’enfance et de sensualité, de violence aussi mais jusqu’alors maintenue à dis tance comme peut l’être la peur. Avec une implacable justesse de ton, Wil fried N’Sondé explore la douleur de l’amour, l’apparte- nance et la violence, le désir et l’effroi comme autant de scansions qui ordonnent l’ar chitec ture de ce livre aussi émouvant que percutant. “AFRIQUES” série dirigée par Bernard Magnier Extrait de la publication WILFRIED N’SONDÉ Wilfried N’Sondé est musicien. Il vit à Berlin depuis quelques années. Le Cœur des enfants léopards est son premier roman. © ACTES SUD, 2007 ISBN 978-2-7427-6558-4 978-2-330-01036-2 Extrait de la publication Extrait de la publication WILFRIED N’SONDÉ Le Cœur des enfants léopards roman ACTES SUD Extrait de la publication Extrait de la publication … De cette terre que l’on me ravit, ma mère quel orage ma vie ! SERGE “MNSA” N’SONDÉ Au hasard des tempêtes nous deve- nons plus beau ! WILFRIED PARACLET N’SONDÉ Extrait de la publication Extrait de la publication De Vancouver à Brasília, parmi les gang- sters new-yorkais, à Bahia ou à Lagos, der- rière les barreaux de Fleury-Mérogis ou sur les bancs des amphithéâtres de la Sorbonne, chez certains junkies de la gare centrale d’Amsterdam, pour les orphelins sidéens de Mombassa, pour un grand nombre de pas- sagers pressés et serrés du RER A à Paris, dans la mémoire des défunts qui veillent sur le Kongo, sur tous les visages des participants des cérémonies vaudou en Haïti, pour ceux enfouis depuis des siècles sous le sol du continent africain, sous l’uniforme des tirail leurs coupeurs d’oreilles, drogués, enragés, em bourbés dans les tranchées des Flandres pendant la guerre 14-18, sur les ossements qui jonchent le fond de l’At- lantique, chez les demandeurs d’asile aux autorités de l’Union européenne, pour les ven- deuses du marché de Brixton, dans la liesse des sound systems à Kingston, et surtout pour les gé nocidés du Rwanda, … Afrique erre sur nos peaux noires. Extrait de la publication Extrait de la publication Des questions, toujours des questions, il ne s’arrêtera donc jamais ! J’ai énormément de mal à comprendre où je suis. Le capitaine hurle ses questions dans ma tête qui ne peut pas tout saisir correctement, il est tard et j’ai trop bu, trop fumé, qu’il s’arrête ! Peut-être ne se rend-il pas compte que je ne suis plus en mesure de lui répondre. Ouvrez au moins une fenêtre, s’il vous plaît ! Non, il s’entête, et que je la ferme bordel, je suis en garde à vue ! Je peine. Dans mon brouillard la silhouette de l’ancêtre, hors de lui ! C’est pas pour ça que tu es venu en France mon fils ! J’ai peur des interrogations, des années de questions qui encombrent mon cerveau. T’es qui ? Tu viens d’où ? T’as bien travaillé à l’école ? C’est com- ment ton pays ? 13 Extrait de la publication * Egaré dans un tourbillon d’images désor- données, des pensées floues me revien- nent, elles défilent au galop. Ce sont, je suppose, des éclats de ma vie. J’y aperçois l’ancêtre se lever, il se tient maladroit. Autour de lui, une nuée d’esprits de bonté. Halluciné, son regard s’est perdu quelque part au-delà des vivants, ses mots, eux, je les entends encore très bien… Il faut toujours y croire. Rester fort. La foi soulève des montagnes. Tu ne regardes pas la vie, non, tu la prends à pleines mains, tu la couches sous toi comme une femme, une vraie, avec la cambrure comme une prière. Tu l’étreins doucement, parfois plus in - tensément, tu cherches les sources de vie palpitantes, torrides et moites, ici, ailleurs, partout, le monde t’appartient. Apprends à sentir le monde, donne-lui toujours le meilleur de toi-même. Mords sans retenue. La peur, tu la laisses loin derrière toi, elle passe en toi et puis s’en va. Marche comme un seigneur parmi les autres, pense cons - tamment au sens de tes actes, tout pas ré - sonne, les tiens étonnent ! Prends garde à ton port de tête, surtout quand la vie fait mal au corps ou au cœur. Crache violem- ment au sol s’il le faut, sois sourd au souffle mauvais et mesquin, celui-là t’entraîne dans la tanière du regret, de l’envie et du ressen - timent. 