FRANÇOIS KERSAUDY WINSTON CHURCHILL Le pouvoir de l’imagination TALLANDIER Édit
FRANÇOIS KERSAUDY WINSTON CHURCHILL Le pouvoir de l’imagination TALLANDIER Éditions Tallandier – 2, rue Rotrou 75006 Paris www.tallandier.com © Éditions Tallandier, 2013 pour la présente édition numérique www.centrenationaldulivre.fr Réalisation numérique : www.igs-cp.fr EAN : 979-1-02100-224-1 À la mémoire de Georges Lebeau, Fantassin de la Résistance, Homme de cœur et d’action AVANT-PROPOS En janvier 1950, l’hebdomadaire américain Time Magazine avait nommé Winston Churchill « l’Homme du demi-siècle » ; en juin 2000, le mensuel français Historia a jugé le « demi » superflu, et l’a baptisé « Homme d’État du siècle ». Comment justifier un tel honneur ? Le général de Gaulle s’en est chargé lui-même, en décrivant Churchill comme « le grand champion d’une grande entreprise, et le grand artiste d’une grande Histoire », et en ajoutant : « Dans ce grand drame, il fut le plus grand. » Depuis le grand drame, pourtant, Winston Churchill est resté au centre de furieuses controverses, qui ont terni son image sans jamais affecter sa stature ; en France, le personnage se résume trop souvent à Dresde et Mers el-Kébir ; en Grande-Bretagne, la presse se plaît à souligner ses travers, et la liste de ses crimes imaginaires est souvent plus longue qu’un discours de Fidel Castro. Derrière un tel rideau de fumée, le personnage risque fort de s’estomper ; or, cet homme-là présente un intérêt unique : existe-t-il au cours du XXe siècle une vie aussi fabuleuse que celle de Winston Spencer-Churchill ? D’innombrables biographies ont tenté de la ressusciter : certaines sont trop courtes pour être lisibles, d’autres trop longues pour être lues ; certaines sont férocement critiques, d’autres béatement hagiographiques ; certaines sont si anciennes qu’elles sont devenues introuvables, d’autres si ennuyeuses qu’elles méritent de le rester ; certaines n’existent qu’en langue anglaise, d’autres ont été bien hâtivement traduites ; certaines font mourir le héros avant sa naissance, d’autres le font renaître après sa mort ; le somptueux Winston Churchill de William Manchester ne présente aucun de ces inconvénients, mais il s’arrête à 1940 – un quart de siècle trop tôt… Décidément, nous voici obligés de repartir à la découverte du plus prodigieux homme-orchestre des temps modernes. Le voyage sera long, agité, parfois désopilant, souvent exténuant, et toujours affreusement dangereux… Mais, comme Winston Churchill lui-même, le lecteur ne trouvera jamais le temps de s’ennuyer ; et en revivant pas à pas cette existence fabuleuse, il ne peut manquer d’enrichir la sienne. La première édition de cet ouvrage a été par nécessité quelque peu synthétique. Avec la disparition des contraintes d’espace et la parution d’innombrables nouveaux ouvrages et documents, il est devenu possible de présenter une version bien plus complète – tenant compte en outre des nombreux commentaires et témoignages suscités par l’édition originale. CHAPITRE PREMIER LES CAPRICES DU DESTIN Le 30 novembre 1874, au palais de Blenheim, dans l’Oxfordshire, naît Winston Leonard Spencer-Churchill, fils de Randolph Churchill et de Jennie, née Jerome. L’heureux père s’est empressé d’écrire à sa belle-mère : « Le garçon est merveilleusement beau, […] avec des cheveux noirs, et il est en très bonne santé, compte tenu de sa naissance avant terme1. » C’est là une version officielle : le bébé n’est probablement pas né avant terme, mais ses parents s’étant mariés sept mois plus tôt seulement, il fallait bien sauvegarder les apparences ; « merveilleusement beau » est sans doute un peu outré, s’agissant d’un gros poupon aux yeux tombants et au nez en trompette ; quant aux cheveux noirs, c’est une vue de l’esprit : le petit Winston est d’un roux flamboyant… Il reste tout de même une certitude : le nouveau-né a d’illustres ancêtres. Du côté de son père, il descend de John Churchill, premier duc de Marlborough, qui vainquit les troupes de Louis XIV à Blenheim, Malplaquet, Ramillies, Oudenarde, et partout ailleurs où il les rencontra. En récompense, la reine Anne lui offrit un somptueux château à Woodstock, dans l’Oxfordshire, que l’on baptisa Blenheim, du nom de sa plus belle victoire. Étonnant édifice que ce palais de Blenheim, qui pouvait fort bien rivaliser avec Versailles : des tours imposantes, trois hectares de toits, trois cents pièces, un parc de mille quatre cents hectares… Après la mort du duc en 1722, son château comme son titre revint à sa fille aînée Henriette, puis au fils de sa seconde fille, Charles Spencer. Dès lors, d’un Spencer à l’autre, le nom de Churchill va disparaître, jusqu’à ce qu’en 1817, le 5e duc de Marlborough se voie accorder par décret royal la permission de s’appeler désormais « Spencer-Churchill », afin de perpétuer