1 CHAPITRE 4 PSYCHOLOGIE, RATIONALITÉ, CHOIX INDIVIDUELS ET APPLICATIONS Nous a
1 CHAPITRE 4 PSYCHOLOGIE, RATIONALITÉ, CHOIX INDIVIDUELS ET APPLICATIONS Nous avons décrit, dans le chapitre 1, le comportement d'un individu parfaitement rationnel lorsqu'il est confronté à des choix risqués. En toutes circonstances, il opère des choix qui respectent une axiomatique complexe et réalise des anticipations pertinentes sur la base de l'ensemble d'information disponible. En outre, cet individu révise ses croyances avec une parfaite maîtrise de la théorie des probabilités, autrement dit, il utilise à bon escient et sans erreur la règle de Bayes. Sommes-nous dotés de telles capacités ? Nos choix peuvent-ils être décrits de façon satisfaisante par ces axiomes ? Sommes-nous parfaitement rationnels ? Ces questions sont au cœur de ce troisième chapitre et nous proposons, comme le dit Thaler (2000), de quitter l’homo-economicus pour l'homo-sapiens. La section 1 revient sur la pertinence de l'axiomatique présentée dans le premier chapitre. Nous décrivons les résultats d'un certain nombre d'expériences qui mettent en lumière la violation de l'axiome d'indépendance et de l'axiome de transitivité. Parmi elles, le paradoxe d'Allais (1953) tient lieu de précurseur. L'utilisation spontanée et correcte de la règle de Bayes est ensuite abordée. Enfin, un phénomène qualifié d'« inversion des préférences » conclut cette section. La deuxième section aborde l'approche psychologique de la prise de décision. Selon les travaux des psychologues, les individus confrontés à des choix opèrent des raccourcis de raisonnement. Leurs choix sont alors guidés par des heuristiques (ou règles simplifiées) que les chercheurs en psychologie mettent en lumière. L'utilisation de telles règles conduit les individus à des comportements parfois éloignés de ce que prédit la théorie des probabilités ; ces déviations sont qualifiées de « biais ». L'approche, en termes d'heuristiques et de biais, est essentiellement due à Kahneman et Tversky. Nous décrivons dans cette section trois heuristiques classiques : celles de représentativité, d'ancrage et de disponibilité. La dernière section de ce chapitre tient lieu de conclusion et aurait pu être intitulée « les biais en pratique ». Elle est consacrée au lien entre psychologie et comportement des investisseurs sur les marchés financiers. Trois illustrations de ce lien sont retenues : les réactions excessives des marchés financiers (De Bondt et Thaler, 1985), le biais de disposition et la gestion des portefeuilles individuels (Odean, 1998) et, enfin, la surconfiance des investisseurs et l'excès d'échanges sur les marchés financiers (Barber et Odean, 2002). 1. LA RATIONALITÉ PARFAITE EN QUESTION La représentation de la façon dont un individu rationnel prend ses décisions s'appuie sur une axiomatique que nous avons résumée dans le chapitre 1. Dans cette section, nous discutons les axiomes de transitivité (2) et d'indépendance (5). Rappelons que l'axiome 2 traduit le fait que lorsqu'une loterie A est préférée à une loterie B, elle-même préférée à une loterie C, alors A doit être préférée à C. L'axiome 5 stipule, quant à lui, que si A est préférée à B alors une combinaison de la loterie A avec une loterie C est préférée à une combinaison identique de la loterie B avec la loterie C. Il s'agit de s'interroger sur le respect de ces axiomes par les individus. Ce point est abordé dans les deux sous-sections suivantes. Une troisième sous-section est consacrée à la violation de la règle de Bayes par les individus. Enfin, un phénomène qualifié d'inversion des préférences fait l'objet d'une dernière sous- section. 1.1. VIOLATION DE L'AXIOME D'INDEPENDANCE Le paradoxe d’Allais (1953) Le paradoxe d'Ellsberg (1961) 1.2. LA VIOLATION DE L'AXIOME DE TRANSITIVITE Tversky (1969). 1.3. LA VIOLATION DE LA REGLE DE BAYES Comme nous l'avons déjà souligné dans le chapitre précédent, l'hypothèse de rationalité parfaite stipule que les individus révisent leurs anticipations selon la règle de Bayes. De nombreuses études ont cherché à tester la validité de cette hypothèse. Les études d'Eddy (1982) et d’Edwards ( 1968) illustrent des comportements contraires à l'utilisation de cette règle. 2 1.4. L'INVERSION DES PREFERENCES Un autre biais classique à la rationalité parfaite concerne la cohérence des choix opérés par les individus lorsqu'ils sont confrontés à des loteries d'espérance de gain identique. Etude de Slovic et Liehtenstein (1968, 1971). 