LE CAS FERON Crée en 1985, Feron était en 2000 la septième firme des Etats-Unis
LE CAS FERON Crée en 1985, Feron était en 2000 la septième firme des Etats-Unis par le chiffre d’affaires (101 milliards de dollars), la quinzième entreprise mondiale. Presque équivalente à Total fina Elf, deux fois plus grande que Nestlé, trois plus qu’EDF, elle était à la tête d’une nébuleuse de 3000 filiales, dont 693 étaient localisées dans le paradis fiscal des îles Caïmans. Sa croissance a été extrêmement rapide. En 1998, elle réalisait 10 milliards de chiffre d’affaires dans des activités diverses du monde de l’énergie. En l’espace de deux ans, ce chiffre a été multiplié par dix. Pour y parvenir, Feron se lance dans des activités de courtage par Internet. Courtage aux industriels en proposant des produits tels que fioul, charbon, électricité, gaz, métaux, pâtes à papier, réseau téléphonique à haut débit, etc…. En plus du courtage (elle trouve le fournisseur), elle assure aussi la couverture du risque (garantie du prix, quel que soit l’évolution des cours). Cette dernière activité est rendue possible grâce à des produits dérivés, mais la lance dans l’activité risquée de la spéculation sur les marchés à terme. La firme passe donc de l’industrie au commerce puis à des activités purement financières. Elle change de métier. Pour faciliter, voire permettre cette boulimie d’achat, Feron s’assure la protection de l’administration et des milieux politiques en créant des liens avec eux. Elle finance les partis, républicains comme conservateurs. Bénéficiaires de ce soutien, ceux-ci sont fiers de cette entreprise qui devient leader mondial dans son secteur et contribue à la prospérité des USA ainsi qu’à leur suprématie mondiale et à celle du système capitaliste. Les dirigeants créent aussi des liens forts avec la Maison Blanche, liens aux quels ils attachent une grande importance et qui ont joué un grand rôle. En effet, ces liens avec l’administration et les politiques vont permettre d’empêcher le vote de certaines lois (par exemple une loi limitant le placement de plus de 10 % des salariés en actions de l’entreprise), de faciliter des opérations risquées grâce à l’influence et au pouvoir politique, d’influencer la presse et les médias pour qu’ils ne jouent pas ou peu leur rôle de surveillance des entreprises, finalement de freiner les opérations de contrôle sur les activités risquées de Feron. A cela s’ajoute le fait que le cabinet chargé de la vérification des comptes de Feron, Arthur Andersen, travaillait aussi pour la firme. Comme de plus, il s’agissait d’un type particulier de produits, un instrument financier complexe nouveau dont le contrôle était difficile, ce contrôle a été mal assuré. Les risques pris ne sont pas apparus au bilan, ce qui a maintenu l’illusion un certain temps. L’alerte n’a pas été donnée à temps. L'entreprise et notamment ses cadres dirigeants possédaient un Code d'éthique qui, en principe, aurait dû la préserver. Ce Code ressemble très largement aux modèles du genre, interdisant expressément un certain nombre de comportements comme notamment l'utilisation d'informations privilégiées pour servir des intérêts privés, comme le fait qu’un prestataire soit à la fois chargé du contrôle et exerce des fonctions de conseil (mais le prestataire - l'entreprise d'audit - se trouve toujours dans une situation de dépendance économique face à son client). En fait, le contrôle interne était bien doté de pouvoirs étendus, mais les dirigeants disposaient de moyens de passer outre aux recommandations des contrôleurs. Or, l'adoption d'un code de conduite (de déontologie, d'éthique) est considérée par l'orthodoxie managériale ainsi que par le système judiciaire américain comme la défense adéquate contre les comportements moralement indésirables en entreprise. Ici, on est obligé de constater que ces systèmes classiques de contrôle du management n’ont pas fonctionné. Le contrôle de gestion et comptable a été totalement défaillant, les mécanismes internes et externes qui devaient, au titre de la corporate governance, protéger l'entreprise et ses actionnaires contre des comportements opportunistes du management, ont été inefficaces. Les dirigeants qui sont censés veiller au respect du code, mais ont pu négliger les règles en toute impunité. Ils auraient du être exemplaires (c’est une qualification qui leur est attribuée), mais ne l’ont pas été. La structure pyramidale faisant que les dirigeants seuls disposent à la fois du pouvoir et des informations, cette structure leur a permis de risquer la survie de l'entreprise par des stratégies hasardeuses ainsi que de détourner les ressources de l'entreprise à leur profit. Derrière ces comportements, on peut évoquer « l’esprit du capitalisme », une idéologie de la main invisible étendue à l’ensemble de la sphère économique et en particulier aux marchés financiers. La croyance dans le fait que le marché est autorégulateur et donc qu’il n’est pas nécessaire de le surveiller est également une croyance forte. Il y a eu aussi la conviction que la « nouvelle économie » ne connaîtrait plus de cycles, que la croissance forte des années précédentes pouvait être extrapolée sur le long terme et qu’enfin, les fonds de pension exigeant des rendements à 15 %, ce rendement à deux chiffres pouvait être atteint pour l’économie dans son ensemble. Il a été dit qu’il s’agissait d’une crise de l’information financière, ou d’un échec d’une entreprise particulière, due entre autres à un changement de métier trop rapide, ou encore d’une liaison malheureuse avec les pouvoirs et l’administration, d’un manque de poids de la corporate governance. Les acteurs n’ont guère évoqué la question d’une crise du capitalisme. Cependant il est plausible de penser que le type de culture développé dans l’entreprise, consistant à vouloir aller toujours au-delà de ses limites, a pu se développer car elle avait une affinité avec une des logiques du système capitaliste. Croître de manière extrêmement rapide, devenir le plus gros et le plus fort sur le marché, c’est un des modèles de réussite du système. Les comportements des dirigeants correspondaient à cette logique. Du coup, les personnes sont entrées dans une logique de « l’hubris », de la démesure, leur imaginaire étant intimement lié à cette logique du système. Si le responsable financier a pu être suivi par les dirigeants, les politiques et l’administration, c’est parce que sa démarche s’appuyait sur la logique d’un système et qu’en plus les institutions étaient défaillantes. La crise s’est produite lorsque Feron, ayant pris de trop nombreux risques de spéculation, sans les partager avec d’autres spéculateurs, s’est trouvée en déficit. Le 29 novembre 2001, le siège social de Houston a coupé les vivres au siège de Londres et le 23 décembre, la société a été déclarée en faillite. Auparavant certains dirigeants bien informés ont pu revendre pour 1,1milliards de dollars, accélérant la chute et entraînant la perte de leur fonds de pension de 4.500 salariés qui ont perdu à la fois leur emploi et leur retraite. Questions : comment rendre compte de la place des différents facteurs dans la faillite De Feron? De bonnes règles de corporate governance sont-elles suffisantes ? uploads/Finance/ le-cas-feron-a-traiter.pdf
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- Publié le Mar 10, 2022
- Catégorie Business / Finance
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