HEC Montréal La fabrication du consentement dans l'usine sociale: Étude critiqu
HEC Montréal La fabrication du consentement dans l'usine sociale: Étude critique sur la prosumption par Justin Maalouf Membres du comité Yves-Marie Abraham, directeur, HEC Montéal. Richard Déry, HEC Montréal. Mehran Ebrahimi, ESG-UQAM. Avril 2015 2 Table des matières 1-Introduction 3 2-Revue de la littérature 6 Qu’est-ce que la prosumption? 7 Quelles sont les facteurs permettant d'expliquer l'essor récent de la prosumption? 18 Comment les sciences managériales envisagent-elles la prosumption? 21 Avantages et inconvénients de la co-création ? 31 Conclusion 37 3- Présentation de la théorie autonomiste 43 Subsomption formelle, subsomption réelle et biocapitalisme. 43 Inversion copernicienne et composition de classe. 47 Multitude 54 Travail immatériel 59 Immanence 65 Les communs 67 Social factory et free labour 70 La valeur 77 Le devenir rente du profit 94 L'entrepreneur politique 103 Biopolitique 108 Conclusion 112 4- Labour process theory et consentement 115 Conclusion 130 5-Méthodologie 133 6- Conclusion 145 Bibliographie 146 3 1-Introduction Capitalist economic rationality has no room for authentically free time which neither produces nor consumes commercial wealth .... Capital must not only find ways to absorb more and more goods and services through realisation but also somehow occupy the free time that the new technologies release (Harvey, 2014: 277-278). Une des particularités les plus distinctives du monde organisationnel contemporain est l'importance prépondérante que prennent les activités de prosumption dans la création de valeur pour les entreprises. Le terme prosumption est un néologisme permettant de désigner les activités brisant la frontière entre la production et la consommation ainsi que le travail et la vie personnelle et sociale, causant ainsi l'estompement des séparations spatiales et temporelles typiques de la modernité (Rosa, 2010; Ritzer; 2014b). Même si ces activités de prosumption ne sont pas nécessairement un phénomène nouveau (comme le démontrent les exemples des stations-services libre-service et des "fast-foods"), et seraient même selon Ritzer1 (2014a) une constante à travers l'histoire humaine, elles prennent indubitablement une importance accrue dans l'économie contemporaine. Pour s'en convaincre, on n’a qu'à se référer au fait qu'un nombre sans cesse croissant de chercheurs et d'auteurs, provenant d'écoles de pensée disparates, soulignent que l'identification et la création de processus permettant la création de valeur par les clients est devenu un pré-requis essentiel pour la survie à long terme de toute entreprise (Arvidsson, 2006; Chesborough, 2006; Cova et Cova, 2012; Dujarier, 2008; Hardt et Negri, 2009; Howe, 2009; Norman et Ramirez, 1993; Prahalad et Ramaswamy, 2004; Ritzer et al., 2012; Sanders et Stappers, 2008; Tapscott et Williams, 2006; Terranova, 2004; Vargo et Lusch, 2004; von Hippel, 2005; Williams et Tapscott, 2006; Willmott, 2010; Zizek, 2009). Cette importance est devenue telle, que, selon Ritzer (2014b), nous sommes maintenant dans une société de prosumeurs ("prosumer society"), dans la mesure où la prosumption occupe une place de plus en plus proéminente autant économiquement que socialement et même politiquement, puisque pour certains, elle est perçue comme une alternative politique en opposition au monde d’ultra-consommation dans lequel baigne l’individu contemporain (Cova et al., 2013). Considérant que les études sur le sujet démontrent qu'entre 58 et 83 % de la population des pays les plus économiquement 1 Cet auteur affirme même que la distinction entre les rôles de producteur et de consommateur typique de la modernité est en fait une aberration dans l'histoire humaine. 4 avancés s'engagent régulièrement dans ce type d'activités (Arvidsson, 2008), il devient très difficile de contredire Ritzer sur ce point. L'accroissement considérable, tant en nombre qu'en intensité, de ce type d'activité, a des impacts considérables pour les entreprises contemporaines. L'amplification de ce phénomène a d'ailleurs créé pour les entreprises, de toutes nouvelles façons de réaliser des profits. Prenons l'exemple de Facebook, qui en plus d'être un phénomène culturel d'une très grande importance, est une entreprise extrêmement rentable, dont le modèle d'affaires dépend intégralement de la prosumption. Pour l'année 2014, son profit frôle les 5 milliards de dollars américains, ses revenus dépassent les 12 milliards de dollars américains et sa capitalisation boursière dépasse les 200 milliards de dollars américains, et ce, même si elle a un nombre d'employés relativement faible (Fuchs, 2015). On peut également à se référer à l'exemple des marques (dont la capitalisation dépend, comme il le sera démontré, en grande partie de la prosumption), puisque l'importance de celles-ci pour la création de valeur est maintenant un fait bien établi par la littérature. En effet, il est généralement considéré que les marques sont la cause de plus d'un tiers de la valeur retirée par les actionnaires (Duguleană et Duguleană, 2014). Les marques sont d'ailleurs devenues tellement rentables, que certaines des entreprises les plus profitables mondialement n'effectuent pratiquement plus aucune activité de production à