A. Beitone, L. Lorrain, C. Rodrigues, La dissertation de science économique © A

A. Beitone, L. Lorrain, C. Rodrigues, La dissertation de science économique © Armand Colin, 2016 Sujet 3 Les monnaies fortes sont-elles des atouts et les monnaies faibles des handicaps ? Décembre 2016 1. Se préparer à la rédaction 1.1 L’enjeu du sujet Dans un contexte de « guerre des monnaies », dénoncée depuis les débuts du quantitative easing (QE) aux Etats-Unis en réponse au choc de la crise financière de 2007 et renforcée par les politiques monétaires menées par la Banque du Japon ou la Banque centrale européenne, il est légitime de se demander s’il est préférable pour une économie d’avoir une monnaie forte ou une monnaie faible. Cette question ne peut se poser en dehors de tout contexte historique puisque l’organisation des relations monétaires internationales influence la politique de change que peuvent mener les autorités monétaires de chaque pays. Ainsi la France a longtemps eu la réputation de jouer sur la faiblesse du franc pour gagner en compétitivité-prix, notamment après la Deuxième Guerre mondiale en menant des politiques de dévaluation compétitive, avant de devenir un modèle de rigueur monétaire avec les politiques de franc fort menées au cours des années 1980 puis 1990. Le discours convenu veut qu’une monnaie forte soit un signe de vertu et apparaisse comme un élément positif pour une économie, alors qu’une monnaie faible est perçue péjorativement. Ainsi, il est souvent question du cercle vertueux de la monnaie forte qui permet de limiter l’inflation importée et incite les producteurs à améliorer leur compétitivité structurelle, et du cercle vicieux de la monnaie faible qui renchérit le coût des exportations (notamment lorsque l’élasticité-prix est faible comme pour les hydrocarbures) et entretient l’inflation. Pourtant, dans l’histoire, les monnaies faibles ont être un atout pour certaines économies, à l’image du franc Poincaré (dévalué de 80% par rapport à la valeur or du franc Germinal en 1928) ou du yen japonais au cours des Trente Glorieuses. 1.2 Le cadrage et les concepts clés Les notions de force ou de faiblesse des monnaies sont au cœur du sujet et doivent être précisées. Une première approche peut consister à qualifier de « forte » une monnaie dont le taux de change courant est supérieur à sa valeur d’équilibre fondamental. Elle est alors dite sur-évaluée. A l’inverse, une monnaie est « faible » si son taux de change est inférieur à sa valeur d’équilibre. Elle est alors dite sous-évaluée. La difficulté consiste cependant à déterminer la valeur du taux de change d’équilibre. Les économistes utilisent plusieurs méthodes reposant sur les « fondamentaux » du taux de change : la compétitivité des économies (excédent ou déficit de la balance des transactions courantes, différentiel d’inflation, différentiel d’intérêt). Dans ces conditions, dire du yuan chinois, par exemple, qu’il est sous-évalué, c’est dire que son taux de change ne reflète pas les fondamentaux économiques et financiers de ce pays. C’était vrai au cours des années 1990 et au début des années 2000, ce ne semble plus être le cas aujourd’hui malgré les déclarations récentes venant des Etats- Unis. A. Beitone, L. Lorrain, C. Rodrigues, La dissertation de science économique © Armand Colin, 2016 La force ou la faiblesse d’une monnaie repose ainsi sur les offres et demandes de monnaie sur le marché des changes. C’est la raison pour laquelle la confiance accordée à une monnaie au niveau international peut également être considérée comme un indicateur de force ou de faiblesse. En effet, si les acteurs du marché des changes, dont les volumes de transactions dépassent aujourd’hui les 5000 milliards de dollars quotidiennement selon la Banque des règlements internationaux, perdent confiance dans une monnaie, ils vont se porter vendeurs et celle-ci va se déprécier, voire s’effondrer. La confiance repose alors surtout sur les autorités monétaires et leur crédibilité, c’est-à-dire leur capacité à agir comme annoncé et comme attendu par les acteurs du marché des changes. Enfin, il convient de tenir compte du contexte historique des relations monétaires internationales pour définir quelle monnaie est forte. En effet, un système monétaire international repose généralement sur une monnaie qui joue le rôle de pivot en assurant les trois fonctions d’intermédiaire des échanges, d’unité de compte et de réserve de valeur internationale. On parle alors de « devise clé ». La Livre sterling a joué ce rôle dans le cadre de l’étalon-or et le dollar dans le cadre du système de Bretton Woods. La perte de confiance dans cette capacité à fonder les règlements internationaux peut être perçue comme un signe de faiblesse. La livre sterling était ainsi une monnaie forte jusqu’en 1913 mais n’a plus depuis retrouvé ce rôle de pivot dans le système monétaire international. 