USBEK & RICA 42 BOULEVARD DE SEBASTOPOL 75003 PARIS HIVER 12 Trimestriel Surfac
USBEK & RICA 42 BOULEVARD DE SEBASTOPOL 75003 PARIS HIVER 12 Trimestriel Surface approx. (cm²) : 1064 Page 1/3 SOUFFLE3 4086301300502/GNN/OTO/2 Eléments de recherche : EDITIONS YVES MICHEL : toutes citations «OSER S'ATTAQUER À LA MONNAIE, C'EST FINIR SA CARRIÈRE DANS LE MISSOURI » 'Bernard^Lietaer L'économiste belge milite pour remplacer notre système monétaire par toute une gamme de monnaies locales, nationales et même mondiale. Explications. » Usbek Si Rica : Vous dites que la crise du système monétaire et financier est structurelle et non conjoncturelle. Pourquoi ? Bernard Lietaer : Qu'y a-t-il de com- mun entre Internet, les écosystèmes naturels et notre système monétaire ? Ce sont tous des réseaux complexes de flux qui, pour être durables, doivent avoir deux caractéristiques structu- relles : la diversité et Pinterconnecti- vité. Ce que je dis n'est pas théorique mais empirique : c'est le résultat des travaux de Robert Ulanowicz (profes- seur d'écologie quantitative à l'uni- versité du Maryland), qui a passé sa vie à étudier les écosystèmes natu- rels, de l'Amazonie à la petite flaque d'eau d'une basse-cour. Traduction : une monoculture sans diversité peut être efficace mais ne sera jamais durable. Eh bien, avec l'argent, nous faisons de la monoculture sans diversité, car les monnaies dites nationales sont toutes créées par des dettes bancaires. Depuis 1970, le FMI a recensé 145 crises bancaires, 208 krachs et 72 crises de la dette publique, soit un total de 425 crises systémiques. Plus de 10 par an ! Et voilà déjà plus de trois siècles qu'on joue à ce petit jeu alors qu'il fau- drait que l'économie soit comme un écosystème naturel, avec des mon- naies complémentaires qui diversi- fient structurellement les échanges. « Pourquoi personne ne touche au système monétaire ' Les sociétés patriarcales ont tou- jours imposé un monopole monétaire contrôle hiérarchiquement et appli- quant des taux d'intérêt positifs - des machines à aspirer des ressources, avec un grand chef au sommet. Nos bibliothèques sont remplies de cen- taines de milliers de livres décorti- quant jusqu'au moindre détail les différences entre le communisme et le capitalisme, mais aucun ouvrage à ce jour n'a analyse ce que ces deux systèmes ont en commun : ils ont été fondés par des sociétés patriarcales trouvant normal d'avoir une mon- naie unique centralisatrice. Seule différence : chez les communistes, les banques étaient contrôlées par les gouvernements. Deuxième rai- son : une organisation jouissant d'un monopole investit toujours beaucoup de ressources pour éviter de le perdre. Et surtout, on entretient un grand flou artistique autour de la monnaie. L'économiste John Kenneth Galbraith disait : « Le domaine de la monnaie est, en économie, celui dans lequel la complexité est utilisée pour cacher la réalité plutôt que pour l'expliquer. » Les lobbies sont ultra-sophistiqués sur le plan séman- tique, vous sortent un vocabulaire au sens biaisé et des équations à tomber raide mort. Tout ça n'est pas innocent. Par exemple, quand vous allez faire un emprunt à la banque, vous êtes fier d'avoir du crédit, on vous consi- dère comme un type sérieux... Mais L'964] CHEQUES-DEJEUNER La société Chèque-Coopératif pour la Restauration, fondée par Georges Rmc, émet pour la première fois en France des chèques-déjeuner. GREEN DOLLAR Elle devient en 1998 le groupe Chèque Dé|euner. Pour lutter contre le chômage, l'Ecossais Michael Linton fonde au Canada le premier système d'échange local (SEL), basé sur locale, le Green Dollar. Le premier SEL français est lancé en 1994 dans l'Ariège. Depuis, plus de 400 réseaux le troc à partir d'une monnaie entéte créés dans l'Hexagone. USBEK & RICA 42 BOULEVARD DE SEBASTOPOL 75003 PARIS HIVER 12 Trimestriel Surface approx. (cm²) : 1064 Page 2/3 SOUFFLE3 4086301300502/GNN/OTO/2 Eléments de recherche : EDITIONS YVES MICHEL : toutes citations CARTE D'IDENTITÉ Né en 1942, l'économiste Bernard Lietaera été l'un des architectes de l'écu (European Currency Unit), l'ancêtre de l'euro, en tant que haut fonctionnaire à la Banque centrale de Belgique Ila également présidé le système de paiement électronique belge, travaillé comme trader pour Gaia Fund et enseigne la finance internationale dans plusieurs universités (Berkeley, Louvain) ll consacre au|ourd'hui son temps à la question des monnaies complémentaires quand un gouvernement fait la même chose, ça s'appelle de la dette. Enfin, il y a le domaine académique. Lors d'un congrès à Séoul, Paul Krugman, qui sort comme moi du MIT, me confiait : « Hy a un conseil de nos professeurs du MIT que j'ai toujours religieusement suivi : "Never touch the money system. " » Si vous osez vous attaquer à la mon- naie, vous finissez votre carrière dans le