FISCALITÉ DU NUMÉRIQUE Poursuivre un objectif d’équité sans instaurer de régime

FISCALITÉ DU NUMÉRIQUE Poursuivre un objectif d’équité sans instaurer de régime d’exception Il en résulte à ce jour des propositions de taxes sectorielles dont l’efficience a été généralement mise en doute, voire dont les effets contre- productifs ont été soulignés. Préambule Poursuivre un objectif d’équité sans instaurer de régime d’exception D Depuis trois ans, de nombreuses tentatives d’instauration de nouvelles taxes sectorielles ciblant l’économie numérique ont vu le jour. La majorité de ces tentatives a été animée par le souhait de corriger une réalité économique indéniable : la plupart des champions de l’économie numérique sont des acteurs internationaux dont les innovations et modèles économiques leur ont permis de s’abstraire des modes de distribution traditionnels, des cadres de régulation associés à ces modèles et, donc, de mettre en place des stratégies d’optimisation fiscale parfaitement adaptées aux cadres réglementaires européens. Certaines de ces propositions de taxes ont ainsi été à l’initiative de parlementaires motivés par la transposition au numérique de dispositions fiscales manifestement plus adaptées à l’économie traditionnelle. Ces dernières ou d’autres ont aussi fait l’objet de soutien de la part d’écosystèmes économiques s’estimant lésés par la concurrence de l’économie numérique. Il en résulte à ce jour des propositions de taxes sectorielles dont l’efficience a été généralement mise en doute, voire dont les effets contre- productifs ont été soulignés. Il est vrai que de par son caractère immatériel, l’économie numérique permet plus facilement une localisation optimale de ses actifs sans préjudice pour la qualité de service. Mais, loin d’être l’apanage exclusif de l’économie numérique, les pratiques d’optimisation fiscale sont le fait de grands groupes, tous secteurs confondus, tant le contexte concurrentiel en matière fiscale s’y prête en Europe ou ailleurs, et tant les montants en jeu sont considérables. Si la préoccupation des pouvoirs publics d’un meilleur recouvrement de l’impôt est, évidemment, tout à fait légitime et qu’elle est en outre logiquement partagée par de nombreuses entreprises dans un esprit de juste concurrence, il n’est pas justifié de stigmatiser l’économie numérique sur ce point en particulier. Pour autant, l’économie numérique fait, de la part de certains, l’objet d’une quasi « diabolisation » qui n’est pas sans rappeler celle dont l’électricité faisait l’objet à son invention. Il n’est, en effet, pas acceptable de lire ou d’entendre l’économie numérique se faire qualifier d’économie « prédactrice ». Les outils numériques, qu’ils reposent ou non sur un modèle d’audience ou de collecte de données, proposent – gratuitement ou non – des services à haute valeur ajoutée. Bien plus, ils représentent pour beaucoup d’utilisateurs de formidables espaces de liberté d’expression et d’opportunités de création de toute nature. Le statut des données personnelles, qui est au cœur de leur financement dans le cas de la gratuité, fait l’objet de travaux qui conduiront à un cadre réglementaire stabilisé assurant le développement des usages dans le respect indispensable des libertés publiques. En réinventant les usages, le numérique change les comportements sociaux et … économiques. Les chaînes de valeur en sont donc bousculées et les entreprises doivent se réinventer elles-mêmes. Ce mouvement est ressenti de façon particulièrement forte en France où les usages sont, dans certains secteurs, enserrés dans des cadres de régulation. La mission dévolue à Pierre Lescure vise notamment à résoudre cette contradiction qui déstabilise le modèle française de l’exception culturelle. Le numérique est en fait à l’origine d’une formidable création de valeur que ce soit en tant que secteur producteur, pour les utilisateurs (entreprises et individus) ou en tant que vecteur d’innovation pour les industries de toutes sortes. Des leviers en matière d’équité fiscale qui adapteraient le cadre actuel pour les PME de croissance doivent en tout état de cause être explorés. Mais la part des débats sur la fiscalité du numérique qui ne relève que des conséquences désordonnées de la mondialisation des échanges ou de l’inconsistance du projet européen – c’est-à-dire finalement 1 Au lieu de faire parler le génie national en matière d’inventivité fiscale, on serait mieux inspiré d’élaborer des politiques industrielles susceptibles de donner naissance à des acteurs économiques mondiaux. l’essentiel – doit être appréhendée dans ce cadre. Au lieu de faire parler le génie national en matière d’inventivité fiscale, on serait mieux inspiré d’élaborer des politiques industrielles susceptibles de donner naissance à des acteurs économiques mondiaux, de construire des contextes attractifs d’épanouissement de l’innovation, de reconstruire des cadres de régulation adaptés aux nouvelles réalités et de donner une nouvelle impulsion aux concertations sur l’évolution de la fiscalité des acteurs internationaux. 