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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 Corruption en Essonne: un maire UMP et le groupe Icade soupçonnés PAR KARL LASKE ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 11 MARS 2013 En Essonne, l’immobilier est une discipline qui se joue en secret. À l’abri des regards, à l’insu des conseils municipaux, des pactes sont passés entre élus, intermédiaires et promoteurs. Selon un document obtenu par Mediapart, le groupe immobilier Icade, filiale de la Caisse des dépôts, s’est engagé par écrit en 2006 à payer deux millions d’euros à des intermédiaires liés à la municipalité UMP de Vigneux-sur-Seine, pour obtenir les terrains d’un stade communal. C’était, de l’aveu même d’un acteur du deal, « la prime de match à payer ». Icade conteste avoir donné suite à cette promesse, mais le groupe a néanmoins offert un marché de gros œuvre de 30 millions d’euros aux amis de la municipalité. Selon un témoin, les intermédiaires ont accompagné à plusieurs reprises le maire Serge Poinsot et son directeur de cabinet, Franck Leducq, au Luxembourg. Ces derniers auraient reçu une somme de 250 000 euros à l'occasion d’un de ces déplacements. Serge Poinsot (au centre) lors d'une spéciale banlieue sur M6 © Dr Comme Mediapart l’a déjà rapporté (ici), le maire de Vigneux est visé par une demi-douzaine de plaintes d’élus et de fonctionnaires territoriaux au sujet de ses liens avec des promoteurs immobiliers. Enlisées, ces investigations portant sur plusieurs communes ont été récemment relancées par le nouveau procureur d’Évry, Éric Lallement. Un ancien employé communal de Vigneux a été entendu, le 18 février, par les enquêteurs. Il aurait servi de prête-nom au maire pour lui permettre de recevoir un véhicule 4×4 d’un mystérieux donateur. À Vigneux, la vente du stade communal Delaune au groupe Icade, à l’automne 2006, a provoqué l’incompréhension des habitants. Mille signatures sont même réunies par les opposants, sans aucun effet. « Delaune n’a jamais été aux normes, attaque alors Serge Poinsot dans Le Parisien.Les racines des peupliers déformaient les pistes. » En réalité, la commune, lourdement endettée, a besoin de liquidités. « Cette opération immobilière n’a qu’un but : toucher deux millions d’euros pour boucler le budget », dénonce l’ancien maire communiste Lucien Lagrange. C’est là qu’interviennent le groupe Icade et ses intermédiaires. Pour décrocher les 25 635 m2 du stade Delaune, ils offrent à la mairie le paiement de deux millions d’euros « à la signature de l’acte », puis le solde de quatre millions à la délivrance du permis de construire. « Le maire vendait les bijoux de famille, commente l’ancien conseiller général Patrice Finel (Parti de gauche). Il a fait entrer cette opération dans l’exercice comptable 2006. Alors que le terrain n’était pas en état d’être vendu. » L'une des opérations de Francilia sur un terrain communal © DR Les intermédiaires d’Icade ont déjà table ouverte à la mairie. Jacques Augé, patron d’une petite société immobilière (Francilia) et d’une entreprise de BTP (TBI-SHAM), et son associé Pierre Notton, connu comme responsable franc-maçon de la Grande Loge de France (lire ici), ont déjà obtenu des terrains communaux à des conditions avantageuses, notamment une caserne de pompiers et d’anciennes caves à vins. Sur cette dernière parcelle, ils ont mis sous pression un riverain, prié de laisser place à leur opération (notre photo). Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 Presque partout, les intermédiaires se contentent d’acheter les terrains pour les revendre, trois ou quatre fois plus cher. « Notton disait ouvertement qu’il voulait faire main basse sur la ville », se souvient un témoin, qui accepte de parler sous couvert d'anonymat. Fin 2006, l’OPA d’Icade sur le stade Delaune sauve les finances communales, mais s’y ajoute une opération plus secrète. L’engagement simultané de la filiale de la Caisse des dépôts de payer une somme de deux millions d’euros aux intermédiaires de Francilia, par ailleurs associés au groupe dans une SCI, les Jardins d’Icard, futur propriétaire du stade. Un protocole d’associés, obtenu par Mediapart, stipule que « Francilia participera au montage de l’opération, et plus particulièrement au suivi des autorisations administratives de l’opération ainsi qu’aux relations avec la ville ». Plus loin, il est précisé que « Francilia apportera dans la mesure de ses possibilités tout son concours dans les relations avec les différentes administrations et en particulier avec la municipalité de Vigneux, en vue d’une bonne réalisation