« L'ETYMOLOGIE GRECQUE CE QUE LA LANGUE FRANCAISE DOIT AU GREC » (Athènes, le 1
« L'ETYMOLOGIE GRECQUE CE QUE LA LANGUE FRANCAISE DOIT AU GREC » (Athènes, le 15 avril 2004) Conférence de M. Luc de Williencourt Premier Conseiller à l’Ambassade de France en Grèce en hommage à Jacqueline de Romilly Prologue - prologos : agro, amphi, anti, archi, bio, cata, chrono, dactylo, éco, hétéro, homo, hyper, logo, macro, métro, micro, mono, philo, phono, poly, proto, pseudo, psycho, stylo, taxi, techno, télé, topo, zoo,... Voici une infime partie des fameuses racines grecques, tellement familières que plusieurs d'entre elles sont devenues des mots à part entière du français courant. La question est alors la suivante : quel est l'intérêt de l'étymologie grecque pour l'honnête homme ou l'honnête femme d'aujourd'hui, particulièrement pour un Gaulois ou pour un gallophone comme on dit ici ? Ou encore, que devons-nous à la Grèce pour ce qui touche à notre langue et donc à notre identité ? En d'autres termes, Gaulois et gallophones peuvent-ils dire aujourd'hui : nos ancêtres les Grecs ? X Permettez qu'un métèque (mêtikos), car non citoyen de l'Athènes antique, ou qu'un barbare (barbaros), car incapable de maîtriser le Logos - ne s'exprimant donc que par borborygmes ou barbarismes - rende ici un hommage à la langue d'Homère. Je pense en effet, comme d'autres, que le français n'est pas une langue simplement latine mais gréco-latine. Certes, la langue latine est soeur et non fille de la langue grecque dans la famille indo- européenne, mais combien de mots d'ici, c'est-à-dire "autochtones" selon l'expression locale, 2 ont été latinisés avant de se répandre en Europe occidentale ! L'alphabet lui-même, dit latin, est en réalité d'origine - très primitivement - phénicienne et surtout grecque comme cela a été découvert à Halkida en Eubée, et pas seulement le "y" ! Les voyelles sont d'ailleurs une invention grecque, les langues sémitiques comme le phénicien en étant dépourvues. Citons le dictionnaire étymologique Larousse : à partir du XVIè siècle, sous l'influence des progrès scientifiques et du développement de l'humanisme, le grec - langue de médecins aussi bien que de philosophes et de poètes - a fourni un grand nombre de mots nouveaux. Ceux-ci s'intégrèrent d'autant mieux à la langue française qu'ils avaient souvent subi une transposition latine avant d'être francisés. Fin de citation. Un recensement, bien entendu non exhaustif, de termes français issus en totalité ou partiellement du grec, donne 3600 mots, hormis les noms propres. Certains paraissent d'origine purement - j'allais dire seulement - latine. Ainsi de "laïus", nom latinisé de Laïos, roi de Thèbes, père d'Oedipe. J'en rappelle l'histoire très psychanalytique (encore un mot composé à partir du grec). Laïos et son fils Oedipe se rencontrent à un carrefour. Chacun ignore qui est l'autre, car Oedipe a été abandonné alors qu'il était nouveau-né. Ils se disputent le passage et le fils tue le père. Or, en 1804 à Paris, non loin de la gare "Mont-Parnasse", les élèves de l'Ecole polytechnique (ces deux derniers mots sont d'origine grecque) furent invités à s'exprimer comme s'ils étaient à la place de Laïos. Ce genre de discours imposé fut, par la suite, appelé laïus. Autres exemples, "musée" ne vient pas seulement du latin museum, mais d'abord des neuf Muses, les divinités grecques des arts. "Histoire" remonte bien au grec historia (enquête). "Thermo-stat", "aéro-port" et "auto-mobile" sont ce qu'on appelle des doublets, car d'origine double, en l'occurrence issus d'Athènes et de Rome, mais le suffixe -iste d'automobiliste est typiquement (typikos) d'origine grecque. Rassurez-vous, je ne discerne pas d'étymologie grecque à tout propos comme ce père de famille dans le film Mariage à la grecque (My Greek big fat wedding) pour qui le mot "kimono" vient forcément du grec kheimonas, l'hiver, parce qu'un tel vêtement est nécessaire par temps froid ! De même et malgré les apparences, les calendes ne sont pas d'étymologie grecque mais, en réalité, latine. L'expression "renvoyer aux calendes grecques", contradiction dans les termes, évoque une date qui n'existe pas. 3 Pour les mots comme pour les personnes, la généalogie - terme d'origine grecque - est un exercice délicat. Dans Cratyle de Platon, Socrate met en garde son interlocuteur contre certains errements de l'étymologie. X Bien incapable d'apprendre le grec dans ce pays "poly-glotte", qui vient de présenter sa candidature à l'Organisation Internationale de la Francophonie - de la Gallophonie pourrais-je dire - je suis en Grèce non pas pour apprendre la langue hellénique, mais en fait afin de redécouvrir ma propre langue et ainsi retrouver, comme le disait Cavafys, mon "Ithaque". Autrement dit, ma langue originelle n'est autre que celle de la mère de l'Occident, la Grèce éternelle. Montaigne préconisait