L’analyse ´ economique du droit Boris Barraud To cite this version: Boris Barra

L’analyse ´ economique du droit Boris Barraud To cite this version: Boris Barraud. L’analyse ´ economique du droit. La recherche juridique, L’Harmattan, 2016. <hal-01367777> HAL Id: hal-01367777 https://hal-amu.archives-ouvertes.fr/hal-01367777 Submitted on 16 Sep 2016 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. Boris Barraud, « L’analyse économique du droit », in La recherche juridique (les branches de la recherche juridique), L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2016, p. 141 s. manuscrit de l’auteur (droits cédés aux éditions L’Harmattan) 2 Boris Barraud, « L’analyse économique du droit » (manuscrit de l’auteur) Une science du droit jeune et mal établie L’analyse économique du droit, plus rarement appelée « économie du droit »1, est peut-être la dernière apparue des quatorze branches de la recherche juridique. Sa place parmi elles n’en est pas moins devenue incontestable2 et, si le nombre de chercheurs concernés demeure relativement marginal, il l’est chaque jour un peu moins tant de plus en plus de travaux innovants, notamment des thèses de doctorat3, s’inscrivent dans le cadre particulier de l’analyse économique du droit. On va même jusqu’à considérer qu’il sera bientôt impossible, parmi les facultés de droit, d’échapper à l’analyse économique du droit4, ce qui est loin d’être certain tant celle- ci demeure, pour l’heure, une « science approximative »5, tant du point de vue des ses fins que du point de vue de ses moyens. En effet, l’analyse économique du droit tend à se rapprocher de la politique juridique et, s’il est permis de parler de science du droit à son égard, ce n’est qu’avec des réserves et en n’ignorant pas qu’elle peut prendre un tour très politique et très peu scientifique. L’analyse économique du droit est née aux États-Unis derrière le nom « Law and Economics », au cours des années 1960, sous l’impulsion de chercheurs de l’université de Chicago — on parle d’École de Chicago — et, plus particulièrement, du juriste Richard Posner6 et des économistes Ronald Coase7, George Stigler8 et 1 Par exemple, G. ROYER, L’efficience en droit pénal économique – Étude de droit positif à la lumière de l’analyse économique du droit, LGDJ, coll. Droit et économie, 2009 ; G. MAITRE, La responsabilité civile à l’épreuve de l’analyse économique du droit, LGDJ, coll. Droit et économie, 2005 ; Th. KIRAT, Économie du droit, La découverte, coll. Repères, 2012 ; M. FAURE, A. OGUS, Économie du droit : le cas français, Éditions Panthéon-Assas, 2002. 2 M.-A. FRISON-ROCHE, « La recherche juridique en matière économique », in Y. AGUILA et alii, Quelles perspectives pour la recherche juridique ?, Puf, coll. Droit et justice, 2007, p. 93 s. ; B. DEFFAINS, « L’économie comme instrument de la recherche juridique », in Y. AGUILA et alii, Quelles perspectives pour la recherche juridique ?, Puf, coll. Droit et justice, 2007, p. 85 s. 3 Par exemple, V. VALENTIN, Les conceptions néolibérales du droit, Economica, 2002 ; T. SACHS, La raison économique en droit du travail – Contribution à l’étude des rapports entre le droit et l’économie, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit social, 2013. 4 H. MUIR WATT, « Les forces de résistance à l’analyse économique du droit dans le droit civil », in B. DEFFAINS, dir., L’analyse économique du droit dans les pays de droit civil, Cujas, 2002, p. 37. 5 A. BERNARD, « Law and Economics : une science idiote ? », D. 2008, p. 2806. 6 Notamment, R. A. POSNER, Economic Analysis of Law, 5e éd., Aspen Law & Business, 1998. Cf. S. HARNAY, A. MARCIANO, Posner – L’analyse économique du droit, Michalon, coll. Le bien commun, 2003 ; A. STROWEL, « Utilitarisme et approche économique dans la théorie du droit – Autour de Bentham et de Posner », Arch. phil. droit 1992, p. 143 s. 7 Notamment, R. COASE, « The Problem of Social Cost », Journal of Law and Economics 1960, p. 1 s. (cet article est souvent considéré comme l’élément fondateur du mouvement Law and Economics) ; R. COASE, Le coût du droit, trad. Y.-M. Morissette, Puf, 2000. 