Chapitre 2 – L’analyse économique des échanges internationaux Dans la pensée me
Chapitre 2 – L’analyse économique des échanges internationaux Dans la pensée mercantiliste, le commerce international est une source essentielle de la richesse et de la puissance d’un pays, mais il est de nature conflictuelle : « nul ne gagne que d’autres ne perdent » (A. de Montchrestien, Traité d’économie politique, 1615). Il est donc un « jeu à somme nulle ». Il faut attendre le 18e siècle avec D. Hume (De la Balance du Pouvoir, 1752) pour que le commerce mondial apparaisse comme un « jeu à somme positive », enrichissant tous les participants et favorisant la paix (thèse du doux commerce de Montesquieu). La voie est alors ouverte pour les théories classiques. I- Les analyses traditionnelles du commerce international : A) Les thuriféraires du libre-échange : -Smith (1776) développe la théorie de l’avantage absolu : chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la production où il a un avantage, puis de s’ouvrir pour échanger. Il y trouve là le moyen d’accroitre la division du travail donc la productivité, d’écouler ses excédents et d’obtenir des biens moins chers. Ricardo (chapitre 7, 1817) développe la théorie de l’avantage comparatif. Les hypothèses principales sont : 2 pays différents qui échangent 2 biens différents Rendements constants Mobilité internationale des biens produits Immobilité internationale des facteurs K et L Chaque pays doit comparer ses coûts dans 2 productions avec un autre pays, puis se spécialiser totalement dans la production du bien pour lequel il a un avantage comparatif. L’échange permet alors un gain réciproque pour les 2 pays. -Développant une théorie de la valeur-utilité, les néoclassiques traditionnels vont souligner le gain en termes de satisfaction que procure le libre-échange. L’ouverture conduit à un déplacement de la droite du taux marginal de transformation (TMT), qui trouve désormais son équilibre sur une courbe d’indifférence plus haute. -Heckscher (1919) et Ohlin (1933) inaugurent la théorie moderne du commerce international. Il rajoute au modèle ricardien l’hypothèse de 2 facteurs et de la concurrence pure et parfaite, et établissent, en raisonnant à partir de la théorie marginaliste de l’utilité-rareté, que chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la production du bien qui exige relativement bcp du facteur relativement abondant dont ils disposent (facteur moins rare, donc moins cher à produire, donc le produit fini sera moins cher). Stolper et Samuelson (1941) prolongeront le modèle ricardien en montrant que le commerce international conduit à terme à une convergence du prix des facteurs, autrement dit des revenus ; c’est donc un bienfait. B) Les pensées protectionnistes : -Dès 1791 dans son Rapport sur les manufactures, Hamilton conteste la pensée de Ricardo en montrant qu’il est nécessaire de protéger l’industrie naissante. J. Fichte dans L’Etat commercial fermé (1800) préconisera la fermeture commerciale de tous les Etats pour éviter la guerre qu’engendre tôt ou tard le libre-échange. Mais c’est surtout F. List, dans son Système national d’économie politique (1841) qui cristallisera la pensée protectionniste. Déjà en 1834, les Etats allemands suivaient ses prescriptions en signant le « Zollverein ». L’idée est que pour qu’une nation se développe, il faut « couver » son industrie le temps qu’elle apprenne à marcher, en se fermant au reste du monde pour que les consommateurs achètent local. Ce « socialisme de la chair » (F. List, A. Wagner, G. von Schmoller) remet donc en cause l’utilitarisme individualiste français et britannique, en mettant temporairement entre parenthèses les intérêts personnels des consommateurs allemands, et en lui substituant une pensée holiste qui pose la nation avant l’individu. Une fois mûr, le pays a intérêt à participer à l’échange : ainsi donc, « le protectionnisme est notre voie, le libre-échange notre but ». Dans les 1870s, C-B Dupont-White reprend ces thèses protectionnistes en conduisant une métaphore maritime : sans droits de douane, les crises soulèvent sur l’océan (territoire non protégé) d’effroyables tempêtes. -Le mélinisme est un protectionnisme visant à mettre les activités traditionnelles (agriculture) à l’abri de la concurrence pour conserver les structures sociales du passé. -Témoin des dérapages destructeurs qu’a entrainé la première globalisation financière, Keynes est partisan d’un « protectionnisme civilisateur » (1933) en particulier dans la sphère financière. De plus, le protectionnisme permet de renforcer l’efficacité des multiplicateurs. II- Des approches plus dynamiques (1950s-1980s) : →Le modèle ricardien n’explique pas pourquoi les Etats-Unis exportent des biens riches en travail dans les 1950s (1), pourquoi les échanges se font entre pays similaires autour de biens similaires dans les 1960s-1970s (2), ni la mobilité internationale des capitaux dans les 1970s (3), ni la croissance des rendements d’échelle (4). A) Le paradoxe de