Chapitre 4 La demande de monnaie et le marché de la monnaie Bertrand Crettez 25

Chapitre 4 La demande de monnaie et le marché de la monnaie Bertrand Crettez 25 février 2009 1 Introduction Definition 1 La liquidité d’un bien est la possibilité plus ou moins grande de l’échanger sans délai, sans coût et sans risque contre d’autres biens. Dans une économie, les biens ont des degrés de liquidité différents. L’échange d’un bien contre un autre peut nécessiter : – du temps (on n’est pas nécessairement en contact avec les personnes intéressées par un échange) ; – des ressources (qu’il faut dépenser afin de faire connaître l’offre - pu- blicité etc ... -, ou s’acquitter de différentes obligations légales (taxes etc...)). – une variation de sa valeur (risque de dépréciation ou de baisse de la demande etc...) Definition 2 Dans une économie donnée, on appelle monnaie le bien le plus liquide. Cette définition correspond parfaitement ce que nous connaissons de la monnaie dans notre vie courante. Elle sert aussi à classer les différents actifs - c’est-à-dire les divers moyens de conserver ou de stocker de la richesse - que l’on regroupe sous le nom de monnaie et qui diffèrent par leur degré de liquidité. Le bien le plus liquide correspond dans la réalité aux billets, pièces de monnaie etc... (on y ajoute aussi la monnaie centrale qui sert aux échanges entre les institutions monétaires et bancaires). 1 La somme des moyens de paiements évoqués ci-dessus constitue l’agrégat monétaire M1. Par ordre de liquidité décroissante, on trouve ensuite les dépôts à vue des particuliers dans les banques et autres institutions financières. Il n’y a pas vraiment de différences de liquidité entre ces dépots et la monnaie légale (si ce n’est que l’on n’est pas obligé d’accepter des paiements par chèques tandis que l’on ne peut refuser la monnaie dite légale). Lorsque l’on ajoute les divers dépôts à vue à l’agrégat M1, on obtient l’agrégat M2. Ensuite, viennent les différents actifs financiers, assez facilement mobili- sables pour effectuer des paiements (comptes d’épargne, codevi etc...). Finalement, on dispose du reste des actifs financiers (mais leur mobilisa- tion peut entraîner un risque de perte de valeurs - par exemple, on vend des actions moins cher que le prix auquel on les a achetées). Lorsque l’on ajoute ces actifs financiers à l’agrégat M2, on obtient l’agré- gat M3. 2 La demande de monnaie Nous avons vu que la monnaie est l’actif ou le bien le plus liquide dans l’économie. A la différence des autres actifs, la monnaie ne rapporte rien (et peut coûter lorsqu’il y a hausse de prix). Pour que les agents renoncent à détenir leur richesse sous la forme d’actifs rémunérateurs, la monnaie doit comporter un avantage relativement aux autres. Cet avantage, on l’a vu, c’est la liquidité. Nous allons maintenant étudier la façon dont est déterminée la quantité de monnaie détenue par un agent. Chaque agent a des besoins de liquidités, et celles-ci ont un coût. Un arbitrage est donc nécessaire 1. On a coutume, après Keynes, de distinguer deux grands motifs de déten- tion de la monnaie (et donc du besoin de liquidité) : – le motif de transaction ; – le motif de spéculation. Nous allons examiner ces besoins successivement 2. 1. Dans tout ce qui suit, nous supposerons que les prix des biens sont fixes. On déter- minera donc la demande d’encaisses réelles. 2. Keynes distingue un troisième motif, le motif de précaution, mais nous n’y intéres- serons pas pour des raisons de place. 2 2.1 Le motif de transactions Pour comprendre ce motif, on peut partir de la remarque de l’économiste américain Clower : dans les économies développées, la monnaie achète les biens, des biens peuvent acheter de la monnaie, mais en général, on achète pas directement des biens avec des biens. Autrement dit : avec de la monnaie on peut acheter des biens ; pour acquérir de la monnaie on peut vendre des biens, mais on n’échange pas directement des biens contre des biens. La monnaie est l’intermédiaire des échanges. Le troc, les divers systèmes d’échanges de biens contre biens existent bien dans les économies développées mais à une échelle qui reste faible et sans comparaison avec les transactions qui impliquent des échanges de monnaie 3. Le troc est en effet un moyen d’échanges très peu efficace. Pour le com- prendre, imaginons qu’il n’existe pas de monnaie. Soit une personne détenant un bien. Pour l’échanger contre un autre, il lui faut résoudre le problème de la double coïncidence des désirs. Il faut trouver une autre personne qui : a) désire acquérir le bien qu’elle offre ; b) dispose