8 Notamment, G. STIGLER, « The Theory of Economic Regulation », Bell Journal of Economics and Management Science 1971, n° 2, p. 3 s. 3 Boris Barraud, « L’analyse économique du droit » (manuscrit de l’auteur) Friedrich Hayek1. Ces derniers ont souhaité appliquer les instruments usuels de l’analyse économique à des domaines jusqu’alors inexplorés par les économistes tels que les choix constitutionnels, les droits de propriété, les accidents ou les activités illicites2. Puis, l’analyse économique du droit a petit à petit été découverte en Europe occidentale, à la fin du XXe s. Dès le XVIIIe s., des courants de pensée avaient plaidé non pour une compréhension du droit à travers l’économie mais pour une compréhension de l’économie à travers le droit3. En témoignent certains travaux d’Adam Smith ou Karl Marx à propos des conséquences économiques des lois4. Et, au XIXe s., les facultés de droit ont accueilli des enseignements d’économie politique5 et Georges Ripert a pu étudier les « aspects juridiques du capitalisme »6. Aux États-Unis, à partir des années 1920, l’École du Legal Realism (« réalisme juridique ») a pu souligner le besoin que les juristes comprennent le fonctionnement des marchés et de la sphère économique dans son ensemble afin d’opérer, dans le cadre de leurs activités, des choix plus rationnels. Il faut croire, cependant, que cela devrait concerner le personnel politique et les magistrats, chargés d’élaborer le droit, davantage que les juristes, chargés d’appliquer et/ou d’expliquer le droit. Quant au mouvement des Critical Legal Studies (« École critique du droit »), successeur du Legal Realism, il peut être analysé en tant précurseur de l’analyse économique du droit en ce qu’il considère que l’économie serait la seule science valable, si ce n’est la seule science possible7 ; mais, volontiers anarchiste et contestataire, il s’éloigne assez radicalement de l’analyse économique du droit telle qu’elle est aujourd’hui le plus souvent envisagée. L’explication du droit par l’économie ou la proposition du droit à l’aune de l’économie L’analyse économique du droit est une discipline qui se propose d’expliquer la réalité du droit non par le droit lui-même ou par quelques phénomènes sociaux ou 1 Notamment, F. VON HAYEK, Droit, législation et liberté (1973), Puf, 1995. Cf. D. DANET, « Le droit économique doit-il être hayékien ? », RIDE 1995, p. 407 s. 2 Cf. S. FEREY, Une histoire de l’analyse économique du droit – Calcul rationnel et interprétation du droit, Bruylant (Bruxelles), coll. Droit et économie, 2009. 3 Cf. P. VER LOREN VAN THEMAAT, « L’économie à travers le prisme du juriste », RIDE 1989, p. 133 s. 4 Cf., notamment, J.-J. SUEUR, « La “main invisible” ou le droit économique – Retour sur Adam Smith et certaines de ses institutions », RIDE 2013, p. 491 s. ; F. ZENATI, « Le droit et l’économie au-delà de Marx », Arch. phil. droit 1992, p. 121 s. 5 L. LE VAN LEMESLE, « La promotion de l’économie politique en France au XIXe s. jusqu’à son introduction dans les facultés (1815-1881) », Revue d’histoire moderne et contemporaine 1980, p. 270 s. 6 G. RIPERT, Aspects juridiques du capitalisme moderne, 2e éd., LGDJ, 1951. 7 Ch. JAMIN, « Économie et droit », in D. ALLAND, S. RIALS, dir., Dictionnaire de la culture juridique, Lamy-Puf, coll. Quadrige-dicos poche, 2003, p. 580. 4 Boris Barraud, « L’analyse économique du droit » (manuscrit de l’auteur) politiques mais grâce aux techniques et aux concepts de la science économique1. En cela, elle est avant tout une méthode2. Il s’agit d’analyser à l’aide des outils de la microéconomie traditionnelle la création et les conditions d’efficacité des règles de droit3. Les économistes du droit peuvent, d’une part, observer et expliquer le processus de « production » des règles de droit, ce qui est une attitude scientifique, et, d’autre part, proposer l’édiction de règles de droit qu’ils jugent optimales en termes de résultats économiques, ce qui cette fois n’est pas une démarche scientifique mais une démarche à visée normative4. Les rapports annuels « Doing Business » sont symptomatiques de cette approche prescriptive, quoiqu’ils n’émanent pas du milieu universitaire5. Si elle se veut scientifique, l’analyse économique du droit présente souvent un visage prédictif, subjectif, prescriptif et polémique6. Elle peut être rapprochée de la philosophie du droit7 et les juristes, en France tout du moins, se montrent depuis 1 Cf., notamment, E. MACKAAY, « La règle juridique observée par le prisme de l’économiste – Une histoire stylisée du mouvement de l’analyse économique du droit », RIDE 1986, p. 43 s. ; M.-A. FRISON-ROCHE, « Le modèle du marché », Arch. phil. droit 1995, p. 285 uploads/S4/ l-x27-analyse-economique-du-droit.pdf

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  • Publié le Aoû 14, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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