Missouri. • Quelles monnaies complémentaires vous paraissent les plus utiles ' Les monnaies sociales sont utiles pour agir à une petite échelle : leur objectif n'est pas vraiment économique. C'est un peu l'équivalent des vaisseaux capillaires, ils vous donnent bon teint, mais ne prétendez pas remplacer une aorte avec ça si vous avez une crise cardiaque ! Ensuite, il y a les mon- naies commerciales comme les Miles, les points Carrefour ou le wir suisse. Enfin, un troisième niveau, essentiel dans notre contexte de crise : celui des initiatives gouvernementales. Si je fais pousser des salades sur les toits de Bruxelles, je ne serai jamais compétitif avec une monnaie unique car, à 30 kilo- mètres d'ici, un type fait 50 hectares de salades avec de grosses machines. Supposons maintenant que Bruxelles décide de devenir une ville verte modèle : elle émet une nouvelle mon- naie et demande à chaque Bruxellois de consacrer vingt heures de son temps à des activités vertes, y compris la plan- tation de salades, rémunérées avec cette nouvelle monnaie, sans avoir pour autant à payer de taxes. La seule raison pour laquelle une monnaie com- plémentaire est toujours marginale par rapport à l'euro, c'est parce que l'État exige le paiement de taxes exclusive- ment en euros. • Introduire des monnaies complémentaires serait donc une façon de sauver notre système monétaire plutôt que de l'achever ? Quand on veut de la diversité, on ne commence pas par liquider ce qui existe. Beaucoup de gens proposent de nationaliser le processus de création de monnaie pour que les banques rede- viennent de simples intermédiaires - ce que la plupart pensent d'ailleurs qu'elles sont. Pour moi, cela revient «VOUS AVEZ SÛREMENT DES POINTS CARREFOUR, NON ? EST-CE QUE C'EST DIFFICILE À GÉRER?» à mettre un monopole à la place d'un autre. Et puis je veux tout de même donner crédit au système convention- nel pour avoir permis l'ère industrielle. Sinon, vous n'auriez pas pu faire un aller-retour Paris-Bruxelles en une journêe, et vous ne seriez pas en train d'enregistrer notre conversation dans une petite machine. » Utiliser une seule monnaie paraît plus simple Pourquoi en utiliser plusieurs ? C'est plus complexe et moins « effi- cace ». Mais vous avez sûrement des points Carrefour, non ? Est-ce que c'est difficile à gérer ? Les gens ne se rendent même pas compte qu'ils accu- mulent des Miles. Pourtant, ce n'est pas une monnaie marginale puisque son échelle dépasse le cadre national. » Comment expliquer qu'on soit passé en vingt ans dè 300 à plus de 5 000 monnaies complémentaires en circulation dans le monde ' Je suis d'accord avec le futurologue John Naisbitt : les véritables boule- versements ont lieu quand il y a convergence entre un changement de valeurs et de nouveaux outils. L'outil, c'est la révolution informatique : s'il avait fallu une armée de comptables pour dénombrer vos Miles, ça n'aurait jamais démarré. Quant au changement de valeurs, il vient de l'émergence des créatifs culturels, une sous-culture qui représente déjà aujourd'hui plus d'un tiers de la population. Les personnes intéressées par les monnaies AIR MILES TIME BANK La société britannique Loyalty Management Croup (LMC) invente les Air Miles, système de fidélisation par points pour les voyageurs aériens Cette monnaie commerciale s'est ensuite généralisée partout dans le monde Création aux États Unis de la premiere Time Bank système d'échange de services peer to peer avec l'heure comme unité de compte Line monnaie non imposable et sans intérêts, qui crée du lien social et valorise les competences de chacun USBEK & RICA 42 BOULEVARD DE SEBASTOPOL 75003 PARIS HIVER 12 Trimestriel Surface approx. (cm²) : 1064 Page 3/3 SOUFFLE3 4086301300502/GNN/OTO/2 Eléments de recherche : EDITIONS YVES MICHEL : toutes citations complémentaires sont toutes des « créatifs culturels ». C'est l'avant- garde d'une nouvelle civilisation. (Les créatifs culturels sont un groupe social identifié par le sociologue américain Paul H. Ray et la psychologue Sherry Ruth Anderson dans leur livre The Cultura! Créatives: How 50 Million People Are Changing The World, Three Hivers Press, 2000. Il rassemble des individus pacifistes, féministes, sensibles à l'éco- logie, impliqués dans des engagements solidaires et prônant de nouvelles formes de spiritualité, nair.) « Quels sont les pays les plus à la pointe en matière de monnaies complémentaires ? L'Amérique latine, en particulier le Brésil et l'Uruguay. Le Japon était leader pendant les années 1990 mais a perdu son élan à cause des change- ments de gouvernement. À l'avenir, en Europe, l'Angleterre uploads/Finance/ 2012-01-25-1804atusbek-rica.pdf
Documents similaires







-
29
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mar 15, 2022
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
- Taille du fichier 0.6856MB