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U N I O N M O N E T A I R E O U E S T A F R I C A I N ETUDES ET RECHERCHES BANQUE CENTRALE DES ETATS DE L'AFRIQUE DE L'OUEST Notes d'Information et Statistiques N° 528 Août/Septembre 2002 LES DETERMINANTS DE LA DEGRADATION DU PORTEFEUILLE DES BANQUES : une approche économétrique et factorielle appliquée au système bancaire nigérien Préparé par Rabiou ABDOU* Résumé L’objet de la présente étude est de déterminer les principales causes de la dégradation brute du portefeuille des banques au Niger, en se basant sur la destination sectorielle des crédits, les données relatives à l’environnement économique et institutionnel, ainsi que les variables spécifiques aux banques notamment le système d’information, la qualité des ressources humaines et la politique de crédit. La méthodologie adoptée est basée sur la complémentarité des méthodes économétriques et d’analyse factorielle notamment l’Analyse en Composantes Principales (ACP), en matière d’explication des phénomènes potentiellement influencés par un grand nombre de variables. Ainsi, outre l’environnement juridique peu favorable, le potentiel humain et les systèmes d’information des banques paraissent, à priori, peu compatibles avec une intermédiation financière saine. Par ailleurs, il apparaît que la discrimination de la clientèle par l’arme du coût du crédit semble améliorer la qualité du portefeuille à court terme, mais exercerait un effet inverse à long terme, conséquence de la faible capacité d’anticipation des banques. La stabilité macroéconomique (mesurée par la faiblesse de la variabilité de l’inflation) et le poids relatif des crédits à court terme auraient un impact favorable sur la qualité du portefeuille des banques. En revanche, les banques «hors banque» paraissent plus exposées au risque d’accumulation des créances en souffrance, conséquence probable d’une illusion d’autonomie les privant du « souci de mieux faire » pour satisfaire les exigences du marché. De même, à long terme, la hausse des taux d’intérêt a tendance à détériorer la qualité des crédits. En outre, le niveau actuel d’application des Accords de Classement ne semble pas avoir un impact significatif sur la qualité du portefeuille. Les cycles pluviométriques, en affectant les résultats des campagnes agricoles, semblent induire un effet défavorable sur la capacité des débiteurs à faire face aux échéances des prêts. Enfin, la configuration actuelle du tissu industriel paraît peu favorable à un financement sain du secteur. Afin de limiter les effets pervers des mauvais crédits, l’étude propose quelques pistes d’action. Ainsi, les axes d’intervention pourraient s’articuler autour des points ci-après : respect des principes cardinaux d’octroi et de gestion de crédit par les banques, instauration du taux brut de dégradation du portefeuille comme ratio prudentiel assorti d’un seuil à définir ; audit opérationnel des systèmes d’information et définition d’un standard minimum commun ; création d’un état prudentiel relatif au profil des agents assurant les fonctions de gérance, de direction et d’analyse de risque ; et, examiner les possibilités de formation itinérante par le COFEB ou l’élargissement du télé-enseignement aux banques primaires. * : Fondé de Pouvoirs au Service du Crédit à l’Agence Principale de la BCEAO de Niamey (Niger) ; Ingénieur Statisticien-Economiste (ENSEA, Abidjan) et titulaire d’un Mastère Spécialisé en Modélisation Economique et Statistique (ENSAE, Paris). 2 INTRODUCTION L’indicateur retenu pour mesurer la qualité des crédits est le taux brut1 de dégradation du portefeuille des banques. Il est défini comme le rapport entre les crédits en souffrance bruts et le total des crédits. Les crédits en souffrance sont la somme des crédits impayés et immobilisés (c’est-à-dire dont au moins une échéance est impayée depuis moins de 6 mois) et des douteux et litigieux (c’est-à-dire dont au moins une échéance est impayée depuis plus de 6 mois). La qualité des crédits est peu satisfaisante ces dernières années dans la zone UMOA. Le taux brut de dégradation du portefeuille des banques qui a connu une nette amélioration de 1993 à mars 2000 en passant de 36% à 19,5%, se dégrade de nouveau au fur et à mesure. Au Niger, la situation paraît moins bonne que la moyenne. Ce taux qui affichait 28,6% en 1997 et 28,8% en 1998, a atteint 29,4% en 1999 pour fléchir légèrement en 2000 à un niveau de 24%. Les conséquences de la détérioration de la qualité des crédits observée au Niger dans les années 1990 constituent autant de raisons pour que la résurgence du même phénomène en justifie la recherche des déterminants. En effet, tous les secteurs de l’économie nationale ont souffert de la faillite de la Banque de Développement de la République du Niger (BDRN) et de la Caisse Nationale de Crédit Agricole (CNCA) pour défaut de remboursement de crédits, ainsi que le gel des avoirs de la Caisse Nationale d’Epargne (CNE). Par ailleurs, l’identification des facteurs