L’analyse économique des fluctuations cycliques « Un cycle est composé par un e
L’analyse économique des fluctuations cycliques « Un cycle est composé par un ensemble d’années séparées par des maximums (ou date de la crise) et des minimums (ou moment de la reprise) » (Henri Guitton, Les mouvements conjoncturels, 1971) Plusieurs catégories de cycles peuvent être distinguées, en fonction de leur durée. Schumpeter dans Business cycles (1939) distingue les cycles mineurs (Kitchin), les cycles majeurs ou « cycles des affaires » (Juglar) et les cycles longs (Kondratiev). Il les emboite les uns dans les autres à la manière d’une poupée russe : dans 1 Kondratieff, il y a 6 Juglar, chacun d’entre eux comprenant 3 Kitchin. Les cycles mineurs de Kitchin durent 42 mois et concernent les mouvements de stocks : Kitchin (1923) met en évidence l’existence de cycles courts aux USA et en GB, de stockages et de déstockages dans l’industrie, ce qui entrainerait des fluctuations de la production industrielle. Toutefois, si ces cycles ont effectivement marqué l’économie au 19e siècle, ce n’est plus le cas à partir du milieu du 20e siècle. Le « cycle des affaires » de Juglar dure en moyenne 8ans : les crises naissent de la prospérité et sont un « assainissement du système » : Clément Juglar dans Des crises commerciales et de leur retour périodique en France, en Angleterre et aux Etats- Unis (1862) met en évidence le caractère périodique des crises entre 1800 et 1860 en France, en Angleterre et aux USA. Il s’appuie pour cela sur les bilans bancaires de ces pays, en étudiant le rapport entre les réserves métalliques (« encaisses ») et les crédits réalisés (« escomptes »). Sa thèse est de dire que « la crise nait de la prospérité » : en période d’expansion, les conditions du retournement de la conjoncture sont déjà en préparation. En effet, durant cette période, l’ensemble des agents éco a confiance en l’avenir : l’octroi de crédit augmente alors, de même que les comportements spéculatifs. Quand les banques se mettent à s’inquiéter de la diminution de leurs encaisses face au niveau de leurs crédits, elles augmentent leur taux d’intérêt, ce qui va dissuader les entreprises à investir, et ainsi précipiter le retournement de la conjoncture. Dès lors, la spéculation diminue, les agents perdent confiance en l’économie, la demande de crédit diminue, provoquant des faillites en cascade. Pour Juglar, cette crise est un « assainissement du système » : les comportements spéculatifs disparaissent, seules les meilleures firmes subsistent, et la confiance en l’économie réapparait. Les cycles longs de Kondratiev durent en moyenne 50ans : Si Alexander Parvus est le premier à voir des successions d’ondes longues en 1895, c’est Kondratiev, dès 1922, à la demande de Lénine, qui va impulser l’étude des cycles longs du capitalisme. Comme Marx, il considère que les fluctuations éco sont liées à des facteurs endogènes : le système génère lui-même les conditions de la reprise. En faisant ainsi du capitalisme un « phénix renaissant de ses cendres » selon l’expression de Pierre Dockès et Bernard Rosier, il ira à l’encontre des thèses marxistes selon lesquelles le capitalisme est voué à disparaitre. Il sera pour cela exécuté en 1938 au moment des Grandes Purges staliniennes. Il déduit plusieurs lois de son analyse : dans les 2 décennies qui précèdent la phase A d’un grand cycle, on a une intensification de l’innovation, dont les inventions techniques seront utilisées dans la phase en question. De plus, chaque phase A coïncide avec l’élargissement de l’orbite des relations éco mondiales. Les phases A sont également plus riches en bouleversements sociaux et politiques que les phases B. 3e cycle 2e cycle 1er cycle Outre ces 3 analyses majeures, 2 autres, plus marginales, peuvent être retenues. Les cycles Kuznets durent en moyenne 20ans et concernent le secteur du bâtiment : Il les étudie dans Secular Movements in Production and Prices (1930) : il montre qu’ils ne s’appliquent qu’aux USA, et uniquement dans les années 1865-1925, cad pendant les vagues massives d’immigration. L’idée est de dire que plus la population est nombreuse, plus la construction de bâtiments est forte. Les cycles hégémoniques de Joshua Goldstein durent environ 150 ans, et se terminent par 20-30 années de guerre : Hégémonie de Venise : (1495-1648) qui se termine par la Guerre de Trente Ans (1618-1648) Hégémonie des Provinces-Unies : (1648-1815) qui se termine par les « Guerres de la Révolution et de l’Empire » (1792-1815) qui mettent fin à l’Empire de Napoléon Hégémonie du Royaume-Uni : (1815-1945) qui se termine par les 2 Guerres Mondiales Hégémonie des Etats-Unis : depuis 1945 La prise de conscience qu’il existait des fluctuations dans le système