la mémoire de son illustre ancêtre. On ne saurait dire en conscience que ce 5e duc, esthète indolent et jouisseur impénitent, ait ajouté au patronyme familial un lustre particulier. Il faudra attendre le milieu du XIXe siècle et l’avènement du 7e duc, John Winston, homme profondément religieux et dévoué à la Couronne, pour voir redorer quelque peu le blason des Spencer-Churchill, ducs de Marlborough – une entreprise apparemment sans lendemain, car son fils aîné et héritier, George, marquis de Blandford, va promptement renouer avec la tradition d’oisiveté et de débauche si chère aux Spencer. Mais le 7e duc a aussi un fils cadet, Randolph, sur qui il a reporté tous ses espoirs – sans que l’on sache trop pourquoi, car à l’âge de vingt-trois ans, lord Randolph Spencer-Churchill, jeune homme éloquent, spirituel et impétueux, n’a encore rien fait. Rien du tout ? Eh bien si : à l’été de 1873, il a rencontré dans un bal donné à Cowes, sur l’île de Wight, une jeune Américaine prénommée Jennie, et l’a demandée en mariage trois jours plus tard… Jennie Jerome, jeune beauté aussi romantique qu’énergique, est la deuxième fille de Clara et Leonard Jerome. Ce dernier, descendant d’une vieille famille huguenote qui a émigré en Amérique au début du XVIIIe siècle, est le type même du self-made-man : financier, magnat de la presse, courtier en Bourse, impresario, propriétaire d’écuries de course, fondateur du Jockey Club, philanthrope, armateur de voiliers et yachtsman lui-même, c’est là une description très incomplète de ce fabuleux Yankee à l’heureuse nature et à la prodigieuse énergie qu’est Leonard Jerome. Son épouse Clara, généreuse et entreprenante, a parmi ses ancêtres une Iroquoise et un lieutenant de Washington ; elle est très ambitieuse pour son mari, pour elle-même… et pour leurs trois filles, avec lesquelles elle s’est installée dans le Paris du second Empire, espérant par-dessus tout les voir épouser des Français bien nés. Voilà qui était en très bonne voie lorsqu’en 1870, les Prussiens viennent intempestivement contrecarrer ses projets, l’obligeant à se réfugier en Angleterre avec ses filles. C’est ce qui explique que Mm e Clara Jerome et ses filles aient été présentes au bal donné à Cowes en l’honneur du tsarévitch(1) le 12 août 1873. C’est à ce bal, on s’en souvient, que Jennie Jerome a rencontré un jeune homme aux yeux globuleux mais à la moustache conquérante, à la taille brève mais au titre séducteur : lord Randolph Spencer-Churchill, qu’elle épousera le 15 avril 1874. Tel est l’enchaînement de hasards dynastiques, géographiques, politiques, sociologiques, psychologiques, sentimentaux et physiologiques qui explique l’apparition sept mois plus tard, le 30 novembre 1874, d’un petit rouquin replet dans le palais ancestral des ducs de Marlborough… Tandis que le nouveau venu commence à considérer son imposant environnement, on peut à loisir se poser quelques questions ; et d’abord celle-ci : Winston Leonard Spencer-Churchill a-t-il vu le jour dans une famille riche ? Le palais de sa naissance ne doit pas faire illusion : il appartient certes à son grand-père, le 7e duc de Marlborough, mais son père Randolph n’en est pas l’héritier. Ce n’est pas forcément un malheur, du reste, car les frais d’entretien, d’ameublement, d’amélioration et d’agrandissement de l’auguste demeure ont déjà ruiné plus d’un Marlborough – à commencer par George Spencer, le 4e duc, qui l’enrichit d’une fabuleuse collection de tableaux et de joyaux, et lui adjoignit un somptueux parc avec un immense lac artificiel ; sans oublier le 5e duc, qui y fit ajouter des appartements, des pavillons, une bibliothèque de livres précieux, une collection d’instruments de musique, un jardin botanique, un jardin chinois, une roseraie, des fontaines, un temple, des grottes, une rocade et un pont… avant d’être rattrapé par ses créanciers. Il est vrai que le palais n’est pas seul en cause : depuis Charles Spencer, petit-fils de l’illustre premier duc, jusqu’à George Blandford, fils aîné du 7e duc, l’attrait du jeu semble avoir constitué chez les Marlborough une tare congénitale, qui engloutira en moins d’un siècle et demi une immense fortune. Rien d’étonnant dès lors à ce que le Premier ministre Disraeli ait pu écrire en 1875 à la reine Victoria que le 7e duc de Marlborough n’était « pas riche pour un duc2 ». Il aurait pu ajouter que ses deux fils, George et Randolph, vivaient très au-dessus des moyens de leur père… Dans l’aristocratie anglaise du XIXe siècle, ces questions de détail pouvaient se régler aisément à l’aide d’un judicieux mariage. D’ailleurs, n’est- ce pas précisément ce uploads/Finance/ winston-churchill-le-pouvoir-de-l-x27-imagination.pdf
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- Publié le Sep 12, 2022
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