Pourquoi l’arrêt Manoukian est-il un arrêt fondamental ? par Steven | Cours de
Pourquoi l’arrêt Manoukian est-il un arrêt fondamental ? par Steven | Cours de droit en ligne SOMMAIRE [Masquer] 1 Dans quel contexte s’inscrivent les négociations en droit français ? 2 Arrêt Manoukian : Quels sont les moyens des parties ? 3 Quels sont les problèmes de droit de l’affaire Manoukian ? 4 Arrêt Manoukian : Solution de la Cour de Cassation 5 Quelle est la portée de l’arrêt Manoukian ? L’arrêt Manoukian est un arrêt majeur du droit des obligations, car il a consacré la rupture abusive des pourparlers. Cet arrêt de la Cour de cassation du 26 novembre 2003 rendu par la Chambre commerciale, offre un contraste unique avec le principe fondamental de la liberté des négociations en reconnaissant une faute dans la rupture des pourparlers. Méthodologie juridique Partiels-droit.com : Découvrez dans les paragraphes qui vont suivre le commentaire d’arrêt et l’analyse détaillée de l’arrêt Manoukian. DANS QUEL CONTEXTE S’INSCRIVENT LES NÉGOCIATIONS EN DROIT FRANÇAIS ? Bien avant la conclusion d’un contrat, conditionnée par la rencontre de l’offre et de l’acceptation, ont lieu les négociations. En effet, la formation d’un contrat s’inscrit dans un processus qui peut amener les futurs contractants à discuter des termes de leur relation contractuelle future. Cette période précontractuelle, qui s’ouvre par ce que l’on appelle « l’invitation à entrer en pourparlers », est, aujourd’hui, prévue à l’article 1112 du code civil (tel qu’issu de l’ordonnance du 10 février 2016 et de la loi de ratification du 20 avril 2018) qui dispose : « L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu ni la perte de chance d’obtenir ces avantages ». Première chose à retenir de cet article (et sans doute la plus importante) : l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations sont libres en droit français et cela découle du principe de la liberté contractuelle prévu à l’article 1102 du code civil. Cela signifie, en pratique, que l’on est libre d’engager des négociations mais également de les rompre, sans possibilité pour l’autre partenaire d’exiger une quelconque exécution forcée. Deuxième chose : la négociation précontractuelle doit impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi, prévue à l’article 1104 du Code civil. Si l’on en revient au principe de liberté des négociations et plus précisément au principe de liberté de la rupture des négociations, il faut savoir que, avant la réforme du droit des contrats du 10 février 2016, la jurisprudence avait déjà retenu que le simple fait de rompre les négociations n’était pas fautif, en soi. En effet, les juges avaient déjà admis que la liberté de rompre étant le principe, la rupture des pourparlers ne saurait, dès lors, permettre d’engager la responsabilité de son auteur. Mais, la Cour de Cassation avait également pu retenir l’existence d’une faute « dans la rupture » et, donc, la possibilité d’engager la responsabilité de son auteur, notamment, lorsque la rupture traduisait, en réalité, une intention de nuire ou la mauvaise foi de l’auteur de la rupture. Généralement, cela s’illustrait par la fourniture de renseignements inexacts en connaissance de cause ou par une rupture brutale et inattendue des pourparlers, comme ce fut le cas d’ailleurs dans l’arrêt Manoukian (Com., 26 nov. 2003, n° 00-10.243, 00-10.949, Grands arrêts, n°142, RDC, 2004.257 obs. D. MAZEAUD), qui est un arrêt de principe. Pour résumer, disons que la jurisprudence a permis d’engager la responsabilité de l’auteur de la rupture des pourparlers lorsque cette rupture est abusive. S’agissant de l’étendue du préjudice réparable en cas de faute pendant les pourparlers, il est à noter qu’elle se limite à ce que la partie lésée aurait pu éviter de perdre si les pourparlers n’avaient pas été entrepris (l’auteur de la rupture abusive peut-être amené par exemple, à indemniser les frais exposés pour la négociation : Com. 22 mars 2017, n°15-14.875, Contrats, Conc. Consom. 