1.3 La construction de la problématique S’interroger sur les atouts et les handicaps des monnaies fortes et des monnaies faibles c’est se demander s’il est préférable pour une économie d’avoir une monnaie sur-évaluée ou sous-évaluée, c’est également se demander pour les autorités monétaires comment obtenir le plus haut degré de confiance dans la monnaie nationale. Il convient de se demander pour quoi (la compétitivité, le coût du financement) ou pour qui (l’économie nationale, l’économie régionale, l’économie mondiale) chaque situation pourrait être un atout ou un handicap. Plusieurs niveaux d’analyse doivent être considérés concernant ce sujet. Il convient en premier lieu de se demander s’il est préférable pour une économie nationale de disposer d’une monnaie forte ou d’une monnaie faible au regard de ses fondamentaux. Il est ainsi fréquemment admis qu’une monnaie faible peut être un facteur important de rattrapage pour les économies en développement quand une monnaie forte est une incitation à améliorer la compétitivité hors-prix des économies développées. En second lieu, l’organisation des relations monétaires internationales ne peut reposer sur une « guerre des monnaies ». Pour l’économiste et historien américain Ch. Kindleberger, seule une monnaie forte, celle de la puissance hégémonique, peut permettre d’en garantir la stabilité. C’est ce que furent la livre sterling puis le dollar dans l’histoire monétaire internationale. Il parle de « stabilité hégémonique ». M. Aglietta considère quant à lui que le système monétaire international ne peut plus reposer sur une « devise clé », ce qui nécessite une coopération forte entre autorités monétaires, dans le cadre d’un système multipolaire reposant sur le dollar, l’euro et le yuan. 1. Rédiger le devoir : une proposition L’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis a relancé la question de l’intérêt d’un dollar fort pour les Etats-Unis. En effet, la monnaie américaine s’est appréciée, notamment face à l’euro mais également face aux monnaies des pays émergents, les marchés anticipant un A. Beitone, L. Lorrain, C. Rodrigues, La dissertation de science économique © Armand Colin, 2016 accroissement des taux directeurs de la Fed et de la rentabilité des placements financiers aux Etats- Unis. Pourtant, le Président élu a passé son temps à fustiger la supposée faiblesse du yuan, la monnaie chinoise, et à promettre la réindustrialisation de l’Amérique. Cela semble contradictoire avec l’évolution de la devise américaine puisque par définition, lorsqu’une monnaie nationale s’apprécie, une autre se déprécie (ici le yuan), et lorsqu’une monnaie nationale s’apprécie, toutes choses étant égale par ailleurs, la compétitivité-prix des produits nationaux se détériore. Une monnaie est qualifiée de forte ou de faible selon qu’elle est sur-évaluée ou sous-évaluée par rapport à sa valeur d’équilibre. D’autre part, une monnaie sera considérée comme forte si elle inspire confiance aux agents économiques, dans le sens où elle reste stable et permet d’éviter des pertes de change. Le discours convenu considère qu’une monnaie forte est un signe de vertu alors qu’une monnaie faible traduit un manque de rigueur des gouvernements, voire un comportement de passager clandestin visant à manipuler la monnaie nationale pour rendre les produits nationaux plus compétitifs. Il convient cependant de questionner cette approche. Si une monnaie forte peut apparaître comme un atout, est-ce toujours le cas ? N’existe-t-il pas des situations pour lesquelles c’est la faiblesse de la monnaie qui l’est et la force qui devient un handicap ? Par ailleurs, les relations monétaires internationales se sont historiquement fondées sur une monnaie forte. En ce sens, il faut se demander si les monnaies fortes peuvent être un atout pour la stabilité monétaire internationale. Afin de répondre à la question posée, nous nous proposons d’analyser les atouts et handicaps d’une monnaie forte ou faible pour les économies nationales (I). Nous analysons ensuite la question des relations monétaires internationales et l’intérêt, ou la possibilité, de disposer d’une monnaie forte (II). *** I. Les monnaies fortes sont-elles toujours des atouts et les monnaies faibles des handicaps pour les économies nationales ? Le discours convenu souligne que disposer d’une monnaie forte est vertueux pour une économie nationale. Si une monnaie forte peut être un atout pour une économie forte (A), une monnaie faible n’est pas toujours un handicap et peut même dynamiser une économie nationale (B). A. Une monnaie forte, atout pour une économie forte Une monnaie forte tend à être surévaluée par rapport à sa valeur d’équilibre. Cela traduit une situation économique favorable et un haut niveau de confiance dans cette monnaie. Le franc suisse est considéré comme une uploads/Finance/ sujet-03-corrige-complet.pdf

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  • Publié le Fev 17, 2022
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