Animateur : Pr. D. NZOUABETH, Agrégé de Droit privé et des Sciences criminelles
Animateur : Pr. D. NZOUABETH, Agrégé de Droit privé et des Sciences criminelles. 1 DROIT PENAL FINANCIER INTRODUCTION GENERALE Il est d’un constat banal qu’il se commet dans tous les pays et à toutes les époques des violations des règles fondamentales de la vie sociale. Ces violations parce qu’elles troublent le fonctionnement normal de la vie sociale, ont toujours été réprimées et le principe de la sanction du crime n’a jamais souffert un infléchissement. Le crime est un fait humain et constatable dans toutes les sociétés. Ce fait est unique parce qu’il viole une règle. Alors l’acte criminel est un fait qui trouble ou qui risque de troubler l’ordre social. La reconstruction de l’économie mondiale mise à ruine par la guerre a entraîné dans son sillage une déréglementation liée au libéralisme prôné comme panacée. Il fallait faire « feu de tout bois » au mépris des valeurs sociales pour relever une économie mise en mal. Dans cette entreprise de reconstruction le droit des affaires a eu pour objectif principal d’assurer la sécurité des transactions et de promouvoir la circulation des biens et des richesses. Mais une telle nécessité pratique a laissé apparaître des comportements susceptibles de mettre en péril des couches entières de la société. Les relations juridiques sont devenues, de nos jours, d’une grande complexité et certains financiers sans scrupules ont parfois largement joué de cette complexité. Il ne s’agira plus alors d’usuriers de quartier, de spéculateur à la petite semaine, d’escrocs de modeste envergure ; on s’attaque à tous les capitalistes ; on ne joue plus avec le sort d’une personne ou d’une famille : on menace la structure même de l’Etat. I. Nécessité du droit pénal dans le monde la finance En vertu des impératifs de l’ordre public, il devenait urgent sinon pressant de poser de nouvelles règles dans les relations sociales car on ne pouvait en effet accepter, au nom du principe de l’accumulation des richesses que certaines personnes soient écrasées par d’autres. De même qu’on ne pouvait admettre parce que le libéralisme est la clé de voûte des affaires, que des personnes menacent par leur comportement des bases économiques de la société. Dès lors le droit pénal est apparu comme le rempart contre les débordements de certains lobbies. Ce qui nous amène à dire que la criminalité n’est pas seulement le fait des assassins et des voleurs d’occasion ou de métier : il y a tout un monde de la délinquance dont la criminalité est intégrée dans l’activité professionnelle licite, et dont les crimes ne salissent pas les mains. C’est la délinquance en col blanc ou en gants blancs (aux USA, le white collar crime) La question est de savoir si l’intervention du droit pénal ne risque pas de freiner le développement des affaires. Parce que le droit pénal est un faisceau de règles gênantes, il Animateur : Pr. D. NZOUABETH, Agrégé de Droit privé et des Sciences criminelles. 2 constituerait une entrave aux jeux des transactions. Mais parce que le droit pénal est une réaction contre l’activité de certains hommes d’affaires, certes une minorité, mais mal agissante, il peut rassurer ceux qui sont victimes des autres. En définitive, le droit pénal, n’est pas seulement gêne, menace, contrainte, sanction, il a aussi un autre visage, il est un droit de protection, de défense et de sécurité. II. Définition du droit pénal des affaires La question qui se pose est relative au critère de détermination du droit pénal financier ou des des affaires (DPA). Il n’est pas facile de trouver ce critère au regard de l’ambiguïté de certaines notions. Le terme « droit pénal » ne pose aucune difficulté. C’est le droit de la répression au travers d’une incrimination, d’une déclaration de culpabilité et d’une sanction. En revanche, le terme « affaires » n’est pas précis et il est difficile de proposer une définition systématique ou rigoureuse du droit des affaires. Selon un éminent juriste, ALFANDARI « le droit des affaires est une véritable auberge espagnole et chacun y trouvera ce qu’il y apportera ». On considère aujourd’hui que la notion d’affaire n’a pas de frontière précise. On peut y voir les affaires de l’Etat et pour Balzac, « les affaires, c’est l’argent des autres ». Elle a une connotation économique et les affaires, selon Littré, sont des activités économiques dans leurs conséquences sociales et financières. Le monde des affaires est un monde des richesses ; elles se produisent, se distribuent, s’échangent, s’accaparent et s’entassent et pour certains auteurs le DPA coïncide avec la notion de capital. Cette analyse d’inspiration marxiste est fausse car la notion de capital ne peut être que celle du capital