qui affectent la qualité des crédits est utile à plus d’un titre pour les Autorités monétaires. En effet, une des missions essentielles généralement assignées à une banque centrale est la conduite de la politique monétaire dont une des finalités est d’assurer un financement sain de l’économie. Cela suppose l’existence d’intermédiaires financiers viables. Un système bancaire accumulant des créances en souffrance ne peut jouer efficacement ce rôle. La raison en est que, lorsque les créances en souffrance sont provisionnées, la rentabilité des banques est réduite et leur capacité à financer les activités productives est affectée négativement. En cas de non provisionnement, les créances en souffrance détériorent la capitalisation des banques puisqu’elles sont déduites des fonds propres de base. Ainsi, les fonds propres effectifs vont afficher un repli, affectant négativement la solvabilité des banques. Se faisant, lorsque l’insolvabilité devient chronique et généralisée, le risque de crise systémique s’accroît. Dans les deux cas de figure, les mauvais crédits exercent un effet d’éviction sur le financement des investissements, ce qui pourrait aggraver le recul économique qui, à son tour, détériore l’environnement des entreprises qui empruntent. Le risque d’un cercle vicieux est ainsi créé entre la crise bancaire et la crise économique (Horiuchi A., 1998). Ainsi, lorsque la dégradation du portefeuille des banques atteint un certain seuil2, la transmission des signaux monétaires par le canal du crédit bancaire pourrait s’avérer inefficiente. Prévenir la dégradation du portefeuille des banques est sans doute l’une des préoccupations des Autorités monétaires, et en comprendre les déterminants est une étape dans cette direction La présente étude se propose de déterminer les principales causes de la dégradation de la qualité des crédits au Niger, en privilégiant l’analyse de la destination sectorielle des concours bancaires, l’utilisation des variables spécifiques aux banques, ainsi que celles relevant de l’environnement macroéconomique. La méthodologie adoptée est basée sur une utilisation complémentaire de l’économétrie et des méthodes d’analyse factorielle, notamment l’Analyse en Composantes Principales (ACP). A cet effet, les deux utilisations de l’ACP telles que exposées par Michel V. (1978 ), Bry X. (1994 et 1996) et Johnston (1985) ont été expérimentées dans le document. Les deux premiers auteurs traitent l’ACP comme une méthode d’analyse autonome pouvant servir à identifier les variables qui sont associées négativement ou positivement (ou pas du tout) avec une variable d’intérêt qui peut être la variable dépendante d’un modèle économétrique. Se faisant, les résultats de l’ACP peuvent servir de comparaison avec ceux de l’économétrie. Quant à Johnston, il établit une relation entre l’ACP et l’économétrie de façon à optimiser la qualité des modèles économétriques lorsque le phénomène à expliquer est affecté par une diversité de facteurs (on cherche alors des variables de synthèse et, dans ce cas, la variable à expliquer est mise en supplémentaire3 ou retirée de l’analyse pour ne pas perturber la formation des axes factoriels). 1 : Le taux brut est préféré dans cet article au taux net de dégradation du portefeuille, pour la simple raison qu’un taux net, en déduisant le montant des provisions du total de crédits en souffrance, ne rend pas compte des problèmes latents des banques. En effet, la provision est un coût, voire une perte probable pour les banques, dont le seul avantage est de limiter le risque de panique. 2 : Asli et al. (1998) retiennent comme seuil critique, un ratio des mauvais emplois nets sur le total des actifs supérieur à 10%, ou un coût de redressement atteignant 2% du PIB. 3 : Une variable est dite mise en supplémentaire lorsque son poids est annulé de façon à ce qu’elle ne participe pas à la formation des axes. Une variable mise en supplémentaire peut figurer malgré tout sur les graphiques factoriels, mais ce n’est qu’une projection ex post après la formation des axes par les autres variables actives. 3 Le document est structuré en trois parties. La première présente un survol de la littérature consacrée aux crises bancaires. La deuxième partie analyse les systèmes d’information, le potentiel humain des banques et le dispositif juridique de recouvrement des créances. Ces aspects qualitatifs, rarement traités à partir des données de terrain, pourraient se révéler déterminants dans la mauvaise appréciation du risque et dans le traitement des contentieux bancaires. Enfin, dans la troisième partie, un modèle à correction d’erreurs est spécifié et estimé et des propositions sont formulées pour améliorer la qualité des crédits. I - REVUE DE LITTERATURE La uploads/Finance/ les-determinants-de-la-degradation-du-portefeuille-des-banques-une-approche-econometrique-et-factorielle-pdf.pdf
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- Publié le Oct 06, 2021
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