14 Extrait de la publication Avec les mots, il y a aussi cette présence difficile à décrire. Les invisibles portent cha - que syllabe dans leur voyage jusque dans mon âme, les chargeant d’un sens encore plus grave. C’est une sensation forte sur ma peau, proche d’une caresse tendre d’amant. Tout en moi est saisi, alerté par ces paroles. Serre les dents quand la vie est aride, quand elle taille des entailles profondes au fond de toi. La solitude, tu ne la connaî- tras jamais, tu es un maillon de la chaîne éternelle, le trait d’union sans lequel tout se brise. Laisse-toi de temps en temps chavi- rer, pour rejoindre le temps d’un rêve, l’espace d’un voyage, le monde immaté- riel des défunts. C’est là que l’on trouve les clés d’hier, d’aujourd’hui et même de demain, la source inépuisable du bon cœur, qui aime, console et guérit. Ap prends à cana- liser cette force, cette énergie, puisqu’elle peut te bouleverser jus qu’aux abords de la démence. C’est un bain de lumière noire où dansent follement des images et des paroles solennelles. C’est de ça qu’il aimait parler l’ancêtre, fier et exubérant dans son costume bleu foncé, toujours nu-pieds, car ses orteils dé - formés ont découragé tous les chausseurs de ce monde. Par les mots et les gestes, il revivait pleinement, il rayonnait, d’ailleurs c’est peut-être lui qui avait avant moi be soin de ces longs monologues, de cette nourri- ture du cœur. 15 Extrait de la publication Quand tu tombes, tu te relèves, sèche tes larmes, tu es un révolutionnaire, comme la Terre, tu tournes et te retournes sans arrêt. Tu oses entrer dans la lutte, et à la fin, après avoir franchi maints obstacles et écarté les pires ennemis avec élégance, tu oses gagner. Reste modeste. N’oublie pas l’histoire, d’où tu viens, où tu vas, rappelle- toi toujours la brousse, la jungle, les léo- pards, nos esprits qui appellent et agissent jusqu’au-delà des chaînes de la servilité. Ils sont grands, puisqu’ils ont vaincu la mort. Ecoute avec la peau pour entendre les images, plonge-toi tout entier en elles, elles te guideront, géomètres fidèles et infatigables. Solennel et digne, il lève sa chemise et découvre la tache brun clair imprimée sur sa peau, au niveau des reins, parce qu’un léo- pard noir et féroce l’a léché un jour, tout comme il a, avant lui, accepté son père com - me l’un des siens par le même geste. Mon grand-père, chasseur mythique, on dit qu’il pouvait faire uriner un fauve de peur, tant il avait la colère terrible. Quand son courroux tonnait au village, c’est toute une région qui baissait la tête, animaux et Blancs inclus. Sache que les léopards furent les maîtres du pays longtemps avant nous, d’abord ils nous ont chassés sans pitié, puis un jour… Nul ne le sait plus vraiment, mon fils laisse la logique dans ton costume et tes chaussures bien cirées. On ne peut 16 Extrait de la publication l’expliquer plus exactement ni ici ni ailleurs, mais une chose est sûre, l’on retrouva cer- tains d’entre nous dans la brousse et la jungle. D’autres perchés au plus haut d’arbres centenaires, tous nourris à la mamelle de fauves protecteurs, le regard franc et doux, caressés par leurs pattes de velours et de mort. C’est alors qu’a com- mencé notre histoire, le pays kongo. Sois frais, reste toujours alerte pour cette haute voltige qu’est la vie qui t’attend, du grand art, un voyage nouveau. Tu seras un funambule au-dessus des continents, des mondes et du temps. Regard droit, fier, sou- ris et chéris la vie, c’est ton seul trésor. Sois l’artisan de la mutation sans laquelle nous risquons de n’être plus rien demain, puis- qu’il s’agit de devenir ce que nous fûmes. Drissa est présent lui aussi, les larmes aux yeux, uploads/Geographie/ extrait-le-coeur-des-enfants-leopards.pdf
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- Publié le Apv 25, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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