2017.179, obs. L. LEVENEUR). Mais, la réparation du préjudice subi ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu (comme le rappelle l’article 1112, alinéa 2 du code civil) ou (et c’est là l’un des apports essentiels de l’arrêt Manoukian) la perte de chance d’obtenir les gains espérés de la conclusion du contrat. En effet, il n’existe pas de « punitive damages » en droit français. Par ailleurs, si l’article 1112 reste silencieux sur la nature de la responsabilité civile engagée au cours des négociations, il ne fait guère de doute qu’elle soit délictuelle, aucun accord de volonté n’intervenant lors de la phase précontractuelle. Ainsi, l’arrêt Manoukian est un arrêt de principe en ce qu’il a contribué à la définition de la faute dans la rupture des pourparlers et en ce qu’il précisé quels étaient les chefs de préjudices réparables en cas de rupture fautive. Par ailleurs, découvrez aussi : Quelle est la méthodologie juridique du commentaire d’arrêt ? Nous vous délivrons en détail les réponses via ce lien ! Passons, maintenant, à l’analyse détaillée de l’arrêt Manoukian ! Quels sont les faits et procédure de l’arrêt Manoukian ? En l’espèce, une société (la société Alain Manoukian) est entrée en pourparlers avec les actionnaires d’une autre société (la société Stuck) afin d’acquérir les actions composant le capital de cette seconde société. Après de longues négociations, les parties ont établi un premier projet d’accord stipulant diverses conditions suspensives. Sur demande des cédants, la société Manoukian a accepté certaines modifications du projet d’accord. Mais alors que le nouveau projet avait été transmis aux cédants, la première société a appris que les actions avaient finalement été cédées à un tiers (la bien nommée société « Les Complices »). La société Alain Manoukian a alors assigné les cédants et son complice en responsabilité afin d’obtenir la réparation du préjudice résultant de la rupture abusive des pourparlers. La Cour d’appel de Paris a fait partiellement droit à la demande de la société Alain Manoukian. En effet, si elle a effectivement retenu la responsabilité des cédants, pour autant la Cour d’appel a, d’une part, limité les chefs de préjudice réparés aux frais occasionnés par les négociations et aux études préalables qu’elle avait engagées (sans l’étendre ni aux gains que la société Manoukian pouvait espérer tirer de la conclusion du contrat, ni à la perte de chance de réaliser ces gains) et, d’autre part, mis hors de cause la société Les Complices. Cette décision, ne satisfaisant ni la première société ni la seconde, un double pourvoi est formé par chacune des parties. ARRÊT MANOUKIAN : QUELS SONT LES MOYENS DES PARTIES ? S’agissant ces cédants, ceux-ci ont reproché aux juges du fond de ne pas avoir caractérisé la faute et de n’avoir relevé aucun élément permettant de caractériser un abus dans le droit de rompre les pourparlers, seul fondement de nature à limiter la liberté de rompre les négociations. S’agissant de la société Alain Manoukian, celle-ci a reproché à la Cour d’Appel de n’avoir pas été intégralement indemnisée de son préjudice, puisqu’elle aurait également souhaité obtenir l’indemnisation de la perte de chance de tirer profit de l’exploitation du fonds de commerce détenu par la société dont elle souhaitait faire l’acquisition. Elle lui a également reproché d’avoir mis hors de cause la société tierce au motif que celle-ci n’avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité. QUELS SONT LES PROBLÈMES DE DROIT DE L’AFFAIRE MANOUKIAN ? Dans cette affaire, la Cour de Cassation devait répondre à plusieurs questions (Voir : Guide pour réussir un cas pratique en droit simplement). D’abord, elle devait préciser dans quelles conditions la rupture des pourparlers pouvait être considérée comme fautive. Ensuite, il revenait à la Cour de Cassation de déterminer si le préjudice résultant de la rupture abusive des pourparlers comprenait la perte de chance de réaliser les gains espérés de la conclusion du contrat. Enfin, la Cour devait répondre à la question de savoir si le fait de contracter avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers pouvait constituer une faute. ARRÊT MANOUKIAN : SOLUTION DE LA COUR DE CASSATION En l’espèce, la Cour de Cassation a rejeté l’ensemble des pourvois qui lui étaient soumis. D’abord, la Cour a rejeté le pourvoi des cédants et donné raison à la Cour d’Appel de Paris, en ce qu’elle a retenu l’existence d’une faute dans la rupture des pourparlers. La Cour de Cassation a donc considéré que la Cour d’Appel de Paris avait légalement justifié sa décision de retenir la responsabilité des cédants qui « avaient rompu unilatéralement et avec mauvaise foi des pourparlers qu’ils n’avaient jamais paru abandonner et que la société Alain Manoukian poursuivait normalement ». Ce qu’il faut donc retenir, en l’espèce, c’est que ce sont bien les circonstances de la rupture et la mauvaise foi des cédants qui ont permis aux juges du fond de retenir l’existence d’une faute. En effet, il uploads/S4/ l-x27-arret-manoukian-du-26-novembre-2003 1 .pdf
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- Publié le Nov 11, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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