CHAPITRE 48 LA RESPONSABILITE DE L'ETAT COMMISSION D'UNE INFRACTION INTERNATION
CHAPITRE 48 LA RESPONSABILITE DE L'ETAT COMMISSION D'UNE INFRACTION INTERNATIONALE Alain PELLET n e saurait faire de doute que, comme l'exprime avec une admirable l'article 1er des Articles de la cm sur la responsabilité de l'Etat pour illicite (annexés à la résolution 56/83 de l'Assemblée du 12 décembre 2001) « [t]out fait internationalement illicite de l'Etat a responsabilité internationale n. Mais un fait internationalement illicite pas forcément une « infraction» au sens pénal du mot. ur l'adage selon lequel « le roi ne peut mal faire» (societas delinquere postest) la doctrine traditionnelle considérait très majoritairement que la 1N""'''JlW'''' de l'Etat ne saurait être engagée pour « faute» au plan international. obligé » de l'égalité des Etats (Ch. De Visscher, « La responsabilité Elats », RCADI, 1923-II, p. 90 - sur le rôle de la « faute » dans le droit de la 1PI/1I:111UIWll;' internationale, v. le 2éme et 8ème rapports d G. Arangio Ruiz, Ann. 19 9 vol. II, 1 êre partie, p. 5 J -60, pars. 164-1 90 et J 996, vol. Il, 11:re partie, pars. 48-55, et les références données), leur responsabilité, réduite à la seule de réparer les conséquences d'un manquement à une obligation était considérée comme ayant un caractère purement «civil» (voir par : D. Anzilotti, La responsabilité internationale des Etats à raison des .NMl/7 ges soufferts par des étrangers, Pedone, Paris, 1906, réimprimé dans Scritti di,.iflo internazionale publico, Padoue, CEDAM, 1956, vol. II, tome 1, 1 61 s. et Cours de droit international, Paris, Eds. Panthéon-Assas, 1999 pp. 466 .; C. Eagleton, The Responsibility of States in Law, New York V.P., 1928, p. 182 ; K. Strupp, « Das a YiDlke:lTechtll. cl1e Delikt », Handbuch des Volkerrechts, Kohlhammer, Stuttgart, tome III 1 ërc partie, pp. 217 s. ; Ch. De isscher, « La responsabilité des » Bibliotheca Visseriana, Brill, Leyde, J 924, tome TI. p. 1 15-1 16 ; Jiménez de Aréchaga, «International Responsibility », in M. S0rensen ed., of Public International Law, Londres, 1968, n° 9, p. 564 et s. ; D.P . .. n"rA • • M~ 1 International Law, Stevens, Londres, 1965, vol. II, pp. 1019 s. ; voir J. Combacau et S. Sur, Droit international public, Montchrestien-Lextenso, l'iii ~ éd., 2008, pp. 521-525). Les choses - ou plutôt leur perception - changent avec la révolution conceptuelle introduite par Roberto Ago, Rapporteur spécial de la CD! sur la tespon sabilité de l'Etat de 1963 à 1979 (voir A. Pellet, 1996; M. Forteau, pp. 36-43 ; ou A. Ollivier - comp. 1. Crawford, 2010). Dans la ligne d'un cours A. Pel/et professé à l'Académie de droit international en 1939 intitulé de manière fort significative «Le délit international» (RCADI, 1939-11, p. 415-554), évacue le dommage de la définition (et de l'engagement) de la responsabilité de l'Etat et estime que, «[p]our autant ( ... ) que l'on parle d'un fait illicite intelllational comme d'un fait donnant lieu en droit à une responsabilité internationale, on doit entendre par le terme synthétique de responsabilité ( ... ) la situation d'un sujet de droit international devant faire face soit au droit qu'a un autre sujet d'exiger de lui une réparation, soit à la faculté que possède un autre sujet de lui infliger une sanction ... » (R. Ago, 3èmc rapport, Ann. CD! 1971, vol. Il, 1 cIe partie, p. 219-220, § 37 ; v. aussi p. 222, § 43 - sur la définition de la « sanction» selon R. Ago, v. infra, § 21). Cette façon de voir a été endossée par< la Commission, selon laquelle « les conséquences d 'un fait i nall'( ma,lemem.· illicite ne peuvent se limiter ni à la réparation ni à une 'sanction'. En droit intelllational, comme dans tout système de droit, le fait illicite peut naissance à différents types de rapports juridiques, selon les circonstances» (Rapport de la CDl sur les travaux de sa 53cme session, Ann. CD! 2001, vol. II, 2eme partie, p. 34, commentaire du projet d'art. l, par. 3). 