115 LES RISQUES SOCIAUX DES LBO : UN POINT DE VUE SYNDICAL * Confédération fran

115 LES RISQUES SOCIAUX DES LBO : UN POINT DE VUE SYNDICAL * Confédération française démocratique du travail (CFDT). Cet article ne s’inspire pas seulement des références citées dans sa bibliographie, il se base également sur le travail de réflexion mené par la CFDT au sein de l’organisation et au regard de ses pratiques sur les risques sociaux des LBO et de la financiarisation de l’économie. LES RISQUES SOCIAUX DES LBO : UN POINT DE VUE SYNDICAL GABY BONNAND * EMMANUEL MERMET * L es LBO (leverage buy-out) font aujourd’hui la une de l’actualité financière et économique. Plus de 5 000 entreprises françaises seraient contrôlées par des fonds d’investissement ayant utilisé des méthodes de LBO, à l’origine sur des PME mais aujourd’hui de plus en plus sur des grandes entreprises. Les LBO sont souvent accusés d’inscrire dans une logique de court terme, de renforcer les objectifs financiers des entreprises, au détriment de l’investissement, de l’emploi et de la stratégie industrielle. De fait, restructurations, plans sociaux, licenciements dans des entreprises sous LBO sont fortement médiatisés. L’arrivée des fonds LBO dans une entreprise suscite du coup la crainte des salariés et des syndicats. La CFDT se préoccupe de leur montée en puissance depuis plusieurs années et a entrepris de développer son propre positionnement à ce sujet. Cependant, cette nouvelle forme de détention de l’entreprise s’inscrit dans le développement d’une nouvelle forme de capitalisme qui ne se restreint pas aux LBO (première partie). Elle fait aujourd’hui l’objet de doutes sur son développement à la suite de la crise financière actuelle (deuxième partie). Les LBO ont néanmoins d’un point de vue syndical un effet non négligeable sur la qualité et la conduite du dialogue social en entreprise (troisième partie). C’est pourquoi la CFDT a pris des positions à ce sujet et continue de travailler sur les conséquences des LBO pour les salariés (quatrième partie). REVUE D'ÉCONOMIE FINANCIÈRE 116 LES LBO, UN ÉLÉMENT D’UNE NOUVELLE FORME DE CAPITALISME Les LBO sont un terme récent pour la plupart des salariés. Ils représentent une forme de reprise d’une entreprise par des actionnaires. Ces actionnaires sont le plus souvent des fonds d’inves- tissement accompagnés de banques. Pour les salariés, ils représentent le plus souvent une forme de déstabilisation de l’environnement dans lequel ils travaillaient. Cependant, ce nouveau vocabulaire n’est qu’un morceau d’un vaste ensemble que l’on peut nommer « financiarisation de l’économie ». Depuis la désintermédiation bancaire entamée dans les années 80, et avec la libéralisation des marchés financiers réalisée au cours des années 90, l’économie de marché est entrée dans un nouvel environ- nement. Celui-ci a promu la valeur actionnariale de l’entreprise. Toute forme d’entreprise peut ainsi être vue comme une source de revenu pour les actionnaires qui y placent leur épargne. La financiarisation tend ainsi à considérer les entreprises comme un actif financier comme un autre, interchangeable avec d’autres actifs que peuvent être des obligations de la dette d’un État, des matières premières... Le terme financiarisation est attribué historiquement aux mesures de déréglementation des systèmes financiers qui mettaient tradition- nellement en rapport l’épargne des ménages et les crédits des entreprises. À la place des banques, assurances et autres sociétés publiques ou coopératives, on a vu apparaître un nouvel acteur : le marché financier. Depuis les années 80, des améliorations technologiques et des changements de réglementation ont modifié en profondeur la façon dont les marchés financiers fonctionnent. On se rapproche ainsi d’une concurrence parfaite comme le pense la City, ce qui permet des résultats optimaux. Seuls resteraient le risque systémique et la fraude. Mais des scandales comme Enron ou WorldCom ont montré qu’il y avait aussi des problèmes de comptabilité. La financiarisation a changé le comportement des banques. Ceci a pu occasionner une réduction du crédit offert aux PME et une distance plus forte entre banques et entreprises. C’est particulièrement vrai dans le cas allemand. Les entreprises ont donc besoin de se financer soit en Bourse soit auprès des fonds ! La financiarisation de l’économie s’est ainsi accompagnée de l’apparition de nouveaux acteurs, autres que les LBO. Aujourd’hui, de nouveaux investisseurs prennent de l’importance comme les hedge funds (fonds d’arbitrage ou fonds alternatifs) et le private equity (capital-investissement). Ces fonds ont largement recours à l’effet de levier, c’est-à-dire au financement par la dette. Le développement du 117 LES RISQUES SOCIAUX DES LBO : UN POINT DE VUE SYNDICAL rachat d’entreprise pose aujourd’hui problème aux syndicats. À côté de cela, la financiarisation a aussi renforcé la pression sur les entreprises cotées en Bourse. Ces diverses techniques de gestion ont toute pour objet