proprement parler, et se concentrent exclusivement sur le développement de leurs marques (Arvidsson, 2005; 2013). Toutefois, les impacts de la prosumption ne se limitent pas qu'aux organisations, car celle-ci a également des impacts importants au niveau sociétal. Impacts qui sont trop souvent négligés dans les sciences managériales Le présent texte est une proposition de thèse portant sur l'étude approfondie de ce phénomène, plus spécifiquement en ce qui concerne sa réalisation sur l'internet. Cette tâche nous semble être d'une importance considérable, puisque comme Ritzer (2014a) le souligne, malgré qu'il soit devenu indéniable que le modèle d'affaire d'une frange importante du monde corporatif est dépendant de l'externalisation de certaines fonctions organisationnelles vers les consommateurs, les sciences organisationnelles ainsi que la sociologie semblent encore relativement peu avancées quant à la théorisation et conceptualisation du phénomène. Le premier chapitre de cette proposition consistera en 5 une revue de la littérature, autant sociologique que managériale, portant sur la prosumption. Ce qui permettra de définir clairement le terme, ainsi que d'explorer les problématiques lui étant associées. Ce chapitre permettra également d'aborder les théories managériales portant sur ce sujet, ayant le plus d'influence. Nous conclurons ce chapitre en faisant valoir la nécessité de compléter les études existantes par une analyse néo- marxiste de la prosumption. Les deux chapitres subséquents permettront de présenter les deux théories néo-marxistes qui serviront de cadre conceptuel à ce travail, soit le marxisme autonomiste et le "labour process theory" (LPT). Finalement, ce texte se conclura par la présentation de la méthodologie sur laquelle nous prendrons appui pour tenter de répondre à la question de recherche que nous nous sommes donnée. 6 2-Revue de la littérature Le présent chapitre consistera en une revue de la littérature, principalement managériale et sociologique, portant sur la prosumption. Cette revue de la littérature permettra de donner une définition claire et précise à ce terme, d'aborder les différentes théories ayant été proposées afin d'expliquer et de comprendre cette forme d'activité, ainsi que d'exposer les principaux résultats des recherches ayant été menées sur le sujet. La question nous ayant guidé au cours de cette revue de la littérature est la suivante: "En quoi consiste la prosumption et quelles sont les différentes conséquences autant économiques, sociales qu'organisationnelles qu'elle crée?". Avant d'effectuer cette présentation, on se doit de souligner qu'il n'existe pas de consensus au niveau sémantique au sein de la littérature, puisque cette forme d'activités a été nommée de multiples façons. Les plus connus étant: auto-production (Dujarier, 2008), co-création et co-production de valeur (Prahalad et Ramaswamy, 2004), co-design (Sanders et Stappers, 2008), "user-led innovation" (von Hippel, 2005), innovation ouverte (Chesborough, 2006), "crowdsourcing" (Howe, 2009), prosumption (Toffler, 1980), consommateurs travaillants (Cova et White, 2009), labeur gratuit (Terranova, 2004), "service dominant logic" (Vargo et Lusch, 2004) ou bien "wikinomics" (Tapscott et Williams, 2006). Bien qu'en règle générale ces différents termes peuvent être utilisés de manières indistinctes, considérant la définition relativement vague qui leur est donnée, il est important de noter qu'il existe tout de même un certain débat au sein des sciences managériales quant à la distinction entre ceux-ci. Plus spécifiquement en ce qui a trait aux termes de co-création et de co-production. En effet, bien que certains auteurs rejettent toutes distinctions entre ces deux termes et ne se contentent que de souligner qu'ils référent tous à des situations dans lesquelles les consommateurs collaborent avec les entreprises et/ou d’autres consommateurs afin de produire une quelconque valeur (Denegri-Knott et Zwick, 2012; Humphreys et Grayson, 2008; Payne et al. ,2008), plusieurs autres auteurs affirment que ces deux termes, bien qu'ayant une liaison forte, ne décrivent pas tout à fait le même phénomène (Ertimur et Venkatesh, 2010; Grönroos, 2011; Marion, 2013; Vargo et Lusch, 2006b). Ces différents auteurs ne s'entendent toutefois pas sur la définition précise que prend chacun de ces 7 termes. Obscurcissant davantage le portrait, Cova et al.. (2013) affirment qu'il faut également faire une distinction entre ces deux termes, et celui d'autoproduction, qui consiste en des activités que le consommateur développe, en relation plus ou moins étroite avec l’entreprise, afin de satisfaire ses besoins ou ceux de ses proches, et non ceux de l’entreprise. La sociologie de la consommation de son côté tend à faire peu de cas de ce débat sémantique, et utilise majoritairement le terme prosumption, qui est un néologisme mis de l'avant par Toffler (Ritzer, 2014a; 2014b) ou bien le terme d'auto- production (Dujarier, 2008; 2014). Le présent texte ne cherchera pas à trancher cette question, et utilisera uploads/Finance/ proposition-de-these-justin-maalouf-pdf.pdf
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- Publié le Jan 10, 2021
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
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