Leontief (1953) : Alors que les Etats-Unis sont relativement plus riches en capital, ils exportent plus de biens riches en travail entre 1947 et 1952 : leur spécialisation déroge a priori au théorème HOS. Il faut donc prendre en compte la qualification des travailleurs (remise en cause de l’hypothèse d’homogénéité) pour expliquer la productivité plus forte, auquel cas les Etats-Unis sont plus riches en travail, donc c’est bon. B) Progrès technique et multinationales : -E. Chamberlin montre dans The Theory of Monopolistic Competition (1933) que les firmes sont dans la recherche permanente de la différenciation de leur produit pour accroitre leurs parts de marché (on est donc en concurrence imparfaite). Ainsi donc, les firmes innovent pour bénéficier d’un monopole temporaire (M. Posner, 1961) : on rompt alors avec l’approche statique d’HOS puisque les avantages comparatifs ne sont que transitoires. R. Vernon (1966) reprend cette analyse dans sa théorie du cycle de vie du produit en montrant qu’une nation ne possède cet avantage comparatif que lorsqu’elle est la première à utiliser l’innovation ; des firmes vont ensuite la copier, elle va donc délocaliser sa production (remise en cause de l’hypothèse d’immobilité des facteurs) pour chercher des coûts de production plus faibles et supporter la concurrence des autres firmes (maturité), avant que le pays initial de la firme ne devienne importateur net du produit (sénescence). -Dans les 1960s-1970s, on se rend compte que les pays qui échangent ne sont pas différents (le Tiers-Monde est marginalisé) mais similaires, de même que les biens échangés. S-B Linder développe dans An Essay on Trade and Transformation (1961) la théorie de la demande représentative : l’exportation est la fin d’un « sentier d’expansion typique du marché », donc les échanges relient des pays au niveau de développement et à la structure de demande similaires. B. Lassudrie-Duchêne (« La demande de différence et l’échange international », 1971) développe la théorie de la demande de différence. On s’inspire ici des travaux de la nouvelle théorie du consommateur (K. Lancaster, G. Becker, 1960s) et de la notion de « caractéristique des biens » : le « commerce intra-branche » s’est développé car les consommateurs sont désormais producteurs de leur propre satisfaction et veulent donc avoir le choix entre des biens similaires. C) Concurrence imparfaite et rendements d’échelles croissants : Le théorème HOS raisonne sur des rendements constants, cad des coûts de production figés (l’avantage comparatif). Or, A. Marshall (1879) montre qu’une firme peut connaitre des économies d’échelle internes (plus elle produit, plus ses coûts sont faibles) et externes (plus la taille du secteur est grande, plus ses coûts sont faibles). P. Krugman se fonde sur cette analyse pour développer la nouvelle économie géographique (Geography and Trade, 1991) : une entreprise arrive dans une région par « accident », est rejointe par d’autre ce qui créé des effets de dimension (économies d’échelles externes) ; la région développe donc un avantage comparatif ex post. La spécialisation n’est donc pas une prédestination. III- La mondialisation et le retour de doutes théoriques (1980s - ) : A) La tentation protectionniste des 1970s-1980s : -La pensée structuraliste latino-américaine (Singer, Prebisch) retrouve certains principes listiens. Elle préconise la sortie de la DIT, et laisser l’Etat au gouvernail pour produire les industries d’aval en les protégeant de la concurrence internationale -Krugman développe la politique commerciale stratégique (PCS) en diffusant le modèle Brander-Spencer (1985) : l’idée est que le protectionnisme ponctuel, via la subvention de la firme nationale, permet d’éviter le duopole (Airbus/Boeing) et de récupérer la rente de monopole. On s’appuie sur le modèle japonais du MITI qui a su créer des « champions nationaux » dans les 1960s via des subventions. On raisonne ici en concurrence imparfaite et avec la théorie des jeux (matrice gains/pertes) B) « La mondialisation n’est pas coupable » : J-M Cardebat dans La mondialisation et l’emploi (2002) souligne l’impact minime des délocalisations et de la concurrence sur l’emploi. Au contraire, elle accroit la compétition ce qui est excellent pour l’efficacité économique. Si elle fait quelques perdants à court termes, ceux-ci sont emportés par la vague de croissance générale que la mondialisation entraine : c’est la théorie du ruissellement. Ainsi donc, P. Krugman affirme que « la mondialisation n’est pas coupable » (1996) et dénonce la théorie pop fondée sur une « rhétorique de la compétitivité » erronée. Le libre-échange est un optimum de second-rang (théorème du « second best », Lancaster et Lipsey, 1956) ; si les inégalités ont augmenté et que les travailleurs peu qualifiés uploads/Finance/ synthe-se-chap-2.pdf
Documents similaires









-
34
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 02, 2022
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
- Taille du fichier 0.1485MB