 Université Mentouri, Constantine, Algérie, 2004. n°21, Juin 2004, pp. 69-83 C

 Université Mentouri, Constantine, Algérie, 2004. n°21, Juin 2004, pp. 69-83 Crise et transition à l’économie de marché en Algérie Résumé Dans cet article, nous nous proposons d'étudier les causes et les manifestations de la crise économique en Algérie à travers une grille de lecture que nous offre le concept de rente et les mécanismes qui lui sont associés. La résorption de cette crise, qui découle du modèle d'accumulation dépendante, nécessite la mise en oeuvre rapide de programmes d'ajustement structurel dont l'objectif essentiel est d'accélérer le passage d'une économie de rente à une économie de production en opérant une transformation systémique de l'économie nationale. Mots-clés: crise économique, rente, ajustement structurel, Algérie. epuis son indépendance politique en 1962, l’Algérie a engagé un vaste mouvement de modernisation économique et sociale centré sur un mode de régulation étatique de son économie. En 1986, l’effondrement des cours du pétrole remettait en cause tous les choix sous-jacents à la stratégie de développement préconisé par les pouvoirs publics à travers l’exécution des plans triennal et quadriennaux au cours des décennies 60/70, et des plans quinquennaux pendant la décennie 80. L’ampleur de la régression des fondamentaux de l’économie, qui s’en est suivie, cumulée à une vive crise sociale et urbaine, soulignait le caractère urgent des réformes nécessaires à entreprendre. Dans cet article, nous nous proposons d’analyser la genèse et les manifestations de la crise qui frappe économie algérienne, en mettant surtout en exergue les formes rentières qui en déterminent le mode redistributif de fonctionnement. Dans une seconde étape, nous verrons comment la crise a imposé le recours aux politiques d’ajustement structurel, menées sous l’égide du FMI et de la Banque Mondiale comme remède à la résorption des déséquilibres internes et externes de l'économie nationale. D M.Tahar HAMAMDA Faculté d’Economie et de Gestion Université Mentouri Constantine, Algérie ملخص سنحاول في هذا المقال دراسة أسباب و انعكاسات األزمة االقتصادية في الجزائر من خالل منهجية تحليلية انطالقا .من مفهوم الريع وآلياته إن التحكّم في هذه األزمة الناتجة عن نموذج التراكم التبعي يستلزم اإلعداد السريع لبرامج التعديل الهيكلي يكون هدفها تسريع عملي ة االنتقال من ،اقتصاد الريع إلى اقتصاد اإلنتاج نظومية تحوالت بإدخال وذلك ( systémiques ) لالقتصاد .الوطني الكلمات المفتاحية: ، أزمة اقتصادية .ريع ، تعديل هيكلي ، الجزائر Mohamed Tahar HAMAMDA 70 1. L’ESSOUFFLEMENT DE LA STRATEGIE DEVELOPPEMENTALISTE EN ALGERIE Comme toutes les économies des pays en voie de développement, l'économie algérienne est sous développée (1). A la lumière de la théorie du développement qui nous enseigne que le sous-développement n'est pas un simple retard mais un phénomène historique correspondant au blocage de l'accumulation et des dynamiques de croissance, cette économie, à l'instar de celles des autres pays en voie de développement, est caractérisée par sa domination, sa désarticulation et son incapacité à assurer la couverture des coûts de l'homme (2). Cette grille d'analyse a favorisé l'émergence de nouveaux paradigmes sur l'origine du sous-développement (3), sur les théories de la dépendance (4), ouvrant ainsi des perspectives de recherche novatrice (5). Dans cette évolution de la pensée du développement, l'approche en terme de rente et d'économie rentière a marqué plusieurs travaux sur l'étude et la genèse de la crise. A partir de cette problématique, nous pensons que le concept de rente auquel lui est associé le phénomène de Dutsh-Desease, nous paraissent pertinents pour saisir les formes qu'emprunte la régulation des activités économiques. Ces dernières constituent, eu sein de systèmes ouverts, une réalité particulièrement complexe. 1.1. Rentes et économies rentières : Eléments d'un débat Quelle que soit la nature du système économique dominant dans une société, la rente y est présentée de façon différenciée. Comme l'affirmait A. Marshall, la rente est ce revenu dérivé d'un don de la nature. Cette assertion rejoint la définition de Ricardo qui considère «la rente comme cette portion de produit de la terre que l'on paie au propriétaire pour avoir le droit d'exploiter les facultés productives originelles et impérissables du sol.» (6) Si dans l'analyse économique moderne, le concept est de moins en moins présent dans le champ de la réflexion académique, il n'en demeure pas moins qu'il reste largement utilisé pour désigner l'origine de la création de richesse et son appropriation par un groupe social déterminé sans aucune participation active à la production domestique (7). Cet énoncé nous permet de déduire ainsi le caractère rentier d'une économie, d'une fraction de la société (fraction parasitaire, antiproductive, antisociale) et même de l’Etat à partir de leurs modes d'organisation et leurs comportements. Ce type d'approche reconnaît à la rente un statut autonome et se démarque ainsi des nombreuses critiques adressées à la théorie ricardienne par une fraction du courant néo-classique (Clark, Fischer...). Ces auteurs considèrent la rente comme une forme de capital, l'assimilant ainsi à l'intérêt. Cette résurgence du concept de rente (8) centrée autour d'un débat enrichi par les apports remarquables de Marx, Sraffa, Bortkiewicz, réhabilite ainsi l'œuvre de Ricardo. 