Mythe et épopée Mythe et épopée I. L'idéologie des trois fonctions dans les épo

Mythe et épopée Mythe et épopée I. L'idéologie des trois fonctions dans les épopées des peuples indo-européens © Éditions Gallimard 1968, et 1986 pour la nouvelle édition corrigée. Mythe et épopée II. Types épiques indo-européens : un héros, un sorcier, U N roi © Éditions Gallimard 1971, et 1986 pour la nouvelle édition corrigée. Mythe et épopée III. H istoires romaines © Éditions Gallimard 1973, 1978 et 1981 pour les 2e et 3e nouvelles éditions corrigées. © Éditions Gallimard 1995 pour la présente édition. (ÏHOIKÎKS DUMÉZIL MYTHE ET ÉPOPÉE I L ’idéolooie dus tro is fonctions DANS LES ÉPOPÉES DES PEUPLES INDO-EUROPÉENS II T y p e s épio d es indo-eu ro péen s : UN DÉ nos, UN SORCIER, UN ROI III H isto ires ro m aines P réface d e J oël H . GRISWARD i) U A II T O ( i A L U M A R D MYTHE ET ÉPOPÉE I TROISIÈME PARTIE m o i s F A M IL L E S C H A P I T R E PREMI ER Les Nartes Le Caucase du Nord. Le Caucase du Nord et la côte merveilleuse par laquelle il aborde la mer Noire et se prolonge fort avant vers le Sud, est un des plus intéressants conservatoires de peuples et de langues qui subsistent sur la terre x; le décor, aussi, d’une longue histoire aux mille péripéties sur laquelle les anciens, les Byzan­ tins, les Arabes nous ont très peu renseignés, mais dont le résultat s’offre à nos yeux : quelques-uns de ces montagnards étaient déjà en place au temps des géographes grecs; d’autres sont des réfugiés d’âges divers à qui la pression d’armées puis­ santes ou de grands États a fait évacuer les plaines du Nord; d’autres enfin représentent des pointes hardies d’envahisseurs venus de loin, qui, une fois installés, accrochés à quelque vallée imprenable, s’y sont comportés comme les indigènes. Car voici bien le plus singulier de cette mosaïque humaine, où tant de petites communautés ont maintenu pendant des siècles le para­ doxe d’une existence fragile : malgré la diversité des origines, malgré des guerres perpétuelles, ce qui domine, c’est un air de famille dû à une longue fréquentation, au cadre naturel, à des unions entre lignées princières, à une fierté surtout, qui ne s’est pas souvent développée en un réel patriotisme, mais qui suffit à opposer ce qui est « caucasien du nord » et le reste du monde. En partant de la côte occidentale et en remontant, au pied de la chaîne, jusqu’à mi-chemin de l’entre-deux mers, on traverse d’abord ce qui reste du grand ensemble tcherkesse, * i. Je reproduis ici les premières pBges (42-44) d’un article « l’Épopée narte » publié dans La Table Ronde de décembre 1958 (numéro 132, consacré à I*« épopée vivante »).Pourla notation des motsossètes, tcherkesses, abkhaz, v. ci-dessus, p, 29-30. 4 7 0 442 Mythe et Épopée I ou circassien. Il y a près d’un siècle, cet ensemble contenait trois peuples de langues apparentées, mais bien distincts : sur la côte, au nord de la Géorgie maritime et jusqu’au-delà de Soukhoum, avec l’arrière-pays immédiatement montagneux, les Abkhaz (Apswa) et leur variété les Abaza; toujours sur la côte, au nord des Abkhaz, les Oubykhs (T°ax) ; au nord des Oubykhs enfin, et s’enfonçant loin dans l’intérieur, les Tcher- kesses proprement dits, ou Adighés, (Adage) eux-mêmes divisés en deux groupes de tribus, les Occidentaux (K 'a x), et les Orientaux, ou Kabardes (Q’aberdyey). Après 1864, après l’occupation complète du Caucase par les troupes du tsar, un très grand nombre de Tcherkesses et d’Abkhaz, des centaines de nulle, ainsi que tous les Oubykhs, ont quitté la terre des ancêtres et, après une émigration meurtrière, se sont installés dans l’empire ottoman où le sultan, protecteur des croyants, leur offrait des terres. Dans tous les pays héritiers de l’empire, en Anatolie notamment, leurs descendants subsistent, mettant au service de leurs nouvelles patries de rares qualités d’esprit, de cœur, d’énergie. Que sont ces peuples ? Aux débuts de notre ère encore, tout porte à croire qu’ils occupaient, dans le sud de l’actuelle Russie, de vastes territoires; les remous des grandes invasions, l’histoire agitée de ces lieux de passage les ont refoulés sur la partie la plus méridionale de leur domaine. D ’où venaient- ils ? A quels autres humains les rattachent leurs traits physiques, leurs langues? On ne peut que former des hypothèses, et l’on ne s’en est pas fait faute : elles n’importent pas ici L Plus au centre, se trouvent les deux petits peuples frères des Tchétchènes et des Ingouches. La dernière guerre leur avait été fatale : leurs noms avaient disparu de la carte. Une politique plus clémente leur a permis ensuite de revenir de leurs lieux d’exil, et la République Autonome Tchétchéno-Ingouche existe de nouveau1 2. Tout à fait à l’est, dans la partie la plus rude de la chaîne, où chaque vallée^nt presque isolée du monde, subsistent, encore mal connus pour la plupart, les quelque vingt peuples daghestaniens : Avars, Lakes, Tabassarans, etc. Les Tchétchènes 1. L ’hypothèse 1 « plu» vraisemblable rattache ce groupe de langue» au baaque. 