LA RÉFORME COMPTABLE DE L’ÉTAT ET L’IMPACT ATTENDU DU PASSAGE AUX NORMES IPSAS
LA RÉFORME COMPTABLE DE L’ÉTAT ET L’IMPACT ATTENDU DU PASSAGE AUX NORMES IPSAS : CAS DU MAROC Rachid HASNAOUI Laboratoire Polyvalent en Recherche et Développement Université Sultan Moulay Slimane (Maroc) Hassan ZOUIRI Université Mohamed V (Maroc) Zainab HEYAME École Nationale de Commerce et de Gestion (Maroc) RÉSUMÉ : Le projet de la réforme de la comptabilité de l’Etat à travers l’introduction du « plan comptable de l’Etat », la réforme de la loi organique relative aux lois de finances et la mise en place des normes IPSAS est aujourd’hui au cœur du débat sur la réforme des finances publiques au Maroc. Dans ce papier de recherche, nous allons présenter, d’abord, les problèmes des finances publiques dans un contexte de crise. Ensuite les apports de la réforme de la comptabilité publique dans le cadre de la nouvelle loi organique des finances. En dernier lieu, nous allons développer une analyse de la mise en place du plan de comptes de l’Etat et des normes IPSAS pour montrer les principales difficultés d’adaptation au contexte Marocain. Mots clés : gestion publique ; réforme de la comptabilité de l’Etat; avantages attendus; normes IPSAS; bonne gouvernance. 1. INTRODUCTION Nous sommes très heureux de participer aux travaux du 15ème CONGRÈS DE L’INSTITUT INTERNATIONAL DES COÛTS et au 4ème CONGRÈS TRANSATLANTIQUE, DE COMPTABILITÉ, AUDIT, CONTRÔLE DE GESTION ET GESTION DES COÛTS, qui représente une opportunité de dialogue à la fois sur les thématiques liées au gouvernement d’entreprise et à la bonne gouvernance des finances publiques dans le monde. S’inscrivant dans un projet plus ambitieux de modernisation de l’Etat, les finances publiques sont au cœur du débat autour de la bonne gouvernance des politiques publiques. Ainsi, compte tenu de l’interdépendance des économies mondiales, le Maroc devait poursuivre sa politique d’ouverture sur les marchés à fort potentiel comme le marché africain et renforcer son attractivité territoriale vis-à-vis de l’investissement international. Ainsi, un vaste programme de réformes dans plusieurs domaines a été entamé dont bien entendu la réforme du système fiscal et la réforme de loi organique des finances (LOF). Pour ce qui est du système fiscal, les efforts ont été recentrés sur la fiscalité domestique pour combler les pertes de recettes fiscales induites par la libéralisation de l’économie marocaine suite à l’adhésion du Maroc à l’OMC et la conclusion d’importants accords de libre échange. L’objectif de la réforme fiscale est de mobiliser les ressources financières additionnelles, nécessaires au financement des projets de développement, d’éducation, de santé, etc. Par contre, la réforme de l’Etat à travers la « Loi Organique des Finances » de 2015 ne vise pas seulement à redéfinir les rapports entre parlement et gouvernement en augmentant de manière notable les pouvoirs d’initiative et de contrôle des parlementaires mais, cette réforme est marquée par une philosophie d’entreprise car prend d’abord en considération les objectifs à atteindre et se base sur une logique de résultats par opposition à la logique de moyens qui s’attache à ne considérer que le montant des crédits alloués. C’est avec la mise en place de la LOF, depuis le premier janvier 2017, que de nouvelles questions se font faire jour et il ne faut pas se cacher que, compte tenu de l’ampleur du changement, elles seront encore nombreuses à surgir au cours des prochaines années. Ainsi, quels sont les préalables à la réussite de cette réforme ? Quelles sont les apports de cette nouvelle réforme ? enfin quelles sont les difficultés de gestion, d’application et d’adaptation dans le contexte marocain? A travers ce travail, nous voulons mettre au centre du débat scientifique la réforme de la gestion publique à travers la LOF. Le premier axe est un diagnostic argumenté des problèmes des finances publiques au Maroc tant de l’angle des dépenses que des recettes. Ensuite, dans le deuxième axe, nous analysons les apports de la loi organique des finances à la bonne gestion budgétaire, notamment en matière de transparence et du renforcement du rôle du parlement en termes d’information et de contrôle de l’appareil exécutif. Enfin, le troisième axe analyse les retombées de la réforme de la comptabilité de l’Etat en matière de renforcement de la performance et l’efficacité des choix publics. Un accent particulier porte sur la mise en place du plan de comptes de l’Etat et le passage aux normes IPSAS. Nous privilégions une démarche critique et analytique. La démarche poursuivie est exclusivement qualitative. Elle se base sur une analyse documentaire. 