social, c’est-à-dire la somme des richesses apportées à une société commerciale. Seule la notion d’entreprise individuelle ou collective peut rendre compte de la réalité. C’est le vecteur, le lien et la technique de production, de circulation et de distribution des richesses. Le DPA serait le droit qui incrimine et réprime certains comportements lorsque leur auteur a agi dans le cadre d’une entreprise en se servant de ces mécanismes soit pour le compte de l’entreprise, soit par son propre compte. On peut aussi dire que le DPA est l’ « ensemble de tous les comportements infractionnels aux normes établies sous la menace de sanctions pénales par l’Etat pour réglementer, organiser et moraliser la vie des affaires ». Animateur : Pr. D. NZOUABETH, Agrégé de Droit privé et des Sciences criminelles. 3 III. Spécificité du DPA Parmi les auteurs d’infraction des affaires, les fameux « délinquants en col blanc » selon l’Américain SUTHERLAND, peuvent se glisser de véritables escrocs. C’est là une des spécificités de cette matière. Les règles du DPA heurtent souvent les grands principes du droit pénal général, ainsi, c’est en DPA que l’on rencontre des infractions pour lesquelles la mauvaise foi n’est pas exigée. Il en est ainsi en matière de sociétés où de nombreux textes punissent des infractions de pure omission. Quant aux sanctions, on relève aussi une originalité, la personne morale qui profite de l’irrégularité peut être poursuivie et être frappée de sanctions pécuniaires. Sur le plan judiciaire la criminalité d’affaire ne fait intervenir le juge que si le comportement qu’il s’agit de réprimer est reprouvé par le monde des affaires. Sinon des techniques ont été instituées pour limiter au maximum le nombre de procès. C’est le cas de la transaction dont l’effet radical paralyse toute répression. IV. Contenu de la criminalité d’affaires Le délinquant d’affaires n’est pas un malfrat, il utilise ses connaissances théoriques et professionnelles pour commettre des infractions, il est généralement étranger à tout acte de violence. La criminalité d’affaire est composée de combines et d’astuces et les éléments qui la composent ont trait à la fraude douanière ou fiscale, à la protection du consommateur, l’abus des positions dominantes, à la vie des sociétés, aux faux en écriture privée, à l’abus des biens et crédits de la société, à la corruption, à la violation du secret professionnel, au blanchiment de capitaux, au recel, à l’escroquerie à l’abus de confiance, au chèque sans provision et la publicité mensongère. En droit boursier, il existe des délits spécifiques au nombre desquels le délit d’initiés qui est le fait de profiter d’une information vraie. Ce délit découle de l’abus du savoir (le savoir utilisé). Mais qu’est-ce qu’un initié ? Il s’agit de toutes personnes disposant, à l’occasion de l’exercice de leur profession ou de leurs fonctions des informations privilégiées, c’est-à-dire des informations précises, confidentielles, de nature à influer sur le cours du titre et déterminants des opérations réalisées. Par exemple : - un administrateur d’une S.A apprenant lors d’une réunion du conseil d’administration une hausse de 33% du dividende, il achète des actions et en fait acheter par sa sœur et son fils avant que l’information ne soit rendue publique ; - un journaliste financier spécialiste des prédictions boursières opérant selon ses propres prévisions…. avant que celles-ci ne soient publiées dans la presse spécialisée ; Animateur : Pr. D. NZOUABETH, Agrégé de Droit privé et des Sciences criminelles. 4 - un administrateur apprenant lors d’un déjeuner avec le président que le résultat net du groupe serait inférieur à ce qui avait été primitivement annoncé et vendant un lot d’actions appartenant à son épouse ; - un dirigeant connaissant les pertes importantes et soudaines de la société et vendant ses actions avant que le marché ne soit informé. V. Sources du DPA Comme toutes les autres matières du droit, le DPA a les mêmes sources à savoir la loi au sens large du terme, la jurisprudence et la doctrine. Ce cours ne fera pas l’objet d’une étude intégrale de la criminalité d’affaire. Seront bien entendu exclues les infractions qui n’ont aucun lien direct avec les affaires. Nous ne retiendrons que les infractions les plus représentatives et les plus emblématiques du droit pénal en nous fondant sur le délinquant et le lien avec la vie des affaires d’une part, et sur le droit pénale et l’activité de l’entreprise, d’autre part, nous utiliserons ainsi les deux Ceci dit, étudierons-nous le rapport entre uploads/Finance/ droit-penal-financier.pdf
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- Publié le Nov 09, 2021
- Catégorie Business / Finance
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