2. La République Autonome avait été dissoute ï la fin de la derruire guerre pour « manque de loymliame > et aea habitanta déportée en Aaie Centrale. Elle fut reconatituée en janvier 1957 et lea survivante regagnèrent leur ancienne patrie. En décembre 1965, elle fut réhabilitée : l’Étoile d’or de l’ordre de Lénine lui fut conférée pour « succès remporté dana le domaine de l’économie nationale >. En remettant cette haute diatinc- tion, M. P. Demi£ev, membre auppléant du présidium et secrétaire du comité central du parti, rappela que • durant la guerre, lea efforts pour la production du pétrole dana la région de Groznyï, qui demeura juste su-deli de l’extrême pointe de l'avance ennemie, avaient tendu vers un seul objectif : la victoire >; il déclara aussi que < les fila de cette République du Caucase avaient combattu héroïquement dana les rangs de l’armée soviétique et que plus de trente mille d’entre eux avaient été décorés k ce titre » (Pravda du 27 décembre 196s). Trois familles 443 4 7 1 et les Daghcstaniens parlent des langues probablement apparentées entre elles, peut-être aussi apparentées au tcherkesse, mais séparées déjà dans une lointaine préhistoire. Au sud des Tchétchènes-Ingouches, au cœur même du Cau­ case, vit un peuple tout différent, capital dans notre problème : les Ossètes, qui parlent, eux, une langue indo-européenne. Plus exactement, ils parlent une langue du rameau iranien de l’indo-européen, c’est-à-dire parente de l’avestique des Écritures zoroastriennes, du persan, de l’afghan, du kurde, etc. Leurs ancêtres n’ont pourtant jamais vu J ’Iran, n’ont pas émigré de l’Iran au Caucase. La philologie du XXXe et du XXe siècle a montré que l’ensemble de peuples que nous appelons « iraniens » d’après la localisation des principaux, a débordé de beaucoup, dès les origines, l’aire géographique du plateau de l’Iran. En parti­ culier, cinq cents, quatre cents ans avant notre ère et plus tard, les peuples que les Grecs, les Romains et les Byzantins ont connus, nomades ou sédentaires, dans le sud de la Russie actuelle, sous les noms de Scythes, de Sarmates, puis d’Alains, de Roxolans, etc., étaient étroitement apparentés, quant au langage, aux grandes sociétés impériales qui, sous les Achémé- nides, les Arsacides, les Sassanides, ont plusieurs fois commandé de la Syrie et du Bosphore jusqu’à l’Inde et au golfe Persique. Or les Ossètes sont les derniers survivants, réfugiés, enfoncés dans le Caucase, de ce vaste groupe des Iraniens extérieurs, des « Iraniens d’Europe » : on comprend ainsi l’extraordinaire intérêt qu’ils présentent pour le linguiste et pour le folkloriste comme pour l’historien l. Pour compléter brièvement ce tableau ethnographique, il suffira de mentionner les quelques îlots de Turco-Tatars entrés au Caucase dans les derniers siècles, et dont plusieurs, eux aussi, ont pâti des lendemains de la Deuxième Guerre mondiale : les Koumyks et les Nogaïs à l’est; à l’ouest, presque enclavés dans le domaine tcherkesse, les Balkars et les Karatchaïs. Organisation sociale des Ossètes et des Scythes. Si la filiation scythiquc des Ossètes est certaine, si les chroni­ ques géorgiennes permettent de connaître quelques événements, I. La philologie ossète, illustrée notamment au dernier siècle par Vsevolod F. Miller, est déjà ancienne. Aujourd’hui, A Dzæujyqæu ( «= Ordjonikidzé, l’ancienne Vladi- kavkaz), fonctionne un très actif Institut deTinguistique, de folklore, de littérature et d’histoire; le maître de la philologie ossète en U.R.S.S. est maintenant, i l’Académie des Sciences de Moscou, l'Ossète Vasilij I. Abaev. A l’étranger, d’assez nombreux savants contribuent à l’étude; en France, F. Benveniste a récemment publié d'impor­ tantes Études sur l’ossile, 1950. de fixer quelques dates dans l’histoire de leurs ancêtres les plus proches, les Alains, l’observateur, ethnographe ou linguiste, ne s’en trouve pas moins dans une situation inconfortable : assez bien informé par les auteurs grecs et latins sur les mœurs et croyances des Scythes au Ve siècle avant notre ère et pendant les siècles suivants, il uploads/Geographie/ dumezil-nartes.pdf

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