d'ailleurs que "l'usage de la langue française succède au langage attique en de bonnes conditions". Puis-je ajouter que notre avenue des Champs Elysées porte un nom issu de la mythologie grecque, même si, contrairement aux apparences, le mot Paris n'est pas d'origine grecque... Aussi, je fais mien le Panégyrique d'Isocrate qui écrivait au IVème siècle avant J.C. : "le nom de Grecs a fini par ne plus représenter une origine mais une culture, une formation de l'esprit, et étaient considérés Grecs ceux qui assimilaient notre manière d'appliquer le droit, notre éducation plutôt que ceux qui avaient la même origine que nous." Nul besoin d'évoquer les références culturelles, fondamentales pour tous les occidentaux, qui se retrouvent dans Athènes, appelée par Thucydide "la Grèce de la Grèce" : rue de l'Académie de Platon, rue du Lycée d'Aristote, Stoa (qui signifie le portique, là où se réunissaient les stoïciens), rue du messager des dieux Hermès, route de Marathon, corniche Poséidon... Aux moments les plus inattendus, le logariasmos du restaurant nous ramène à l'école (skhola) de Pythagore, d'Archimède et de Thalès les mathématiciens (de mathêma, étude), le camion se présente en "métaphore", le cosmétique du magasin nous renvoie au cosmos, ce qui veut dire décor de notre monde. Cela dit sans démagogie hellénophile ni nostalgie philhellène, car les vocables les plus modernes ne viennent-ils pas le plus souvent du grec : le métier de physionomiste, cybercafé, nano-technologies, nosocomial et clonage pour n'en citer que quelques-uns. Les mots électricité ou électronique se rapportent ainsi à êlektron, mot grec pour l'ambre dont les propriétés électrostatiques sont connues depuis l'antiquité la plus reculée. 4 La mythologie qui n'a cessé de se confondre avec l'histoire grecque, comme l'a dit Jacques Lacarrière, nous a légué pléthore (plêthorê) de vocables : l'adonis - le héros grec réputé pour sa beauté. La morphine vient de la divinité du sommeil, aux bras si accueillants. Quant à l'ammoniac, ce mot est issu de la divinité égyptienne Ammon que les Grecs avaient assimilée à Zeus, ces derniers désignant par ammoniakon les sels recueillis près des temples de Zeus. Il y a aussi amphitryon : Zeus prit l'apparence d'Amphitryon, le mari d'Alcmène, pour séduire celle-ci ; un amphitryon désigne un hôte, par allusion au repas offert à cette occasion ; l'esclave d'Amphitryon s'appelait Sosie. Il y a encore aphrodisiaque (du nom de la déesse née à Chypre) et apollon (issu du dieu grec de la beauté, de la lumière et des arts) . Une anecdote botanique (ce sont là deux mots grecs), à ce propos. La nymphe Daphné, du fait qu'Apollon la poursuivait de ses assiduités, fut transformée par son père en laurier. Apollon, dépité, fit du laurier son arbre fétiche et décréta que le front des poètes et des vainqueurs serait désormais couronné de ses feuilles. On sait qu'Apollon exerça une autre fois son pouvoir mythique en métamorphosant (mot grec) Hyakinthos en une jacinthe. Rien à voir avec Narcisse le narcissique, qui s'était épris de son image reflêtée dans l'eau mais insaisissable, qui en meurt de désespoir et en devient la fleur éponyme (étymologiquement : du même nom). Je reprends l'encyclopédie (sens étymologique : éducation complète) des mythes (mythos signifiant parole) : atlantique (du titan Atlas qui supportait sur ses épaules la voûte céleste et qui a donné son nom à l'une des vertèbres cervicales) ; atlas a également un sens "géo-graphique" depuis l'époque (êpokhê) des cartes (khartês) de Mercator. Le mot océan (Okêanos), d'où Océanie, est lui aussi d'origine mythologique. Boréal vient de Borée, divinité- vent du nord, fils d'Aurore, d'où l'aurore boréale. Arctique, du mot grec désignant l'ours, a un rapport direct avec la constellation "astro-nomique" de la Grande Ourse. N'oublions pas les fleuves d'Asie mineure : le Pactole, qui charriait de l'or, et le Méandre tortueux. Citons par ailleurs cerbère (le chien à trois têtes, gardien des Enfers), chimère (de khimaira, monstre à la tête de lion, au corps de chèvre et à la queue de dragon), cyclopéen (les Cyclopes fabriquèrent la foudre à l'intention de Zeus et Ulysse affronta l'un d'entre eux), titanesque (les douze Titans voulaient atteindre le ciel en entassant les montagnes les unes sur les autres), dédale issu du nom de l'architecte légendaire qui construisit le labyrinthe (mot grec) du Minotaure. Il y a aussi le Colosse (mot signifiant statue) de Rhodes et le Phare 5 d'Alexandrie (construit sur l'îlot de Pharos, devant la ville fondée par Alexandre), parmi les sept Merveilles du monde. Echo provient de la nymphe des uploads/Geographie/ etymologie-francais-doit-au-grec.pdf
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- Publié le Jui 27, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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