2 Sommaire A. L’économie numérique créatrice de valeur 5 1. La Création de valeur pour le numérique et par le numérique 5 a. L’innovation au sein des entreprises repose sur le numérique b. Le numérique prend une place déterminante dans la valeur ajoutée des c. Les services numériques donnent de la valeur aux réseaux 5 5 7 2. Une opportunité de « transformation de la valeur » plutôt qu’un « transfert de valeur de la part des industries traditionnelles » 7 3. L’hypothèse myope de la fiscalité comme principal avantage comparatif des grands acteurs du numérique 8 4. La fiscalité, véritable effet levier sur le développement des PME 9 5. L’économie numérique est effectivement… numérique 9 6. La notion éminemment contestable du « travail gratuit » 9 B. L’environnement fiscal de l’économie numérique 10 1. La stabilité réglementaire et fiscale comme préalable 10 a. Sanctuariser le Crédit impôt recherche (CIR) b. Le dispositif Jeune Entreprise Innovante : stabilité et pérennité c. Les propositions de réforme du rapport Colin & Collin 10 12 12 2. Numérique et optimisation fiscale 12 a. Le chantier de l’harmonisation fiscale européenne b. Les possibilités offertes d’optimisation fiscale en Europe 12 14 3. Les initiatives de taxation du numérique 15 a. Taxes sur la publicité b. La Taxe sur l’achat de services de commerce électronique (TASCOé) : une tentative illusoire d’intégration du monde numérique dans les schémas du monde réel c. Copie privée et cloud computing : ne pas confondre l’usage et l’exception d. Taxe sur les données personnelles e. La taxe sur la bande passante 15 15 16 18 19 C. Développer l’attractivité du territoire et poursuivre l’harmonisation fiscale 20 1. Priorité aux stratégies d’attractivité 20 2. Les travaux européens et de l’OCDE en vue d’une harmonisation 20 3 4 On ne peut évoquer la compétitivité au sein des entreprises aujourd’hui, sans souligner leur stratégie numérique. A. L’économie numérique, créatrice de valeur 1. La Création de valeur pour le numérique et par le numérique a. L’innovation au sein des entreprises repose sur le numérique Le numérique est au cœur des processus de transformation et d’innovation de toutes les entreprises. Si bien qu’on ne peut évoquer la compétitivité au sein des entreprises aujourd’hui, sans souligner leur stratégie numérique. Comme le montre le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) de janvier 20121, l’économie numérique s’étend progressivement à tous les secteurs, jusqu’à toucher aujourd’hui directement 80% de l’économie française. Les secteurs profondémment transformés sous l’effet de la numérisation, tels la musique ou les voyages, représentent 12% du PIB. Les entreprises les plus performantes sont en outre des pure players du numérique. Les nations qui améliorent leur rayonnement économique international sont celles, qui à l’instar d’une Corée du Sud ayant dépassé la France dans le classement du World Economic Forum, ont le plus investi dans le numérique. b. Le numérique prend une place déterminante dans la valeur ajoutée des produits industriels De nombreuses études et rapports2 font le lien entre investissements dans le numérique, et croissance des entreprises. Les chiffres du rapport de l’IGF3 sont éloquents. Le cœur de l’économie numérique représente 5,2% du PIB et les secteurs profondément transformés par l’économie numérique 12%. Au total, les secteurs qui ont dégagé des gains de productivité significatifs grâce à l’intégration des TIC constituent 60% du PIB. Le numérique contribue au quart de la croissance française. 1 Rapport IGF sur le soutien à l’économie numérique et à l’innovation, janvier 2012 2 Rapport Mc Kinsey 2011 sur Internet 3 Rapport IGF sur le soutien à l’économie numérique et à l’innovation, janvier 2012 5 Le numérique est le principal relais de croissance des industries traditionnelles Toutefois, la France accuse un retard conséquent. Elle n’occupe que le 21e rang mondial de l’adoption des TICs selon le Digital Ranking publié par The Economist. Une réalité qui se paie en points de PIB car l’économie numérique croît deux fois plus que le reste de l’économie et les nouvelles technologies sont aujourd’hui le principal levier de productivité des économies traditionnelles. Rexecode estime ainsi que le numérique aurait contribué à hauteur de 37% à la croissance aux Etats-Unis entre 1980 et 2008, contre 26% en France. Le numérique est le principal relais de croissance des industries traditionnelles qui améliorent leurs process de production, leurs produits et leurs services grâce à lui. Certains pays ont bien appréhendé ces nouveaux challenges, à l’image des pays scandinaves, de Taïwan, de la Corée du Sud, du Japon, d’Israël et des États-Unis. Selon les rapporteurs de l’IGF4, il convient de renforcer le cœur de l’économie numérique et d’améliorer l’effet de diffusion et d’appropriation du numérique par les uploads/Finance/ position-afdel-fiscalite-du-numerique-poursuivre-un-objectif-d-x27-equite-sans-instaurer-de-regime-d-x27-exception-19022013-pdf.pdf

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  • Publié le Jan 09, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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