LA LETTRE VERNIMMEN.NET N° 196 — mars 2022 Par Pascal Quiry et Yann Le Fur ACTU

LA LETTRE VERNIMMEN.NET N° 196 — mars 2022 Par Pascal Quiry et Yann Le Fur ACTUALITÉS ....................................................... 1 Jusqu’où ne montera pas la finance verte, responsable et durable ? ........................................ 1 QUESTION & RÉPONSE ........................................ 8 L'inverse du PER a-t-il une signification pour indiquer la rentabilité financière constatée par le marché ? .................................................................. 8 8 MARS 2022 ...................................................... 9 Six portraits de femmes professionnelles de la finance (1/2) ............................................................ 9 Julie Duval ........................................................... 9 Isabelle de Kerviler ............................................14 Laurence Riot Lamotte ......................................17 COMMENTAIRES ............................................... 20 FORMATIONS .................................................... 21 1 Voir paragraphe 22.21 du Vernimmen 2022. ACTUALITÉS Jusqu’où ne montera pas la finance verte, responsable et durable ? omme chaque année, Francis Lefebvre Formation organise un évènement pour la sortie du Vernimmen. Pour l’édition 2022, Victoire Aubry (directrice financière et membre du comité exécutif d’Icade) et Philippe Zaouati (directeur général de Mirova) nous ont fait l’honneur de participer à une table ronde sur le thème « Jusqu’où ne montera pas la finance verte, responsable et durable ? » Après que Victoire Aubry nous a rapidement rappelé les caractéristiques des produits actuellement disponibles sur le marché (green bonds, social bonds, sustainability-linked bonds1, green loans2), la discussion s’est engagée sur la standardisation 2 Voir paragraphe 23.10 du Vernimmen 2022. C Sommaire LA LETTRE VERNIMMEN.NET par Pascal Quiry et Yann Le Fur N° 196 — Mars 2022 → Retour Sommaire 2 C1 - Public Natixis nécessaire et la crédibilité des émissions dans un marché foisonnant : Philippe Zaouati : Il y a différents niveaux de conviction, et de sérieux il faut le dire. C’est typiquement le cas des obligations vertes et durables où on a un marché qui se structure progressivement, un peu en courant derrière l’innovation. C’est-à-dire que l’on a eu dans un premier temps des émissions d’obligations vertes, puis ce marché s’est structuré avec des standards, des labels garantissant le sérieux de ces émissions. Cela a été le travail fait par l’ICMA, avec les green bond principles qui ont dès le démarrage essayé de bien structurer les choses en expliquant ce que signifiait « flécher » l’obligation, dans ce que l’on appelle le « use of proceeds » des obligations : vers quoi l’argent va être fléché, à quoi cet argent va servir ? Cela a très bien été structuré par l’ICMA qui a fait la même chose avec les social bonds. Puis, au-delà, un travail réglementaire a été fait. Notamment par l’Union européenne avec les green bonds standards, qui sont venus rajouter à la structuration de l’ICMA des éléments de taxonomie, c’est-à-dire de la définition de ce qui est vert. Le problème, c’est que l’innovation va plus vite que ses standards, et que derrière les green bonds, nous avons eu les social bonds, puis les sustainability- linked bonds, etc. Nous avons donc un tas d’innovations qui arrivent sur le marché sans pour autant suivre toutes les recommandations des standards mis en place. Prenons l’exemple des sustainability-linked bonds. Il s’agit d’émettre des obligations en ayant des conditions meilleures si l’on atteint un certain nombre d’objectifs. Prenons une entreprise qui souhaite réduire ses émissions de gaz à effet de serre en se fixant comme objectif : « Je veux les réduire de x %, et si j’atteins cet objectif j’aurai des conditions préférentielles. » La problématique est la suivante : est-ce que la diminution qui a été fixée comme objectif est suffisante avec des objectifs comme ceux de l’Accord de Paris par exemple ? On peut constater des objectifs très positifs fixés par l’entreprise, mais on peut aussi très bien avoir des objectifs très insuffisants par rapport à la trajectoire que l’on veut tracer sur le climat. Aujourd’hui, quelques standards commencent à émerger sur ce sujet, comme les science-based targets : des objectifs basés sur la science permettant de dire à une entreprise si ses objectifs correspondent plus ou moins à tel ou tel scénario. Qu’est-ce que cela implique pour un gérant d’actifs ? Cela implique que l’on ne peut pas aujourd’hui se fier totalement à l’innovation et au marché : il y a une vraie nécessité de faire de l’analyse. Elle se fonde sur des standards, sur des green bond principles, mais elle nécessite aussi une analyse approfondie de l’investisseur en fonction de ses objectifs. Si en tant que gestionnaires d’actifs, on met la barre assez haut, cela signifie