du bien qu’elle recherche. Une fois la rencontre rendue possible, il reste à déterminer les termes de l’échange. Or, dans une économie développée, des millions de biens sont produits et échangés. S’il n’y avait pas de monnaie, il faudrait organiser des millions de rencontres bilatérales ce qui serait très coûteux en temps. On comprend ainsi pourquoi l’usage du troc reste confiné à des économies peu développées et réciproquement, pourquoi il n’existe pas d’économies dé- veloppées sans monnaie, c’est-à-dire sans un intermédiaire des échanges, i.e. un bien très liquide. Ce caractère liquide lui est souvent conféré par le fait que l’Etat oblige chacun à accepter en paiements ces biens (et ceci contribue à la liquidité - on est prêt à accepter un paiement en monnaie car on sait que l’on pourra soi- même effectuer des paiements avec celle-ci). La monnaie est l’intermédiaire légal des échanges 4. Les développements précédents expliquent la nature du motif de transac- tions. Plus les agents se livrent à des transactions variées et nombreuses, plus 3. Le troc est un moyen d’échange dans l’économie souterraine. 4. Ce rôle d’intermédiaire légal n’est pas nécessaire pour qu’un actif soit considéré comme monnaie. Il suffit qu’il soit reconnu comme intermédiaire des échanges. Mais la genèse de cet intermédiaire n’est pas évidente. Les bénéfices de la production privée de monnaie ne sont pas nécessairement comparables au coût. La monnaie est un bien public. C’est la raison pour laquelle il peut être nécessaire de confier sa production à l’Etat. 3 ils auront besoin de monnaie. En effet, il faudra disposer de plus d’encaisses pour financer davantage de transactions. Les systèmes monétaires permettent à la monnaie de circuler plus ou moins vite (détentions monétaires très importantes en Allemagne car les cartes bancaires y sont moins répendues). Pour décrire ceci formellement, on utilise ce que l’on appelle l’équation quantitative de la monnaie : Mtvt = PtQt (1) où pour une date t : – Mt désigne la quantité de monnaie en circulation (la masse monétaire). – Pt désigne le niveau général des prix. – Qt désigne l’agrégat des quantités échangées. – vt désigne la vitesse de circulation de la monnaie. On calcule vt connaissant les autres termes. La vitesse de circulation de la monnaie indique de quelle manière le stock de monnaie doit tourner dans l’économie pour financer les transactions. Supposons maintenant que la vitesse de circulation soit constante. Alors tout accroissement des transaction nécessite une augmentation de la masse monétaire. L’hypothèse de fixité de la vitesse de circulation de la monnaie est très forte (en réalité elle varie beaucoup dans le temps). Nous allons maintenant attaquer le problème de l’analyse de la demande de monnaie d’un point de vue plus microéconomique (cet point a été jadis développé par Allais et Baumol 5) On fait quelques hypothèses. Soit un agent dont le problème de détention d’encaisses obéit aux considérations suivantes. – l’horizon de décision couvre plusieurs périodes ; – à chaque début de période, l’agent reçoit un revenu égal à R0 ; – l’agent dépense tout son revenu au cours de la période et effectue des dépenses constantes (à chaque instant du temps on fait une même dé- pense) 6 ; 5. Baumol a adapté un modèle de gestion des stocks à celui de la détention de la monnaie. 6. Sur le graphique 1, on a représenté l’évolution des encaisses d’un agent qui effectue deux retraits au cours de la période de décision. 4 C t Figure 1 – Les encaisses sont dépensées à un rythme constant. – il n’y a que deux actifs, la monnaie et les obligations. La monnaie ne rapporte rien tandis que les obligations rapportent un intérêt i par unité de temps (taux instantané) ; – à chaque fois que l’agent achète ou vend des obligations, il subit un coût de transactions égal à b. Supposons qu’à chaque fois que je vende des obligations, je le fasse pour une quantité égale à C. Alors, au cours de la période, je ferai un nombre de transactions égal à n, où n est défini par : n = R0 C (2) Les coûts entraînés par ces transactions sont égaux à : n × b = nR0 C (3) A ces coûts de transactions s’ajoutent des coûts financiers. En effet, dé- tenir de la monnaie a un coût - un coût d’opportunité - représenté par les intérêts que l’on aurait gagnés si au lieu de détenir une certaine quantité de monnaie on avait détenu la même somme uploads/Finance/ cours-demande-marche-monnaie.pdf

  • 37
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Nov 17, 2022
  • Catégorie Business / Finance
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.0943MB