2. HEURISTIQUES CLASSIQUES ET BIAIS Les exemples précédents montrent que les choix des individus ne sont généralement pas en accord avec ce que prédit l'hypothèse de rationalité parfaite. L'approche proposée par les chercheurs en psychologie comme Tversky et Kahneman est différente. Selon ces auteurs, les individus confrontés à un choix ou à un problème complexe opèrent des simplifications ou des raccourcis de raisonnement pour le résoudre rapidement. Les décisons prises sont alors régies par des règles simplifiées ou heuristiques que les psychologues tentent de mettre en lumière. c’est l’exemple d’un joueur de billard qui, au moment de jouer, ne résout pas mentalement l’équation trigonométrique qui lui permettrait théoriquement de savoir précisement l’angle et la force de tir qu’il doit utiliser pour frapper la boule avec sa queue. Le joueur emprunte alors un raccourci mental qui lui permet de jouer (parfois très brillamment) sans pour autant maitriser les lois de la physique théoriquement requises. Face à des choix, l'utilisation de ces heuristiques conduit alors les individus à des comportements parfois éloignés de ce que prédit la théorie des probabilités ; et lorsqu’elles sont utilisées à mauvais escient, elle peut amener les hommes à commetre des erreurs mentales systématiques. ces déviations sont qualifiées de « biais» heuristique ou d’erreur heuristiques. L'un des avantages de cette approche est de permettre de comprendre certains phénomènes observés sans évoquer l'hypothèse d'« irrationalité ». Depuis les travaux pionniers de Tversky et Kahneman, de nombreuses recherches ont été menées et la littérature sur ce sujet est extrêmement vaste. L'objectif de cette section est de présenter trois heuristiques «classiques » : les heuristiques de représentativité, de disponibilité et d'ancrage (et d'ajustement). Ces trois premières heuristiques sont essentiellement dues à Tversky et Kahneman (1974). Nous soulignons également quelques biais de comportement dus à leurs utilisations. 2.1. HEURISTIQUE DE REPRESENTATIVITE l'heuristique de représentativité est une sorte d’outi que le cerveau humain utilise pour classer rapodement des informations, une tendance de la part des individus à essayer de catégoriser et reconnaître des évènements ou faits comme typiques ou représentatifs d’une classe de faits bien connus. Plus A est représentatif de B, plus la probabilité associée par les individus à ce lien est élevée. Etude de Tversky et Kahneman (1982)- Erreur de conjonction D'autres biais sont associés à l'utilisation de l'heuristique de représentativité, par exemple, l'insensibilité des réponses à la fréquence initiale et à la taille de l'échantillon ou encore l'interprétation erronée de la chance. En présentant un ensemble de descriptions de personnages, Tversky et Kahneman montrent que les participants ne tiennent pas compte de la nature de la population initiale. Pour tester cet impact, les auteurs proposent un certain nombre de descriptions et demandent ensuite aux participants de classer ces personnages dans deux catégories socio-professionnelles : avocat ou ingénieur. Les participants sont informés que le personnage décrit a été tiré au hasard dans une population de 100 personnes dans laquelle 70 % sont avocats et 30 % sont ingénieurs. L'expérience est ensuite renouvelée pour des populations initiales composées de 70 % d'ingénieurs et de 30 % d'avocats. Les réponses ne semblent pas affectées par les proportions initiales d'avocats et d'ingénieurs (base rate frequency). Il semble que le classement opéré se fonde essentiellement sur la représentativité de la description par rapport à un stéréotype. Il est à noter que ce résultat demeure valide dans un contexte où les descriptions proposées ne contiennent aucune information particulière. De la même façon, la taille de l'échantillon semble négligée lorsque les individus raisonnent selon l'heuristique de représentativité. (problème de l’hopital) ; Sample size neglect 3 L'heuristique de représentativité conduit également à une perception de la chance souvent erronée. Imaginons que nous lancions un dé parfaitement équilibré 6 fois de suite et que nous analysions ce tirage en relevant à chaque lancer si le nombre obtenu est pair (noté P) ou impair (noté I). En général, les individus ont tendance à considérer qu'un tirage du type I P PI I P est plus probable qu'un tirage du type I I I P P P. La raison essentielle est que la succession trop marquée de nombres impairs puis de nombres pairs semble, pour de nombreux individus, contraire à la notion de tirage aléatoire. Or, la taille très faible des tirages ne permet aucune conclusion de ce type. Ce biais est dû à l'utilisation d'une règle erronée qualifiée de « loi des petits nombres » (Tversky et Kahneman, 1971). L'utilisation de cette règle conduit à penser que les petits échantillons sont représentatifs de la population de laquelle ils sont issus. L’expérience du dé à 6 faces menée par Kahneman et Tversky. Finalement, l'utilisation de la loi des petits nombres est à l'origine de deux biais essentiels. Reprenons l'exemple dans lequel un dé parfaitement équilibré est lancé 6 fois de suite. - La probabilité que le dé tombe sur un nombre pair est perçue comme plus forte après une série de nombres impairs et ce biais est connu sous le nom d'erreur du joueur (gambler's fallacy, Tversky et Kahneman, uploads/Finance/chapitre-4 3 .pdf
Documents similaires







-
34
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Apv 11, 2022
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
- Taille du fichier 0.4633MB