de maximiser la valeur actionnariale des entreprises et de considérer les entreprises comme un actif financier. Du côté des seuls LBO, les effets positifs sont largement mis en avant dans toute la littérature à ce sujet. Mais ils peuvent être également sous un angle négatif, surtout d’un point de vue syndical. Ainsi, les défenseurs des LBO arguent souvent que les fonds inves- tissent pour une durée de moyen terme (3 à 5 ans) supérieure à celle de la Bourse où les participations peuvent évoluer d’un jour à l’autre. S’il est vrai que les fonds LBO investissent dans les entreprises en moyenne 3,7 ans en France, cette durée d’investissement reste néan- moins du court terme, notamment en ce qui concerne les décisions d’investissement et la pérennité des entreprises. L’arrivée des fonds permet de définir un plan de développement de l’entreprise. En effet, à la différence de l’actionnaire boursier, l’investis- seur en capital participe activement à la définition de la stratégie de l’entreprise. Cette stratégie est alors conjointement définie entre les dirigeants de l’entreprise, le fond d’investissement et les banques prêteuses de fonds. Néanmoins, cela implique que l’entreprise devra devenir un « centre de profit » permettant de rembourser la dette contractée auprès des banques. La stratégie de l’entreprise comprend alors souvent une recherche de productivité plus forte. Si les LBO participent au financement des entreprises, ils sont néanmoins intéressés avant tout par des entreprises de taille moyenne, présentes sur des marchés matures. Ils vont là où des marges de réorganisation permet- tront de faire des profits supérieurs. Cela peut passer par une réorganisation du travail, voire une restruc- turation, des licenciements et la vente ou l’externalisation d’une partie de l’entreprise. Il s’agit donc d’une « rupture des contrats implicites » de travail au mieux, avec la définition de nouvelles normes de travail, et d’une rupture totale du contrat de travail au pire dans le cas de licenciements. C’est d’autant plus vrai dans le cas de filiales ou de branches d’une entreprise vendues par leur maison mère. Dans ce cas, le fonds LBO doit améliorer la productivité d’une entreprise qui n’était pas tout à fait bien gérée. L’investissement de l’entreprise peut être sacrifié au nom de la course à la productivité à court terme. Ceci met en péril l’existence même de l’entreprise à plus long terme, quand le LBO sera ressorti de l’entreprise... Les LBO sont aussi présentés comme une opportunité de créations de richesses supplémentaires. En effet, cette richesse supplémentaire est cependant captée majoritairement par le fond d’investissement REVUE D'ÉCONOMIE FINANCIÈRE 118 et les banques, ainsi que les dirigeants de l’entreprise ciblée. Les salariés sont souvent les grands perdants de cette affaire : non seulement leurs conditions de travail ont pu être dégradées pour améliorer la produc-tivité et la rentabilité de l’entreprise, mais en plus ils ne sont pas rémunérés pour ces gains supplémentaires. Rares sont en effet les LBO qui prévoient une partie de retour sur investissement pour les salariés. Enfin, les LBO peuvent aussi avoir pour effet de faire sortir une entreprise de la liste de cotation en Bourse. Dans ce cas précis, le LBO peut être un moyen d’éviter les règles de publication des comptes trimestriels et de rapports aux Autorités de marchés financiers. En plus d’affecter la transparence et la crédibilité de l’entreprise, ceci peut avoir pour conséquence de réduire l’information portée à la connaissance des représentants du personnel. Tous ces éléments sont également majorés quand une entreprise en est à son deuxième, troisième ou quatrième LBO consécutif. Dans ce cas, les éléments négatifs semblent même l’emporter sur les éléments positifs. UN NOUVEL ENVIRONNEMENT ÉCONOMIQUE MOINS FAVORABLE AUX LBO Au cours des cinq dernières années, deux phénomènes ont porté le développement des LBO : - sur le marché financier, les liquidités sont abondantes, les fonds de pension cherchent à diversifier leurs actifs notamment en les plaçant sur des fonds d’investissement. Les banques font du crédit et offre des capacités d’endettement aux LBO ; - du côté des entreprises, nombre de PME sont à la recherche de financement (reprise d’entreprise lors de départs en retraite des chefs d’entreprise, besoin de développement de la taille des entreprises ou revente de filiales par les maisons mères). Mais la crise financière qui s’est déclenchée à la suite de la crise des subprimes aux États-Unis en août 2007 pourrait fortement changer le paysage financier. En effet, les LBO sont une nouvelle forme d’intermédiation des banques dans le financement des entreprises. Comme on l’a vu, le LBO repose sur uploads/Finance/ 2207-les-risques-sociaux-des-lbo-un-point-de-vue-syndical.pdf

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  • Publié le Mar 26, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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