4. Selon une formule consacrée, «en droit international la responsabilité [de l'Etat] n'est ni 'civile' ni 'pénale' mais simplement 'intelllationale'» (1. Crawford, 1 cr rapport, Ann. CD! 1998, vol. II, 1 ère partie, p. 14, § 54; voir< aussi: Ago R., 3ème rapport, préc., § 3, p. 220, par. 38, et 5ème rapport, Ann. CDI 1976, vol. II, j ère partie, pp. 34-35, note 154 et p. 49, § 137, et A. Pellet, 1997, p. 22). Il n'en reste pas moins que : - le régime de droit commun de la responsabilité intelllationaie de l'Etat comporte des éléments « afflictifs» qui l'apparentent, par certains aspects, à une responsabilité pénale (section 1) ; - les violations graves d'obligations internationales impératives ont des conséquences qui accentuent la «criminalisation» de la responsabilité intelllationale de l'Etat (section 2) ; et - il ne peut être complètement exclu que certaines sanctions imposées à des Etats dans des circonstances très particulières puissent s'apparenter à des sanctions pénales (section 3). SECTION I- LES ASPECTS « PÉNAUX» DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE DE L'ETAT« DE DROIT COMMUN» 5. Il n'est pas douteux que, dans sa conception traditionnelle, la responsabilité internationale de l'Etat s'apparente essentiellement à une responsabilité civile. lntersubjective, elle se limitait à l'obligation de réparer le préjudice résultant d ' un manquement à une obligation due à un autre sujet de droit et d'abord, longtemps exclusivement, à un autre Etat, les individus se voyant dénier cette qualité - d'où l' invention de la fiction sur laquelle repose l'institution de la protection diplomatique. En vérité, une telle analyse n'a jamais correspondu 608 Chapitre 48 - Responsabilité de l'Etat pour commission d'une infi-action à la réalité: faute d'un système centralisé d'application forcée du les représailles - aujourd'hui dénommées contre-mesures - tenaient lieu de ,Ul"',,au.011 " , répressif et, mieux encadrées et de manière plus limitée, jouent partiellement ce rôle aujourd'hui (§ 2). Au surplus, même si, dans ble, ils ont été écartés des Articles de la CDI de 200 l, le droit de la responsabilité de l'Etat comporte des aspects quasi-pénaux qui méritent une mention (§ 1). § 1- Des relents pénalistes dans un droit d'essence civiliste 6. En éliminant le dommage, ou le préjudice - les deux mots sont synonymes en droit international en tout cas - , de la définition du fait internationalement illicite, les Articles de la CDr ouvrent la voie à une approche « pénaliste» du Moit de la responsabilité internationale. Aussi longtemps que la responsabilité était assimilée à une seule de ses conséquences, l'obligation de réparer (voir supra, n 0 2), elle impliquait : -qu'un fait, -attribuable à un Etat, -ait causé un dommage -à un autre Etat. 7. Dans l'article 2 de son projet, la CDI définit le fait internationalement illicite - nécessaire et suffisant pour entraîner la responsabilité de son auteur - par les deux seuls premiers éléments à l'exclusion des deux autres: « Il y a fait internationalement illicite de l'Etat lorsqu'un comportement consistant en une action ou une omission: a) Est attribuable à l'Etat en veltu du droit international; et b) Constitue une violation d'une obligation internationale de l'Etat ». Ce faisant, la Commission préserve la possibilité d'un volet pénal du droit de la responsabilité internationale de l'Etat. A la ditférence de la responsabilité civile, telIe que la définit par exemple le célèbre article 1382 du code civil français, la responsabilité pénale n'implique la survenance d'aucun préjudice dans le chef d'un autre sujet de droit, sauf à personnifier - inutilement - « la société ». C'est cette analyse qui a permis à R. Ago de forger la notion de « crime international de l'Etat» (voir infi-a, nO O). 8. Au demeurant, comparaison n'est pas raison et la Commission a pris soin de préciser qu'en choisissant « le terme 'attribution' pour désigner l'opération du rattachement à l'Etat d'une action ou omission donnée », elle voulait marquer sa distance par rapport à la signification que l'on attribue parfois en droit pénal interne aux mots « imputation» ou « imputabilité », qui visent « l'état d'esprit, la capacité d'entendre et de vouloir de l'agent en tant que fondement de la responsabilité» ou, dans la procédure pénale, « l'inculpation d'un sujet faite par une autorité judiciaire» (Rapport de la CDr sur les travaux de sa 25eme session, Ann. CDI1973, vol. II, p. 187, commentaire du projet d'art. 3, § 14; voir aussi, R. Ago, 2èmè rapport, p. 329, § 77, et 3èmc rapport, prée. §03, p. 225, § 50). 609 A. Pellet 9. De même~ si la notion de «circonstances excluant l'illicéité» (expression que la CDI a préférée à celle de « cause exonératoire » - voir R. Ago, 8èmè rappol'1\' Ann. CD! 1979, vol. Il, 1 cre partie, pp. 28-31, §§ 49-55 ; et le commentaire de la Commission, ibid., pp. 118-120, §§ 2-7), peut trouver à s 'applique~ indifféremment dans le cadre de la responsabilité civile ou pénale. la liste qu'en donnent les articles 20 à 25 des Articles de la COI est « mixte» en ce sens que si certaines circonstances renvoient uploads/S4/ pellet-2012-droit-international-penal 1 .pdf
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- Publié le Sep 01, 2021
- Catégorie Law / Droit
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