que certaines émissions ne seront pas éligibles à notre portefeuille. Les co-auteurs du Vernimmen : ICADE Santé a émis une obligation sociale pour 600 millions en 2020 : le referiez-vous ? Quelle typologie d’investisseurs avez-vous trouvé à cette occasion ? Victoire Aubry : Oui, c’est une émission phare que nous avons faite. La notion de greenwashing est importante. ICADE a émis en 2017 un green bond, et nous n’en avons pas réémis depuis pour des raisons de stricte rigueur de respect des contraintes des green bond principles, où l’on a établi des critères de sélectivité de nos actifs importants. C’est pour cela que l’on a travaillé sur notre activité de santé, qui par essence est de nature sociale puisque nous finançons des murs d’EHPAD et de cliniques privées, donc nous avons considéré important de s’inscrire dans le cadre des social bond principles aussi. Nous sommes très scrupuleux et respectueux de critères extrêmement rigoureux, ce qui explique que nous essayons de limiter les standardisations trop automatiques de volumes significatifs de LA LETTRE VERNIMMEN.NET par Pascal Quiry et Yann Le Fur N° 196 — Mars 2022 → Retour Sommaire 3 C1 - Public Natixis portefeuilles. Nous devons être très respectueux de ces critères de performance. Donc oui, nous avons émis ce social bond en 2020, ce qui nous a permis d’élargir le profil des investisseurs qui ont souscrit notre émission. En 6 ans, il est intéressant de voir comment les choses ont évolué. Je pense que la part des fonds RSE à l’époque, c’était entre 5 et 10 % maximum des souscripteurs. On rencontrait des investisseurs traditionnels qui nous disaient avoir 5- 10 M€ avec lesquels ils investissaient sur des projets RSE, mais ils n’avaient pas une politique très volontariste. Lorsque nous avons fait notre social bond en 2020, je pense que la part des fonds labellisés RSE au sens large devait être entre 30 et 40 %. On voit donc le chemin parcouru par les investisseurs entre 2017 et 2020. Ce qui est intéressant, c’est que même les investisseurs institutionnels sont invités aussi à souscrire des obligations à connotation durable. Ainsi, bien évidemment, cela élargit la palette d’investisseurs potentiels pour nous, et par-là même le succès de l’émission. Vernimmen : Pensez-vous qu’il doive y avoir une prime à l’investissement durable ? Autrement dit, est-ce que l’investisseur devrait se contenter d’une rentabilité plus faible, et est-ce que l’émetteur devrait bénéficier d’un coût de financement plus bas pour être vertueux ? Victoire : En 2017, c’était plus compliqué : il n’y avait aucune « incentive » en termes de prix et il y avait de fortes contraintes. Cela a permis de réunir, au sein de l’entreprise, les équipes financières et les équipes « business », puisqu’il a fallu construire cette émission en analysant en profondeur les caractéristiques des actifs. Ce fut donc une expérience intéressante à notre échelle, mais en effet je pense que c’est une question d’équilibre entre l’offre et la demande. Il ne faut pas raisonner en termes d’incentive ou de prix : je pense qu’aujourd’hui il y a plus de demandes pour des obligations durables, donc par la force des choses comme on a plus d’intérêts sur nos émissions labellisées RSE, cela nous permet de tirer le prix vers le bas et de sortir dans des meilleures conditions. C’est plutôt une conséquence des succès de ce marché. Je ne crois pas qu’il faille le valoriser en tant que tel de manière systématique. Philippe : On essaie de raconter aux investisseurs depuis des années qu’ils peuvent placer sur des actifs durables en ayant la même performance, voire une meilleure performance que ce qu’ils auraient s’ils investissaient sur d’autres actifs. C’est comme ça que nous les attirons. On me demande souvent si c’est vrai. La réponse est oui : il y a un tas d’avantages, c’est une façon d’analyser le marché nous permettant d’être pertinents et d’aller vers les bons investissements. Si on part d’emblée du principe que l’investissement durable va être moins performant et qu’il va falloir payer plus cher, on risque de ne pas trouver beaucoup d’investisseurs. D’où l’intérêt de retourner le sujet : il faut créer de la demande pour améliorer la situation. Toutefois, la seule façon d’imaginer cette prime serait la mise en place d’avantages réglementaires et fiscaux s’associant à ces produits-là. Dans ce cas, on aurait bien une prime mais ce ne sera pas l’investisseur qui la paiera : c’est l’intérêt général qui la financera. Cela aurait un intérêt si l’on considère que le climat est un risque systémique pour le système financier. Il y a une autre façon de répondre, qui est de se demander : pour une entreprise, quel est l’intérêt d’émettre une obligation verte ? Est-ce que uploads/Finance/ vernimmen.pdf

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  • Publié le Sep 04, 2022
  • Catégorie Business / Finance
  • Langue French
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