de l’opération projetée ». « Plusieurs voyages au Luxembourg avec le maire » La rétribution des intermédiaires est précisée : « La SCI versera à cet effet à Francilia des honoraires à hauteur de 3 % HT du CA TTC plafonné à deux millions d’euros HT sur la base d’une constructibilité de 25 635 m2. » Mieux, les honoraires doivent être payés pour 50 % « à l’obtention du premier permis de construire », et le solde à l’ordre de service de la première et de la dernière tranche de travaux. Le projet des immeubles d'Icade à Vigneux © DR Ces “honoraires” de deux millions d’euros sont donc justifiés par le suivi des « relations avec la municipalité », et leur paiement adossé à l’obtention du permis de construire. Un sésame dont plusieurs témoins ont déjà souligné qu’il était monnayé par l’entourage municipal. Icade offre par ailleurs à ses intermédiaires la réalisation des travaux de voirie, à hauteur de deux autres millions d’euros. Contacté par Mediapart, Hubert de Villebonne, signataire du document pour Icade – mais qui a aujourd'hui quitté le groupe –, certifie que « le protocole n’a jamais été mis en œuvre ». « C’était une connerie, confie-t-il. En relisant ce que j’avais signé, je n’étais pas d’accord avec ce genre de système, et j’ai dit qu’on ne donnerait pas suite. » Ceux qui chez Icade avaient négocié en amont souhaitaient « aller plus vite ». « Il ne m’a pas échappé que la mairie avait besoin d’argent, poursuit M. de Villebonne. Ça pouvait être une bonne affaire. » Le nouveau quartier sur le site du stade Delaune (capture google maps) © DR Alors qu’Hervé Manet, patron d’Icade Promotion depuis 2007, a refusé de répondre à Mediapart, un porte-parole nous a indiqué que ce contrat n’avait « jamais été exécuté » et n’avait « jamais donné lieu à un paiement », tout en reconnaissant sa « formulation maladroite ». Le silence et l’embarras de l’état-major d’Icade tient au fait que son protocole secret avec les amis du maire est resté valide jusqu’en mai 2009, deux ans et demi après sa signature. Or la vente définitive du stade Delaune a été signée le 10 décembre 2008 par Serge Poinsot et Claude Wypych, un directeur délégué d'Icade, après la validation du permis de construire accordé par le maire le 7 mai 2008. Les intermédiaires de Francilia attendaient alors de pied ferme le premier paiement promis, 50 % du total, soit un million d’euros pour le permis. Mais Icade traînait les pieds. Selon un témoin de ces pourparlers, Jacques Augé prétend alors avoir déjà payé la mairie. « Augé était fâché à mort contre Icade, indique ce témoin à Mediapart. Mais il disait “je les tiens par Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 les couilles”... Il avait fait plusieurs voyages au Luxembourg avec le maire (ndlr - Serge Poinsot) et son directeur de cabinet, Franck Leducq. Il m’a parlé de la remise d’une somme de 250 000 euros à l’occasion d’un de ces déplacements. » Interrogés par mail sur ce témoignage, ni M. Poinsot, ni son directeur de cabinet n’ont réagi. Le quartier construit par Icade, aujourd'hui. © DR En mai 2009, un accord est finalement trouvé entre Icade et ses intermédiaires. Ces derniers quittent mystérieusement la SCI Les jardins d’Icard, dont ils détenaient 15 % des parts, contre la somme de 150 euros. La SCI s’étant rendue propriétaire du terrain du stade, pour six millions d’euros, leur part pouvait pourtant être estimée au moins à 900 000 euros… Mais Icade a, semble-t-il, mieux à offrir aux amis du maire de Vigneux : un marché de 30 millions d’euros, les travaux de gros œuvre de l’opération du stade Delaune. 350 logements sont prévus sur le site. Les intermédiaires se frottent les mains. Selon la filiale de la caisse des dépôts, ce marché est attribué à la société de Jacques Augé, TBI- SHAM, à l’issue d’un appel d’offres tout à fait régulier, « parce qu’ils étaient moins-disants ». Icade n'ayant pas donné suite à nos demandes d'entretien et de communication de documents, seul l’examen de ce marché par la justice permettra d'apprécier sa régularité, et notamment de savoir s’il a donné lieu, ou pas, à des surfacturations et des reversements. Directeur de la publication : Edwy Plenel Directeur éditorial : François Bonnet Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 32 137,60€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des publications et agences de presse : 1214Y90071. Conseil d'administration : uploads/Finance/ corruption-en-essonne-un-maire-ump-et-le-groupe-icade-soupconnes.pdf

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  • Publié le Nov 23, 2022
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