2. LA PERSISTANCE DU DESEQUILIBRE DES FINANCES PUBLIQUES DANS LE CONTEXTE DE CRISE C’est pendant la période au cours de laquelle l’argent est devenu rare que l’on doit réfléchir le plus à l’accélération du processus de la transformation de l’Etat. Depuis une bonne dizaine d’années, on assiste au développement d’une crise financière durable de l’Etat suite à la baisse des activités économiques ayant engendré une diminution des recettes fiscales en contrepartie d’une augmentation des dépenses publiques à caractère social. 2.1 Une augmentation inquiétante des dépenses publiques et du déficit Comme pour bon nombre de pays de la région MENA, le Maroc a pu, plutôt mieux que certains d’autres, limiter les effets de la crise mondiale de 2007 et plus tard du «printemps arabe » sur l’économie en général. Mais, aborde cette nouvelle phase, comme l’a souligné Michel CAMDESSUS1, avec le double handicap d’une impuissance à s’arracher des déficits publics et d’une dynamique perverse de l’endettement qui pourrait mettre en cause la confiance des citoyens dans le bon fonctionnement des institutions financières marocaines et notre capacité à honorer nos engagements internationaux. La crise des finances publiques est due en premier lieu à une maitrise insuffisante de la dépense. De manière emblématique, les périodes de haute conjoncture, n’ont pas été utilisées, au Maroc, pour réduire sérieusement les déficits budgétaires comme d’autres pays ont su le faire. Les difficultés économiques actuelles sont venues aggraver encore ces déséquilibres budgétaires. Selon l’étude du Haut Commissariat au Plan rapportée par le ministère des finances (2016), le déficit budgétaire au Maroc est de 4,6% du PIB en 20142. Ce déficit budgétaire ininterrompu constitue aujourd’hui, un frein au rétablissement de l’économie. Il a tendance à peser sur la demande des ménages et des entreprises. Ces déséquilibres budgétaires ne se résoudront, évidement, que dans la durée et au prix d’une très grande continuité des politiques publiques efficaces adoptées dans le pays. 2.2 Une dynamique perverse de l’endettement La crise des finances publiques au Maroc est une crise alimentée par une dette publique très forte. Soit un taux d’endettement public global en hausse, « passant de 78,2% en 2014 à 79,6% du PIB en 2015 et à 81,2% en 2016 »3. La dette publique évolue dans un contexte où le terrain perdu ne se rattrape pas et où la croissance au Maroc est durablement très faible et n’est que de 2,6% en 20164. 1 Michel CAMDESSUS (2010). Réaliser l’objectif constitutionnel d’équilibre des finances publiques. La documentation française, collection rapports officiels. Paris, France,.page 7. 2 Ministère de l’économie et des finances (2016). Synthèse du Rapport Economique et Financier 2016Direction des études et des prévisions financières. Rabat Maroc,. Page 6. 3 Ahmed LAHLIMI (2015). Le Budget Economique Exploratoire 2016. Haut Commissariat au Plan. Casablanca Maroc,. Page 2. 4 Idem., page 2. Dans ces conditions, et en l’absence de mesures d’ajustement en dépenses ou en recettes, la hausse de la dette publique et de sa charge resterait substantielle et aura des effets néfastes sur les générations futures. Les finances publiques se trouvent aussi fragilisées par plus d’une trentaine d’années de déficit budgétaire ininterrompu. 2.3 Une modestie du produit fiscal Soulignons, tout d’abord, que l’impôt fait partie des grandes interrogations qui s’expriment sur le rôle que doit jouer le secteur public dans la société contemporaine et sur son mode de financement. Les économistes insistent sur le rôle de l’impôt dans le financement des dépenses qu’il faut bien payer comme par exemple, les dépenses de santé, d’éducation, de recherche ou de sécurité nationale. Par contre, « d’autres dépenses sont évitables, dans le sens où elles résultent de choix : certaines ont des effets incertains et indirects comme les dépenses militaires ; d’autres renforcent l’attractivité du territoire face aux autres pays, comme les dépenses de recherche »5. Ainsi, le problème qui se pose n’est pas le niveau du taux d’imposition mais l’efficacité des dépenses publiques, qui sont sources de développement économique et d’attractivité globale d’un pays. Il en est ainsi des dépenses fiscales qui prennent la forme des exonérations fiscales totales ou partielles évaluées dans le cas marocain à 32.088 MDHS en 2015 avec 399 dispositions dérogatoires6. Les choix fiscaux des dernières lois de finances montrent une volonté d’encourager l’investissement privé national et international par la voie des concessions fiscales et ce malgré des liens de causalité aujourd’hui très faibles entre concessions fiscales et attractivité nationale et régionale. Dans ce sens, il est important de souligner que les travaux de certains économistes7 ont démontré que l’implantation dans un pays ou une région de ce pays résulte souvent de négociations avec les pouvoirs publics et il en ressort que c’est le pays qui bénéficiera de la productivité la plus uploads/Finance/hasnaoui.pdf
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- Publié le Mar 21, 2021
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