1.2. Le statut rentier de l'économie algérienne Par souci d'opérationnalité et dans une perspective fonctionnaliste, la rente peut être définie comme un ensemble de ressources exogènes : revenus pétroliers ou miniers, transferts d'émigrés, aide internationale, revenus de situation, qui s'inscrivent de manière particulière dans l'économie nationale en y exerçant, sous l'effet de comportements rentiers, une influence défavorable sur l'activité productive. Ainsi, l'appropriation de la rente, sa circulation et son contrôle par un Etat qui capte et distribue les ressources rentières au profit de groupes sociaux privilégiés, deviennent Crise et transition à l’économie de marché en Algérie. 71 un enjeu politique majeur. Ainsi, comme le souligne le professeur Michel Chatelus, on trouve dans les économies du Maghreb les traits essentiels des économies de rente directe ou indirecte et du primat de l'allocation des ressources. Par cette conceptualisation de l'économie rentière (ce qui dans certains cas n'est pas équivalent) ou Etat rentier, nous désignons des entités politiques dont une partie très importante des ressources est d'origine extérieure, et ne dépend ni de la capacité productive nationale, ni de décision relevant de manière déterminante de responsables politiques économiques (9). Cette définition nous permet d'affirmer le caractère rentier de l'économie algérienne en y relevant la prédominance de l'exportation du pétrole et de ressources minérales, qui va constituer la grosse part des ressources extérieures. En Algérie, il faut noter le rôle primordial joué par l’Etat dans le processus de centralisation et d'allocations des ressources générant ainsi des effets d'éviction pouvant nuire à la croissance de l'investissement productif. Dans ce cadre, les Programmes d'ajustement structurel proposent une réforme de l’Etat pour éliminer les distorsions qu'il a créées, au risque de remettre en cause le contrat social de la période rentière et la cohérence entre économique et politique (10). Cette assertion peut servir de schéma explicatif aux causes des émeutes urbaines vécues par certaines villes du Maghreb au cours des décennies 80 et 90. Ainsi, dans une phase d'expansion des cours pétroliers ou des produits miniers, le volume important des flux financiers liés à l'existence de rentes monopolistiques et différentielles accaparées par les Etats maghrébins, va générer une série d'effets pervers s'exprimant à travers la hausse des prix, le dépassement des coûts prévisionnels, l'absence de maturation des projets, l'utilisation non optimale des capacités productives installées, l'urbanisation accélérée, les maux sociaux, l'accroissement des inégalités de revenus, etc. 1.3. Le Dutsh-Desease : Causes et effets en Algérie Comme le souligne le professeur Abdelkader Sid Ahmed, l'observation de la dynamique des effets pervers spécifiques aux économies pétrolières laisse présager de l'existence d'un mode de fonctionnement particulier aux économies rentières que l'on peut imaginer comme suit : le surplus de la balance des paiements accroît l'offre de monnaie locale et donc celle des prêts affectés aux projets de développement, mais aussi aux achats de biens de consommation surtout durables, le plus souvent importés. D'où des vagues nécessaires d'expansion monétaire et de crédit, suivies de tensions inflationnistes et d'importations après le boom. Les importations peuvent connaître des accroissements exponentiels ; les surplus externes disparaissent plus ou moins rapidement (11). Ainsi, les booms à l'exportation génèrent des effets complexes qui peuvent contrecarrer la croissance dans d'autres secteurs. Ce phénomène qualifié de Dutsh-Desease a frappé l’Algérie à l'occasion des chocs pétroliers de 1973-74, de 1979-80 et de 1990-91. Le Dutsh-Desease a suscité de nombreux modèles analytiques extrêmement précis dont le cadre conceptuel de base est celui du "modèle de l'économie dépendante" ou encore de l'approche théorique pertinente connue sous le nom de "l'approche australienne de la balance des paiements" qui vont servir de représentations à beaucoup de travaux, notamment ceux de Corden et Neary (1982) (12). Ces derniers considèrent le Dutsh-Desease comme ce phénomène plutôt paradoxal par lequel l'expansion brutale et imprévue d'un secteur exposé entraîne Mohamed Tahar HAMAMDA 72 le déclin des autres secteurs exposés de l'économie. Ainsi, le choc responsable est susceptible, en définitive, de revêtir des formes diverses et ne se rattache pas forcément à un secteur productif. En fait, il suffit qu'il se traduise pour le pays par l'injonction d'un supplément de revenu, tirant son origine d'une manière ou d'autre de l'extérieur, pour qu'apparaisse le risque d'un phénomène méritant l'appellation de "malaise hollandais". En ce sens, l'arrivée uploads/Finance/crise-et-transition-a-l-x27-economie-de-marche-en-algerie.pdf

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  • Publié le Aoû 09, 2022
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