capitalisme, grâce aux études du triptyque Kitchin-Juglar-Kondratieff, a conduit à l’ébauche d’une réflexion sur les cycles : ont-ils des causes endogènes, cad qu’ils constituent une régularité du système, ou bien au contraire proviennent-ils de causes exogènes au système capitaliste ? I- Les cycles constituent des régularités du système économique (vision endogène) : A) Les cycles longs, un phénomène intrinsèque au capitalisme : 1- L’analyse marxiste : la loi de la baisse tendancielle des taux de profit : Quant au cycle long, il s’expliquerait par la loi de la baisse tendancielle des taux de profit. Au cours de la phase A du cycle, l’augmentation du taux de plus-value l’emporte sur l’augmentation de la composition organique du capital : on assiste alors à l’accroissement du taux de profit. Mais l’accroissement de la composition organique du capital entraine, d’après la loi de la baisse tendancielle des taux de profit, une baisse du taux de plus-value et ainsi du taux de profit, si bien que l’économie entre dans une phase B. 2- Les analyses schumpétériennes des cycles : les innovations, à la racine des fluctuations : Avant Schumpeter, Jean Lescure, dans Des crises générales et périodiques de surproduction (1906), montrait déjà que les cycles s’expliquaient par les innovations. Il étudie pour cela la phase A de 1850 à 1873, et montre qu’elle est liée à la construction des chemins de fer, qui a eu des effets d’entrainement sur la sidérurgie notamment (création d’emplois, intensification de la production...). A partir de 1873, on rentre dans une phase B car on met en place des lignes de moins en moins rentables. Avec les nouveaux investissements dans l’électricité et l’automobile s’amorce une nouvelle phase A à partir de 1896. Schumpeter reprend cette idée. Pour lui « les cycles […] comme les battements du cœur, relèvent de l’essence de l’organisme qui les manifeste » (Le cycle de la conjoncture, 1912). Dans La Théorie de l’évolution économique (1912), il va ainsi expliquer l’alternance de phases de croissance et de dépression par l’innovation : l’économie serait soumise à 2 forces contraires, le circuit et l’évolution, et c’est dans ce dernier qu’apparait une rupture endogène, grâce à l’entrepreneur : l’innovation. C’est dans Business cycles (1939) qu’il applique cette grille de lecture aux 3 cycles longs identifiés par Kondratieff : cette innovation a lieu lors de la phase B, afin de sortir de la routine. Une fois qu’un entrepreneur a ouvert la voie par une innovation réussie, un « essaim » d’autres entrepreneurs, attirés par le profit, vont chercher à l’imiter : c’est cette diffusion en « grappes d’innovations » qui fait entrer l’éco en phase A du cycle Kondratieff : mécanisation du textile et machine à vapeur (1785-1815), chemin de fer et métallurgie (1848- 1873), électricité et chimie (1896-1914). Ce processus s’accompagne en parallèle d’un phénomène de destruction créatrice. Dans le même esprit, Carlota Perez et Christopher Freeman développent en 1986 la notion de paradigme techno-économique* pour expliquer les cycles longs : pendant la crise d’un système technologique dominant (phase B), de nombreuses innovations ont lieu et font qu’un nouveau se développe, préparant ainsi le retour à une phase A. 3- Les théories monétaires : Werner Sombart montre que la découverte d’or augmente la quantité de monnaie en circulation, d’où une hausse des revenus et des prix, d’où une augmentation de la production. Mais le rendement des mines est décroissant : les entreprises, habituées à produire plus, se retrouvent en situation de surproduction : réduction de la production, baisse des prix. Simiand montre, comme Kondratiev, qu’on découvre bcp d’or pendant les phases A. Dès lors, dans la mesure où la masse monétaire augmente, les prix et les revenus aussi, ce qui fait respectivement augmenter la production (Gustav Cassel) et la demande des ménages (Charles Rist). Les entreprises anticipent alors un profit, donc la demande de crédit augmente en vue d’investir, etc. B) Les cycles courts, un phénomène intrinsèque au capitalisme : 1- Les théories monétaires : Pour Clément Juglar (1862), la phase A a pour origine l’essor du crédit, la phase de crise l’excès de crédit, et la phase B la hausse du taux d’intérêt. Pour Knut Wicksell dans Intérêts et prix (1898), les cycles ont également pour origine le crédit : si les entreprises anticipent un taux de profit supérieur au taux d’intérêt, elles sont incitées à investir en recourant au crédit (« effet de levier »). Cette uploads/Finance/ chap-11-les-fluctuations-de-la-croissance.pdf
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- Publié le Oct 14, 2021
- Catégorie Business / Finance
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